Dans le conflit qui se d�roule en Syrie, il peut para�tre bizarre pour les non-initi�s des arcanes des pays de la r�gion, que des Etats arabes se retrouvent dans le m�me camp qu�un Etat qui occupe un pays arabe et opprime son peuple. Laissons de c�t� le jeu mal�fique et pr�dateur des grandes puissances pour nous pencher sur l�agitation de certains pays arabes (en l�occurrence l�Arabie saoudite et le Qatar) et Isra�l. Qu�est-ce qui fait courir ces trois pays ? Pour l�Arabie saoudite et le Qatar, leur hantise s�appelle l�Iran. Outre le vieux contentieux religieux sunnite/chiite qui plonge ses racines dans l�histoire mouvement�e de cette r�gion depuis la mort du proph�te Mohamed, sont venus s�ajouter des facteurs �minemment politiques. Ces facteurs ne sont autres que la nature de leurs alliances et leur d�pendance vis-�-vis de puissances �trang�res, le contr�le des richesses (p�trole et gaz) et la libre circulation de ces richesses en direction d�un Occident qui garantit la s�curit� et la stabilit� des monarchies incapables de se d�fendre contre des Etats voisins. Hier c��tait l�Irak de Saddam Hussein, aujourd�hui c�est l�Iran. Les monarchies du Golfe peupl�es de fortes minorit�s chiites n�ont qu�un but, affaiblir l�Iran chiite pour que celui-ci ne puisse pas �utiliser� ces minorit�s chiites. Et pour atteindre cet objectif, ces monarchies n�avaient pas h�sit� hier � pousser Saddam Hussein � attaquer l�Iran, � soutenir les Talibans en Afghanistan. Il leur reste aujourd�hui � parfaire cet encerclement, faire tomber la Syrie pour que l�Iran soit isol� et sous la menace permanente des bases terrestres am�ricaines et de leur 7e flotte. Ainsi, en contre-partie de la garantie de leur s�curit�, ces deux Etats sont devenus une sorte de cheval de Troie dans le monde arabe. Quant � Isra�l, sa pr�sence aux c�t�s de ceux qui veulent neutraliser la Syrie s�explique par des raisons, entre autres, de tactique militaire qui ont �merg� depuis que l�on soup�onne l�Iran de se doter de l�arme nucl�aire. Au passage, notons que la Syrie ne pose vraiment pas de probl�mes militaires � Isra�l dans un face-�face militaire direct. Pas un coup de fusil n�est tir� depuis des lustres � partir de la Syrie, m�me pas quand Isra�l a pulv�ris� une future et hypoth�tique centrale atomique syrienne. Alors pourquoi la r�action hyst�rique d�Isra�l symbolis�e par les d�clarations de son Premier ministre � l�encontre de l�Iran ? Isra�l est, comme on le sait, obs�d� par sa s�curit�, une s�curit� d�autant plus fragile qu�elle ne repose sur aucune l�gitimit� historique. Seule la force impos�e � un peuple que l�on a d�poss�d� et de ses droits et de sa terre sert de garantie � sa s�curit�. Pour comprendre la peur panique de cet Etat � l�heure actuelle vis-�-vis de l�Iran, il faut se reporter aux �crits de ses strat�ges et aux d�clarations de ses hommes politiques que l�on peut r�sumer ainsi : 1) Isra�l ne peut pas perdre une seule bataille car il m�ne un combat existentiel. 2) En raison de l�inexistence de profondeurs strat�giques sur son territoire, Isra�l est oblig� de mener ses guerres sur le territoire de ses ennemis. 3) Isra�l doit toujours garder sa sup�riorit� militaire et la bombe atomique est l�arme ultime de sa dissuasion. Or, ces facteurs prennent peu � peu du plomb dans l�aile. Isra�l sait que par deux fois il a �t� malmen� dans ses conflits avec ses voisins. La premi�re fois en octobre 1973 dans le Sina� et le Golan o� ses arm�es furent bouscul�es et la cons�quence politique fut son retrait du Sina� et d�une partie du Golan. La deuxi�me fois, quand il fut humili� par de simples combattants de Hizbollah en 2006 (sans aviation ni blind�s). Cette confrontation avait entra�n� des pertes sur le territoire m�me de cet Etat. Ce fut un dramatique avertissement pour une arm�e qui fait tout pour ne pas livrer bataille au milieu de sa population civile. Quant � sa sup�riorit� militaire due � la possession de l�arme atomique, il sait qu�elle ne sera plus assur�e dans le futur au cas o� l�Iran se dote de la m�me arme. Si on additionne tous ces �l�ments, on peut deviner ce qui se trame dans les �tats-majors de l�arm�e de cet Etat. Comme on le sait, toute arm�e digne de ce nom envisage toutes les possibilit�s tactiques dans une guerre. Avant d�attaquer un pays comme l�Iran, il lui faut r�soudre un probl�me nouveau pour lui. Jusqu�ici Isra�l faisait ses guerres � partir de son territoire en combinant les diff�rentes armes en sa possession, l�arm�e de terre, la marine et l�aviation. Mais face � l�Iran, il ne peut qu�utiliser son aviation et encore avec l�aide de son protecteur am�ricain. Isra�l sait aussi que l�Iran ne restera pas les bras crois�s devant une attaque de son territoire et ripostera avec tous ses moyens. Si l�Iran ripostait uniquement � l�aide de missiles, Isra�l sortirait �vainqueur� car ses strat�ges ont calcul� que bien pr�par�, le pays (abris et masques � gaz) subirait des pertes �valu�es entre 300 et 500 civils (d�claration d�Ehud Barak ministre de la D�fense). Isra�l sait aussi qu�il n�a pas les moyens de porter le feu et le fer avec ses arm�es sur le territoire iranien comme il le fait habituellement avec ses propres voisins. En revanche, Isra�l sait, et c�est l��l�ment nouveau auquel nous avons fait allusion, que l�Iran peut porter la guerre sur son territoire car il a les moyens d�acheminer des troupes en Syrie et au Liban (Hizbollah) pour appuyer les combattants dans ces deux pays, ses alli�s. La d�claration du g�n�ral des Pasdaran qui reconna�t la pr�sence de conseillers militaires au Liban et en Syrie n�est pas faite pour rassurer Isra�l. Eviter co�te que co�te d��tre confront� sur son propre territoire � des soldats iraniens, tel est donc l�objectif d�Isra�l qui est convaincu que Bachar Al Assad, qui doit en partie sa survie � l�Iran, ne peut lui refuser l�entr�e de combattants iraniens. Faire tomber Assad est donc un pr�alable pour Isra�l pour �viter un danger sur ses fronti�res nord alors que lui-m�me ne peut que menacer l�Iran uniquement par les airs. Or l�on sait que l�aviation est certes une arme de grande destruction mais elle n�est jamais l�arme d�cisive dans une guerre. L�histoire des guerres, depuis la nuit des temps, enseigne que l�arme d�cisive a toujours �t� l�infanterie, seule capable d�aller d�nicher l�ennemi dans ses tani�res, occuper le terrain pour restreindre ses mouvements et perturber ses lignes de ravitaillement. Isra�l veut donc se pr�munir contre une faiblesse militaire et tactique (se voir imposer la guerre sur son territoire et l�impossibilit� pour lui de faire de m�me chez l�ennemi). Voil� donc un aspect cach� de la position d�Isra�l qui pr�f�re prendre le risque de la venue d�un pouvoir islamiste en Syrie. Un risque calcul� pense-t-il car un tel pouvoir ami de l�Arabie saoudite enl�verait un atout non n�gligeable � cet Iran d�crit comme une menace �existentielle�. A. A. * Cin�aste co-r�alisateur de L�Olivier, film sur la r�sistance du peuple palestinien.