La PME algérienne était souvent exclue de la commande publique au motif qu'elle n'avait pas les moyens nécessaires ou était peu qualifiée. Un fait dénoncé depuis des années par le Conseil national consultatif de la PME (CNC PME) qui a sans cesse plaidé pour le redéploiement des entreprises algériennes. La prochaine révision de la réglementation des marchés publics est indispensable pour instaurer le principe de la préférence nationale, estime Zaïm Bensaci, président du CNC PME. Ce fervent défenseur des PME a revendiqué, à plusieurs reprises, la nécessité d'accorder plus d'intérêt aux PME et de prévoir dans le cadre de l'amendement du code des marchés publics des dispositions qui favoriseraient la promotion des PME. Dans cet entretien, Zaïm Bensaci considère que la part des entreprises algériennes dans les marchés publics devra augmenter à 40%. Quant aux marchés de gré à gré, ils doivent être réservés aux entreprises algériennes. Le code des marchés publics sera modifié prochainement. Quelle lecture faites-vous de cette révision ? Jusque-là, il n'a pas été suffisamment révisé. J'ai des éléments en main. Mais actuellement, on s'intéresse à la modification apportant certaines prévisions au niveau du code des marchés publics. Nous savons par exemple que les délais de payement ne sont jamais respectés. Ceci est un point négatif car les entreprises ne peuvent pas servir de trésorerie pour les maîtres d'ouvrages. Le second problème concerne la sous-traitance au niveau du secteur du bâtiment, par exemple. Nous ne comprenons pas pourquoi les sociétés étrangères qui prennent d'importants marchés ne font pas appel aux entreprises algériennes dans le cadre justement du cahier des charges. L'autre point essentiel de la modification est lié à l'instruction donnée par le président de la République, à savoir donner une part des marchés aux PME au niveau des marchés publics. Et ça, c'est un point qui reflète peut-être le patriotisme économique mais ça ne doit pas concerner uniquement le secteur du BTPH et que ça ne soit pas cantonné aussi uniquement dans les entreprises publiques. Les sociétés du secteur privé doivent trouver des avantages dans le cadre des nouvelles dispositions. Pour le problème des cautions, qui sont dans certains cas exorbitantes, il faut trouver un processus de facilitations que ce soit à travers la banque ou un mécanisme qui puisse permettre à l'entreprise de faire face à l'appel d'offres et en ménageant une sortie pour la caution. Que pensez-vous de la caisse de garantie des marchés publics ? Cette caisse ne concerne que les marchés publics. Or il y a des donneurs d'ordre qui ne sont pas concernés. Il faudra penser à des modifications souples qui permettent à l'entreprise de se positionner. Donc, en définitive, avec les nouvelles dispositions, il faut qu'on puisse donner une bouffée d'oxygène aux entreprises qui ont en besoin, surtout dans le secteur du BTPH. Mais j'irai encore plus loin. Car si la modification du code des marchés publics va concerner dans une grande mesure le secteur du BTPH, il n'en demeure pas moins qu'il existe des entreprises dans le domaine de la sous-traitance. Ces dernières peuvent toucher à des secteurs potentiels comme la mécanique, donc il faudrait que ces dispositions puissent s'appliquer pour que ces entreprises puissent être éligibles aux marchés publics donnés aux entreprises étrangères. Quelles sont les retombées des retards de payement sur les PME ? Même si la convention signée entre la PME et le donneur d'ordre prévoit un délai de payement de 45 jours, l'entreprise n'est payée qu'au bout de deux ans, par exemple. Les petites PME ne peuvent pas supporter et être la trésorerie des donneurs d'ordre. C'est inadmissible. En France, par exemple, ils ont pris des dispositions législatives à travers lesquelles les relations entre les donneurs d'ordre et les sous-traitants, et notamment dans le cadre du payement. Un délai de 30 jours maximum est accordé au donneur d'ordre pour honorer le payement, sachant qu'il devra verser des avances selon le type de fabrication à réaliser, allant de 20 à 25%, à titre d'acomptes. Ce genre de mesures n'existe pas en Algérie. Qu'y a-t-il lieu de faire ? Il faudrait les prévoir car la PME est fragile, comme c'est le cas à travers le monde. En plus, les PME algériennes ne sont pas mises à niveau, d'où la nécessité de revoir le processus de mise à niveau. A défaut, les PME vont être de simples tâcherons qui ne répondent à aucune norme. Et ça, c'est un grave danger pour nos entreprises. Le programme algérien de mise à niveau qui sera lancé devra toucher toutes les opérations matérielles et immatérielles. L'autre point fondamental est lié à l'éligibilité des entreprises au programme de mise à niveau. Il y a des entreprises qui ont des difficultés financières, mais cela ne signifie pas qu'elles ne sont pas éligibles à un programme de mise à niveau. L'Espagne, par exemple, est devenue une puissance industrielle grâce à son tissu de PME et à la sous-traitance faite aux autres pays européens. Mais en plus du tissu de PME, il faudrait une décision politique pour que la PME soit l'outil de développement. Nous ne pouvons pas parler de la PME lorsqu'elle n'a pas sa consécration. Et c'est ce qui manque actuellement, malheureusement. Le CNC PME a déjà plaidé pour la préférence nationale qui sera consacrée dans le cadre de l'amendement du code des marchés publics. Que pensez-vous du taux de la part des entreprises algériennes qui sera accordée dans ce code ? Une note du gouvernement indique qu'il faut réserver entre 20 et 25% des marchés nationaux aux entreprises algériennes. Pour nous, c'est insuffisant mais cette insuffisance est justifiée. Car s'il n y a pas d'entreprises pour réaliser, ça ne rime à rien. Ce que nous avons constaté, par contre, pour la sous-traitance, il y a la possibilité d'accorder plus 25% aux entreprises algériennes. Prenons les cas de Sonatrach, de Sonelgaz et de la Société nationale de véhicules industriels qui importent une pièce de rechange qui est fabriquée localement. Il faut aller jusqu'à 40% de parts de marché aux entreprises algériennes dans le cadre de la relance économique. Si on fait ça, on aura réussi la réconciliation économique. Que pensez-vous des marchés de gré à gré ? C'est une arme à double tranchant. Les gens disent que lorsqu'il y a marché de gré à gré, il y a automatiquement suspicion. Mais nous avons vu que la corruption a concerné même les projets qui ont fait l'objet d'un appel d'offres. Prenons le cas de Sonatrach. Malgré le bulletin des appels d'offres du secteur de l'énergie et des mines (Baosem), il y a eu corruption. L'appel à concurrence dans le cadre d'une mission est bien mais il faudra faire attention pour que le cahier des charges ne soit pas orienté vers telle ou telle entreprise étrangère notamment. Il faut maintenir l'appel d'offres mais il faut aussi ouvrir la possibilité d'avoir des marchés de gré à gré en limitant le montant, mais pas dans les conditions actuelles. Car dans le cas de Sonatrach, par exemple, ils n'ont jamais accepté les marchés de gré à gré alors qu'il y a des cas où il faut accepter les marchés de gré à gré. Ce dernier doit être réservé aux entreprises algériennes qui doivent être conformes aux normes internationales. Entretien réalisé par