[email protected] Lorsque Ratiba est n�e, son grand-p�re l�a vite adopt�e. Sa maman qui vivait avec sa belle-famille �tait alors heureuse qu�� l��poque o� les filles n��taient pas accueillies en grande pompe, Kenza, la benjamine, �tait la coqueluche de papy. Il n��tait plus question de s�en s�parer. Maman, bien s�r, �tait aux petits soins avec son b�b�, elle s�en occupait toute la journ�e mais la nuit c�est dans la chambre des grands-parents qu�on avait install� le berceau. Elle �tait la prunelle de ses yeux. Ratiba �tait choy�e, adul�e, et gare � celui qui oserait lui faire couler quelques petites larmes ! Les jours pass�rent, les mois et Ratiba combl�e d�amour grandissait parmi les siens dans la joie et la qui�tude. Six ann�es se sont �coul�es et il fallait c�der la place au beau-fr�re qui devait convoler en justes noces. La demeure des beaux-parents n��tait pas assez grande pour accueillir un second couple. Les parents se pr�paraient � quitter la maisonn�e. Le grand-p�re redoutait le jour du d�part et ne pouvait imaginer la vie sans Ratiba. La maman, quant � elle, n�admettait pas de s�parer Ratiba de ses deux s�urs et tenait � ce qu�elle fasse ses premi�res classes avec elles. Mais elle �tait affect�e par la tristesse que manifestait son beau-p�re. Il dissimulait mal son chagrin, devenait acari�tre, et m�lancolique. Le jour J arriva, on s�effor�ait de placer les derniers cartons dans le camion, les petites filles �taient excit�es � l�id�e de changer de maison, d�en avoir une que pour elles. La maman, les yeux embu�s, embrassa son beau-p�re qui tentait de ravaler ses sanglots, mais les larmes qui ruisselaient sur ses joues le trahirent. Il serra sa belle-fille et lui murmura : �Je t�en supplie, laisse-moi la petite, je mourrai si tu la prends.� La belle-fille, prise entre le marteau et l�enclume, ne savait plus quelle d�cision prendre devant la joie de sa petite Ratiba. Elle regarda son mari qui baissa la t�te, lui laissant la responsabilit� de prendre seule la d�cision, une lourde responsabilit� qu�elle a d� assumer toute sa vie. Elle appela Ratiba qui s�appr�tait � prendre place � l�arri�re de la voiture et lui dit : �Ratiba, mon enfant, toi tu resteras ici avec ton grand-p�re, il t�aime trop et �a lui fait trop de peine si tu le quittes. Je viendrai te voir tous les jours. Ratiba, sans mot dire, se mit au pas de la porte, et regarda avec ses beaux yeux tristes la voiture s��loigner. � A l��poque, les enfants n�avaient pas le droit de discuter les d�cisions des parents. Ratiba allait tous les week-ends chez ses parents retrouver son papa et ses s�urs, mais au fond d�elle-m�me, elle se consid�rait comme une intruse, celle que sa maman a �abandonn�e�. Les ann�es n�ont jamais effac� ce sentiment d�abandon qui la tiraillait. Sa maman a beau lui expliquer qu�elle n�avait pas le choix, qu�elle ne pouvait laisser le p�re de son mari d�p�rir, qu�elle l�a fait en �pouse aimante et en belle-fille ob�issante, comme le voulaient les traditions d�antan, qu�elle l�aimait et la ch�rissait autant que ses fr�res et s�urs ; mais rien n�y fit. Ratiba ne pouvait comprendre que l�on pouvait �offrir� son enfant m�me � son grand-p�re, juste pour ne pas le blesser. Ratiba est aujourd�hui maman de deux petites filles ; � l�occasion, elle dira � sa maman : �Tu crois que si ma belle-m�re me demande de garder une des jumelles j�aurais dis oui ? Cela ne m�effleurera jamais l�esprit, d�autant que j�ai trop souffert de ce d�chirement. �a, personne ne s�en doutait, bien s�r. A l��poque, on ne demandait jamais l�avis des concern�s sous pr�texte que ce sont des enfants.�