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C�est ma vie
Les �corch�s vifs
Publié dans Le Soir d'Algérie le 16 - 03 - 2013

Au c�ur de la Kabylie tourment�e vivait recluse, sur une plateforme rocheuse dominant la cha�ne du Djurdjura, une famille dont les maisons de pierre et au toit rouge pr�taient le flanc � la mis�re et au d�nuement d�une r�gion vivant de plein fouet une guerre sans merci qui avait pour th��tre ces montagnes qui r�sonnent encore aujourd�hui des cris de douleur, arrach�s sous la torture � des militants dont l�id�al n��tait que la libert� du pays et � n�importe quel prix.
Dans ces maisons fi�res sur leur pi�destal rocheux, qui s��tend sur toute la montagne meurtrie et dont ne restent aujourd�hui que ruines et d�solation, vivaient les membres de la famille Rachedi, dont la plupart, des hommes et m�me des femmes, qui ont choisi de consentir le sacrifice supr�me pour que vive l�Alg�rie libre et ind�pendante, conform�ment au serment donn� par les soldats de la libert�, ont disparu, ne laissant aucune descendance. Bien qu��ventr�es et tristes, ces humbles habitations d�A�t-Semlal, ras�es par l�aviation coloniale et les obus d�artillerie en signe de repr�sailles pour leur engagement aux c�t�s de la r�volution, continuent � braver l�injustice et le d�tournement du cours de l�histoire et � raconter ces familles qui les avaient jadis habit�es. Ces hommes et ces femmes, qui ont r�pondu � l�appel de la r�volution, savaient le prix � payer pour l�ind�pendance. Mais que valait � leurs yeux la vie d�une personne ou d�une famille devant la vie de tout un peuple profond�ment attach� � son histoire et � son identit� ? Et face � ce dilemme o� il fallait trancher entre une vie d�asservissement � l�occupant ou l�ind�pendance, la famille Rachedi a vite fait son choix. Quitte � dispara�tre et � �tre ray�e de la carte sans laisser de trace ni d�h�ritiers pour perp�tuer une lign�e qui avait fait la fiert� de la r�gion avec son courage, sa bravoure mais aussi son intelligence. Cette d�termination � recouvrer co�te que co�te l�ind�pendance se lisait dans les yeux de ces chouhada et chahidate partis jeunes alors qu�ils avaient tout pour �tre heureux : des maisons relativement belles et coquettes pour l��poque avec leur architecture traditionnelle con�ue avec go�t et harmonie, des figuiers et des oliveraies fructifiant sur de belles et vastes terres agricoles arrach�es � la montagne et un m�tier qui leur assurerait une subsistance et un avenir assur�s s�ils avaient choisi le camp de la compromission et de la l�chet�. La plupart de ces chouhada n�ont m�me pas eu de s�pulture ; et de leurs tombes �parpill�es �� et l� � travers le territoire national, il ne reste que le souvenir. A commencer par le chahid Rachedi Amar, dit Amar Ath El Hadj, fils de Ali et Brahmi Yamina, chahida aussi. Issu d�une famille de paysans, il a connu une enfance dure faite de sacrifices et de privations. Son enr�lement au service militaire de 1943 � 1945 le forgea davantage dans sa perception qu�il avait de la vie et du fait colonial. C�est ainsi qu�il r�pondit � l�appel de l�ALN en 1955, dans la r�gion d�Idjer, en compagnie des pionniers de la r�volution que furent Amar Khodja Mhenna, Ferrat Ramdane et Hamadi Mohand Sa�d, tous morts les armes � la main. Son exp�rience militaire et son sens aigu de la responsabilit� lui valurent une promotion en tant que chef militaire avec � la cl� plusieurs hauts faits d�armes dont il se sortit indemne avant de tomber au champ d�honneur en 1959 � l�issue d�une m�morable bataille dans la r�gion de Port Gueydon (Azeffoun) en Kabylie maritime o� il fut enterr� dans une fosse commune avec onze de ses compagnons. Charg� du recrutement en 1956, il fut nomm� sergent-chef adjoint de Ferrat Ramdane en 1957, puis adjudant de secteur en octobre 1957 avant d��tre promu � un grade sup�rieur en 1959. L�une de ses missions cardinales fut la sensibilisation de la population d�Ath-Idjeur au djihad. Il cibla notamment les jeunes de la r�gion ayant une certaine culture politique et dont la r�putation de courage et de motivation � s�engager dans la lutte arm�e n��tait plus un secret pour personne. Un atout pour la r�volution consid�rant l�effet produit aupr�s de la population par cette frange de la soci�t� qui donnait un exemple de sacrifice. Ou encore le chahid Rachedi Mohand Ou Lounis, fils de Lounis et Ferrat Djohra, membre actif du FLN au grade de sergent-chef. Orphelin d�s son jeune �ge apr�s avoir perdu son p�re durant la Seconde Guerre mondiale, il a connu les pires privations qui lui valurent de quitter pr�cocement l��cole de Sidi A�ch, seconde attache des Rachedi r�put�s pour leur travail du cuir. Son attachement aux id�aux de libert� se renfor�a apr�s l�extermination de huit membres de sa famille par les hordes coloniales et de ses oncles maternels Ferrat Amara, Hacene et Mhend ainsi que treize autres membres de sa famille maternelle vouant alors une haine irascible pour l�ennemi auquel il avait jur� de faire payer ses crimes et ses exactions. Le courage et l�audace aidant, il r�alisa � la t�te de son commando des exploits guerriers qui resteront grav�s � jamais dans les annales de la guerre d�Alg�rie. Certains de ces exploits ont �t� m�me relat�s dans les m�moires de ceux qu�il avait combattus et qui ont consign� dans leurs �crits ces actions d��clat. Le chef de la Wilaya III historique, le Colonel Mohand Oulhadj, dont il assura la garde rapproch�e lors des grands �v�nements, le prit m�me dans sa garde rapproch�e, r�ussissant � d�jouer une tentative de capture de Amghar durant l�op�ration Jumelles en cr�ant une diversion non loin du refuge du Colonel Mohand Oulhadj. Pour le punir de ses exploits et de ses outrecuidances militaires, les soldats de l�arm�e coloniale commirent un crime humanitaire en extradant sa femme et en laissant mourir son unique b�b� de la fa�on la plus atroce qui soit : apr�s avoir �t� charg� sur un couffin comme une vulgaire marchandise, le nourrisson fut suspendu � une esse jusqu�� ce qu�il mourut de d�shydratation. C��tait le drame qui s�abattit sur le moudjahid qui, loin de se d�courager et de se soumettre, fit boire le calice jusqu�� la lie aux soldats coloniaux fran�ais. Parmi ses op�rations d��clat figure la mise sur pied de la d�sertion de deux soldats du contingent qui rejoignirent aussit�t le maquis avec armes et bagages. Il tombera les armes � la main le 23 f�vrier 1961 lors d�une l�che embuscade avec quatre de ses compagnons. Le comble, c�est que ce valeureux chahid a �t� le grand oubli� des baptisations puisque son nom ne figure sur l�enseigne d�aucune rue, �tablissement ou place publique. Ne pas �voquer la chahida Rachedi Yamina, dite naYamina, serait impardonnable. Cette sage-femme au fabuleux destin a aid� � donner la vie � des dizaines d�enfants avant que la sienne ne lui soit �t�e une nuit, apr�s, qu�elle eut assist� une femme dans un accouchement difficile. Elle fut cueillie par une rafale � sa sortie de la maison de la parturiente, non loin de la mosqu�e o� fut tendue une embuscade. L�accoucheuse rurale savait les risques auxquels elle s�exposait en sortant la nuit. Mais le bonheur de donner vie, de mettre fin aux souffrances des parturientes et d��gayer les foyers �taient plus fortes. La mort de la dame plongea les habitants dans une profonde tristesse. Tous ces gens qu�elle a vu na�tre parfois dans des interventions p�rilleuses �taient pein�s de la voir partir fauch�e par des balles assassines qui lui ont arrach� la vie. La saga des Rachedi m�rite ainsi d��tre �crite en lettres d�or dans les pages dor�es de l�histoire de l�Alg�rie. Elle illustre le courage et l�amour pour la patrie qui coule dans le sang de cette famille forg�e dans la soif de la libert� qui a anim� tous ses membres au point de choisir de mourir pour leur pays que de vivre en courbant l��chine devant le m�pris et la honte. Quitte � ne pas laisser de descendance, car les Rachedi voyaient en chaque Alg�rien un p�re, un fils ou un fr�re. Et c�est en cette fratrie-l� qu�ils ont cru avant de s�engager dans la guerre, seule alternative pour se d�barrasser du joug colonial.

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