El Hadj Abdelkader Kadri, ex-membre du Comité directeur du Mouloudia d'Alger, est décédé, dimanche, à l'âge de 85 ans. A l'image de nombreux dirigeants de sa génération, il avait dédié une vie entière au football dont il avait cultivé les vertus éducatives. Né le 24 février 1929 à La Casbah d'Alger, El Hadj Kadri appartenait à la génération de dirigeants honnêtes et désintéressés qui avaient franchi la porte d'un club, non pas pour se servir mais pour servir et bien servir. C'était au plus fort du bénévolat avec un grand «B». C'était à une époque où le football algérien était vacciné contre le virus de la «chkara» et des combines à la petite semaine. Mouloudéen dans l'âme, El Hadj Kadri s'était investi à fond au service du MCA. Un Mouloudia vertueux et exemplaire tel que l'avaient voulu les pères fondateurs. «Le Mouloudia, c'est ma famille», aimait-il répéter à l'envi. A l'évidence, il faisait allusion au Mouloudia auquel il s'était toujours identifié, ce club authentique cher aux Aouf , Braham Derriche, Hadj Djazouli, Ferhat Balamane, Abdelkader Drif, Smaïl Khabatou, Hamid Zouba et d'autres connus ou anonymes. Avec la disparition d'El Hadj Kadri s'éteint un acteur — un de plus — du plus bel épisode de l'histoire mouloudéenne. Une séquence aux accents de triomphe qui se met en branle à l'aube des années soixante-dix, avec les premiers titres nationaux et maghrébin pour culminer, en décembre 1976, avec le mémorable sacre de la Coupe d'Afrique des clubs. Première d'un club algérien sur la scène continentale, cette distinction historique couronne la suprématie d'une bande de footballeurs talentueux. Mais elle consacre aussi le militantisme et l'engagement sans faute d'une bande de dirigeants et d'entraineurs dévoués jusqu'à la moelle. El Hadj Kadri était de ceux-là. Membre du Comité directeur au temps des années de triomphe, il était également président de la Commission des jeunes. Une structure voulue et soutenue, tour à tour, par le défunt Ferhat Balamane et Abdelkader Drif pour faire du Mouloudia une pépinière de talents. Au détour des nombreuses causeries qu'il se plaisait à susciter au soir de sa vie, El Hadj Kadri évoquait, non sans nostalgie, les années fécondes de l'épopée maghrébine et africaine. Morceau choisi : «Dès le milieu des années 1970, nous avions jeté les premières bases du professionnalisme. L'organisation du club s'inspirait de ce qui se faisait de mieux sous d'autres cieux. Les membres du Comité directeur répondaient au profil du poste ou de la tâche assignée. Les déplacements de supporters étaient encadrés avec un soin tatillon. Nous cheminions, prudents mais déterminés, vers le professionnalisme. Cerise sur le gâteau, le Mouloudia avait sa revue, Le Doyen». C'était à une époque où la revue d'un club n'était pas une mode généralisée sous les cieux européens. «Le Mouloudia, disait-il en commentant le paysage médiatique national, peut se targuer d'avoir lancé une brèche dans le monopole médiatique de l'époque. Abdelkader Drif — que nous ne remercierons jamais assez — a eu l'idée lumineuse pour doter le club d'une revue qui raconte le quotidien du Mouloudia de l'intérieur et cultive la mémoire des pères fondateurs». Autre temps fort qu'El Hadj Kadri a vécu avec le Mouloudia tel qu'il a aimé : la remontée en division 1 au prix d'une mobilisation d'une rare intensité. C'était au milieu des années quatre-vingt. Dirigeant en herbe à l'époque, Ouahib Sekhri s'en rappelle. En tirant sa «révérence», El Hadj Abelkader Kadri s'en va rejoindre les pères fondateurs. Il va également à la rencontre de Mahmoud Ramdani, Ahmed Lagoune, El Hadj Messaoud Kebir, «Amar l'Opéra», El Hadj Rebaïne et consorts. Autant de pères de famille qui ont formé et éduqué des dizaines et des dizaines de jeunes. Nombre d'entre eux — dont Kamel Kadri, fils du défunt — meubleront, à intervalles réguliers, les rangs des équipes nationales. Du cimetière d'El Kettar où il repose désormais, El Hadj Kadri pourra contempler le stade Omar Hamadi Bologhine et le stade Ferhani (ex-Marcel Cerdan), deux beaux jalons de la mémoire mouloudéenne. De là, il pourra revisiter les années bénies du bénévolat avant que la «chkara» ne vienne polluer l'atmosphère. De là, il pourra rappeler à ceux qui ont la mémoire courte que le bénévolat exemplaire et le mécénat authentique ont permis au sport algérien de tisser sa toile sur l'ensemble du territoire algérien sans que le Trésor public ne s'en ressente. De là, il se rappellera ses années de dirigeant au Nadi (ex-Casoral), un club convivial et familial implanté au cœur de Bab El Oued, coaché par Mahmoud Ramdani et porté à bout de bras et avec passion par les Rachid Touidjine, Djamel Belhadjoudja et le ministre Mohamed Salah Mentouri, «Kamel pour les intimes». Figures de proue de la famille du Nadi à l'époque, Madjid Cheddad et Khodja s'en rappellent. En guise d'héritage, El Hadj Kadri lègue, pour seule richesse, une image mémorielle : l'image immaculée d'un homme propre et honnête qui a épousé le dévouement et banni l'esprit de combine. Dévoué sur le terrain du foot, il l'était également sur le terrain professionnel. A l'administration des Postes et Télégraphes où il travaillait, il jouait les prolongations vers les fins de mois. A El Hadja qui lui faisait remarquer un jour — sur le ton de la plaisanterie — que le déjeuner est servi à 12h30 et non pas à 13h30-14h, il répondait du tac au tac : «C'est la fin du mois. Les retraités, les veuves et autres bénéficiaires de pension attendent avec impatience leur mandat. Ma conscience ne me permet pas de prolonger leur attente. Tu serviras le déjeuner quand j'aurai remis tous les mandats du jour à leurs destinataires».