Premier chef de parti dont la décision de boycotter le scrutin présidentiel du 17 avril prochain a été avancée, Abdallah Djaballah, le président du Front pour la justice et le développement (FJD), s'est longuement épanché, hier, sur une consultation électorale qu'il a jugée de prime abord compromise. «On est arrivé à une période où un Président, malade depuis des mois, ne peut plus s'occuper de sa personne», a-t-il soutenu dans son discours à l'ouverture de la rencontre des jeunes militants du parti. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) Le verbe tranchant, comme à son habitude, en dépit de ses nombreuses infortunes politiques, le président du FJD ne ménage point les nombreux thuriféraires qui s'acharnent à convaincre, au nom de la stabilité, qu'il faille reconduire Bouteflika. Djaballah a relevé que ces derniers manquent à peine de vendre une image quasi-sacralisée de Bouteflika. Ce qui, pour un religieux tel que le patron du FJD, est, pour le moins, une hérésie, entendue aussi au sens politique. «Ses proches s'affairent à faire croire aux gens que la stabilité, le bien et l'intérêt du pays sont liés à ce "Essanem" (symbole de divinité païenne).» Paradoxalement, cette idée d'un Président pris en otage par son entourage est faite sienne également par Louisa Hanoune, secrétaire générale du PT, candidate, elle, à la magistrature suprême. Les lignes de front ont apparemment bougé après les récentes déclarations d'Amar Saâdani. Des déclarations qui ont suscité, bien sûr, les commentaires de Djaballah. Le chef du parti islamiste, sans être un partisan déclaré de Bouteflika, prend cause et faits pour Amar Saâdani. La presse et les partis politiques qui n'ont pas apprécié la sortie du secrétaire général du FLN n'ont pas trouvé grâce aux yeux de Djaballah. Ce dernier a estimé que ses malheurs politiques, dépossédé de ses partis à deux reprises, lui sont venus du DRS. «C'est un homme du système qui a témoigné. Ceux qui ont détruit nos précédents partis, Ennahda et El Islah, sont les services. Cela nous l'avions déjà dit dans les années 1990.» Il faut dire que Saâdani lui a tendu la perche, puisqu'il a cité Djaballah comme étant une victime de l'interférence du DRS dans les affaires du parti. Djaballah ne demandait, donc, pas mieux, que de s'appuyer sur la déclaration d'un homme du système pour valider ses anciennes accusations à l'encontre des services de renseignement. Sa diatribe commise, Djaballah se rend à de la pondération lorsqu'il lui faudra analyser les déclarations de Saâdani sous l'aspect de leurs implications politiques. Djaballah a refusé d'exprimer un avis tranché. «Si l'objectif est d'éloigner l'institution sécuritaire de la vie politique, cela est une bonne chose, mais si l'objectif est lié à l'élection présidentielle, les déclarations doivent être prises pour ce qu'elles sont, un témoignage sans prolongement concret.» Djaballah, proche du boycoot que de la participation au scrutin présidentiel, s'est contenté d'affirmer que la tendance est claire pour ce qui est de la position du FJD. Néanmoins, a-t-il spécifié, il faudra attendre le vendredi prochain pour formaliser définitivement la décision. Djaballah avait déjà conditionné son éventuelle participation au scrutin par l'institution d'une commission indépendante pour l'organisation des élections. Une demande qu'il partage avec le groupe dit groupe des 20.