Même si les avis et appréciations des experts et autres professionnels, s'agissant de la pénurie de lait, sont mitigés, ils s'accordent, toutefois à affirmer que celle-ci est «conjoncturelle» et peut être «surmontée». Toujours est-il, ceci n'est possible qu'à travers «une réorganisation dans le fond» et «à tous les niveaux» de la filière lait. La tension sur le lait que connaît l'Algérie depuis quelques mois continue d'alimenter les débats et susciter des réactions au demeurant partagées, concernant les origines de celle-ci, les solutions envisageables pour la contrecarrer et notamment sa portée, à court et moyen terme sur le prix du lait pasteurisé subventionné par l'Etat. En ce sens, M. Hadj Henni, expert en valorisation des produits agricoles, appuyé en cela par d'autres intervenants, pense «qu'une augmentation de 30 à 35 DA du prix du sachet de lait est inévitable à moyen terme». Aussi, s'il est difficile pour chaque partie (ONIL, professionnels, transformateurs, associations) de situer l'origine exacte de cette crise à répétitions, il s'en dégage néanmoins un consensus parmi ces derniers pour ce qui est de la solution : «Encourager la production locale et la levée des problèmes que rencontrent les investisseurs». En somme, les participants à la rencontre portant sur «la revalorisation des produits agricoles du terroir», organisée hier à Constantine en prévision du Salon international d'agronomie, ont plaidé pour «la réorganisation de la branche». Pour le président du Comité interprofessionnel du lait et des produits laitiers (CIL), Mahmoud Benchekor, qui analysait la situation actuelle, il serait ardu de couvrir en poudre de lait et par ricochet en lait pasteurisé les besoins du marché local et ce, note-t-il, même si annuellement l'Algérie importe près de 30 000 vaches laitières. Et pour cause selon lui, «la désorganisation» dans laquelle évolue le réseau en amont et en aval, à savoir : les producteurs, collecteurs, laiteries et transformateurs. Et d'ajouter, tout en rappelant que l'Algérie, qui consomme annuellement près de 4 milliards de litres de lait, a les moyens de couvrir de telles quantités. Mais auparavant, a insisté le président du CIL, «l'Etat doit faciliter la tâche aux investisseurs auprès des administrations, de même qu'elle doit se pencher sur l'encouragement de la production fourragère, le maïs notamment, au sud du pays». M. Hadj Henni, membre de la fondation Filaha, expert en valorisation des produits agricoles, a insisté sur la nécessaire mise en place d'une politique adaptée concernant le gaspillage des ressources en eau et des produits laitiers. Rappelant en ce sens la consommation moyenne de lait de l'Algérien qui est de 145 litres contre 80 litres pour un Marocain, il a estimé qu'il faudra inculquer à la population une nouvelle culture de la consommation. M Hadj Henni a plaidé également pour une réorganisation en fond de la filière, et l'assainissement de celle-ci des intrus. Aussi, si ce dernier a considéré que la perturbation de la production de sachet de lait n'est que provisoire, il croit savoir que cette conjoncture est un bel exemple pour lancer de nouvelles réformes : «L'Algérie a surmonté les crises des années 1970, 1980, 1990, à présent les choses se sont nettement améliorées mais l'Etat ne peut pas subventionner ces produits continuellement, c'est juste conjoncturel et c'est pourquoi il nous faut une prise de conscience. Actuellement, le cours mondial de la poudre de lait a grimpé atteignant les 5 200 dollars la tonne, ce qui a naturellement affecté et perturbé le marché local. Je pense qu'il faudrait changer les choses, à commencer par la réévaluation de la monnaie et donc des prix des produits de base, une augmentation de 30 à 35 DA le sachet de lait est à mon avis inévitable à moyen terme, car 60% du lait sont importés sachant que le lait représente 40% de la demande de la population en produits de base. Avec la hausse des prix de la poudre de lait, l'Algérie importe pour 900 millions de dollars de poudre de lait par an alors que pour les dix dernières années, la facture était entre 3,5 et 4 milliards de dollars. Il faut donc penser à labéliser et à moderniser la filière en vue d'attirer les jeunes et leur faciliter la tâche en baissant les impôts par exemple.» M. Djamel Nekkab, directeur de développement de l'ONIL, a souligné pour sa part que «les laiteries ont été suffisamment dotées de poudre de lait, leur quota habituel a été respecté. Ce qu'il faut savoir c'est qu'en cette période de l'année, la production est en basse lactation, mais ça n'explique pas tout, car la pression sur le produit et le faible rendement des vaches ont fait qu'il y a une combinaison de conjonctures qui a mené à la crise actuelle. La psychose qui s'est installée ces derniers jours est pour beaucoup dans la perturbation du réseau de distribution, il y a eu une crise de confiance sans parler de la spéculation. Tout ce que je peux dire c'est que les bateaux chargés de poudre de lait arrivent bientôt et que tout cela va s'estomper les jours à venir.»