Ghardaïa respire le calme mais ne s'est toujours pas délivrée de ses peurs. La violence intercommunautaire, réglée sur le mode cyclique, contenue présentement par le déploiement massif des services de sécurité, policiers et gendarmes, peut reprendre à tout moment. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) Les haines mettraient certainement du temps pour se dissiper et laisser défiler de nouveau des jours ordinaires, sans heurts ni incendies. Du sang a coulé dans cette ville aux portes du Sahara, où deux communautés épousant deux schismes religieux distincts, même s'ils puisent dans la même source, ont de tout temps cohabité. Ce qui rendrait forcément laborieuses les entreprises de conciliation. Faudrait-il aussi que celles-ci soient mieux élaborées. Car, depuis les événements sanglants de Berriane en 2008, le gouvernement algérien, qui a fait montre d'un grave sens de l'anticipation, s'est figé dans l'essayage d'une approche qui ne fait pas recette : agir sur la tribu au lieu d'impliquer le citoyen à travers ses segments modernes de représentations. Les cérémoniaux auxquels étaient conviées les notabilités des deux communautés en conflit ont tous été des rendez-vous manqués. Même la charte, paraphée en 2008, sous la houlette de Daho Ould Kablia, alors ministre de l'Intérieur chargé des Collectivités locales, qui devait sceller une paix durable, était restée sans incidence notable sur les événements. La violence a fini par resurgir au chef-lieu de wilaya, avec, malheureusement, son lot de morts et de destructions. Encore une fois, la gestion sécuritaire des violences était catastrophique. La police a été d'ailleurs mise à l'index par la communauté mozabite qui l'a accusée d'un parti- pris flagrant pour la communauté adverse. Il aura fallu que quatre jeunes Mozabites meurent assassinés pour que le gouvernement se dispose à faire imposer l'autorité de l'Etat, la virée de Sellal auparavant s'étant avérée inopérante. Jeudi, le ministre de l'Intérieur, Tayeb Belaïz, accompagné du commandant de la Gendarmerie nationale, le général major Ahmed Boustïla et du DGSN Abdelghani Hamel, s'est rendu à Ghardaïa pour mettre en place un nouveau schéma opérationnel de sécurité : l'action coordonnée de la police et de la gendarmerie. Depuis, d'ailleurs, la ville est quadrillée dans ses moindres recoins. Le dispositif est, à l'évidence, dissuasif. Mais il ne peut constituer la solution, laquelle suppose de s'attaquer aux sources du mal où s'imbriquent banditisme, affairisme maffieux et haines religieuses alimentées par le wahhabisme tentaculaire, comme analysait hier l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, Hadj Nacer. Les notables de Melikka ont alerté sur une situation toujours guettée par le pourrissement. Dans un communiqué public daté du vendredi, ils interpellent le gouvernement sur ses responsabilités. Ils réclament l'élargissement des personnes arrêtées alors qu'elles étaient interpellées dans une situation de légitime défense, de punir les auteurs des assassinats et des saccages des biens des personnes, d'en indemniser les victimes ainsi que d'inscrire le déploiement sécuritaire dans la durée. Durant les derniers affrontements, 4 personnes ont trouvé la mort et plus de 300 maisons et commerces ont été incendiés.