De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Il en a coûté au collègue sud-coréen d'avoir posé une vraie question au sélectionneur belge. Qu'en aurait-il été si j'avais osé «que pensez-vous, M. Wilmots, de la sélection algérienne?» A quelques encablures du Brésil, le ton monte dans le royaume de Philippe et des fabuleuses bières artisanales. Récit d'un acte pas du tout fair-play du manager en chef des Diables Rouges. Lors de sa conférence d'avant-hier, le sélectionneur belge n'a pas fait dans le fair-play. Que du contraire ! A une question normale, banale même d'un confrère sud-coréen «comment évaluez-vous notre sélection ?», Marc Wilmots a paru nerveux, déstabilisé, mal à l'aise. Les journalistes présents, nombreux et spécialisés, ont été surpris par la réponse fulgurante du chef du staff Diable rouge. «Ecoute, dit-il au collègue asiatique, je m'occupe d'abord de ma sélection» comme si la presse sud-coréenne n'avait pas le droit de questionner un adversaire de groupe. En provoquant moqueries et bavardages, dont certains déplacés, Wilmots a succombé à la facilité, s'est comporté comme le dernier des supporters. Le lendemain, une bonne partie des médias du royaume ont relevé l'indélicatesse et ont vertement critiqué cette attitude peu courtoise. En mettant l'accent, justement, que le sélectionneur sud-coréen, certes taiseux et énigmatique, n'a jamais mis à la porte un représentant de la presse belge. Ni même refusé de se soumettre à l'interrogation ou au questionnement. Lors du passage du coach sud-coréen en Europe, une véritable horde journalistique était à sa recherche. «Où est-il ?», «A Lille ?», «Bruxelles ?», «Paris ?». Tous les experts en football voulaient le rencontrer pour en savoir davantage sur la Corée du Sud, cette «Corée du Sud» que le futé manager italien de Russie, Fabio Capello, a en si haute estime. Le responsable technique asiatique n'a pas été localisé, et si tel était le cas, il n'aurait vexé aucun journaliste. Ni belge, ni autre. Lors de ses rares apparitions publiques, le Sud-Coréen s'est conformé à la règle établie selon laquelle on ne rabroue pas un représentant des médias d'un pays avec lequel on est versé dans la même poule. Il est vrai, et c'est à souligner , que cette «muflerie» de Wilmots n'a pas été du goût de tout le monde dans le royaume de Philippe, de sa jolie Mathilde et de la fabuleuse bière artisanale. Celle produite en quantités industrielles n'est pas moins prisée, d'ailleurs. Son prix compétitif et son histoire liée au développement du royaume, naguère 7e puissance économique mondiale, grâce aux bassins de houille, au charbonnage et à la colonisation du Congo... Sur le fond, la fragilité nerveuse de Marc Wilmots a d'autres fondements et trouve ses sources dans trois facteurs que les Diables Rouges ont à gérer. Le premier est la soudaine baisse de régime de cadres, de pièces maîtresses du dispositif. Le second a trait à la pression énorme qui monte en puissance, ici. Les Belge donnés favoris du groupe H, s'aperçoivent au fur et à mesure que se rapproche la date de la compétition, que ni les Russes, ni les Coréens, ni les Algériens n'ont l'intention de faire du tourisme au Brésil. La gazette du royaume livre, quotidiennement, des informations sur les 3 compétiteurs qui constituent avec les Belges, le rassemblement du H, qui ne plaisent pas. Certaines donnant même froid dans le dos. Comme celles indiquant le haut degré de préparation des Russes, le savoir-jouer des Algériens et la compétence tactique des Sud-Coréens. A quelques encablures de l'ouverture des hostilités, le doute, pernicieux et ravageur, s'installe. Des reportages sur Feghouli l'Algérien, la complémentarité de la défense russe et la vélocité sud-coréenne enfoncent le clou des incertitudes. Le troisième élément du désarroi Diable Rouge a trait à l'ambiance là-bas, au Brésil, lorsque les joutes commenceront. Les Belges savent, d'ores et déjà, que les galeries russe et algérienne seront bien fournies, bruyantes et n'hésiteront pas à assurer le spectacle et à porter leurs équipes. Les médias du royaume ont eu à s'intéresser aux supporters des Verts et ceux de Russie. Des émissions spéciales ont, à titre d'exemple, été consacrées aux Algériens des tribunes. Oum Dourman, la marche sur Alger des Chnaouas du Mouloudia après leur sacre en Coupe d'Algérie, les feux d'artifice de ceux de l'USMA à Bologhine et les inénarrables Harrachis ont été filmés et commentés par la chronique du royaume. Il en ressort nettement la certitude que les Algériens ne seront pas orphelins à Belo-Horizonte le 17 juin prochain. Marc Wilmots en perdant son sang-froid face à une question d'un journaliste sud-coréen donne du grain à moudre aux sceptiques Diables Rouges. Certains vont jusqu'à écrire «en se comportant, ainsi, Wilmots ne donne-t-il pas l'impression que nous sommes déjà devenus vulnérables, prenables ?» Une autre plume experte relève «qu'aurait-il coûté à Wilmots de répondre au journaliste de Corée de façon vague, ambiguë mais polie ?» Dans une phase radio consacrée à ce dérapage, un auditeur estime même que le sélectionneur belge doit respecter le «droit à l'information», même s'il est sollicité par un journaliste sud-coréen. D'autres voix, rusées, n'hésitent pas à estimer que la sortie de Wilmots face au gazetier sud-coréen était «calculée». Histoire d'avertir qu'il ne communiquera plus, dorénavant, sur l'essentiel et qu'il se contentera d'alimenter la fausse rumeur et les fausses pistes pour ne rien dévoiler à ses adversaires. La tension monte tellement, ici, qu'après la façon dont a été «mouché» mon collègue sud-coréen, je n'ai pas osé poser la question «que pensez-vous, monsieur Wilmots, de la sélection algérienne» ?