«Les prix ne vont pas bouger, nous avons pris toutes les dispositions pour....» La déclaration rassurante du ministre en charge du commerce avant le Ramadhan est un classique. Depuis 1962, pas un n'y a coupé. Un rite auquel, naturellement, Amara Benyounès ne déroge point. Je crois l'avoir entendu y aller, lui aussi, de son apaisante ritournelle. L'autre rite, inverse, c'est que, systématiquement, les lois du marché – sauvage — contrarient cette flambée de démagogie. Aussitôt le Ramadhan commencé, la main invisible du profit dérègle la mercuriale, les prix se mettent à monter comme des alpinistes ignorant le vertige. On en arrive à des sommets d'aberration. C'est pareil chaque année. Sauf que les précédents ministres, une fois le forfait accompli, préfèrent rester discrets. Impuissants, ils se tassent. Ce n'est pas le style Benyounès. Lui, il a enfin découvert le coupable qu'on recherche depuis des décennies. Si les prix grimpent jusqu'à l'insensé, c'est la faute aux... consommateurs. N'investigue plus, inspecteur Tahar, le crime est signé, voyons ! Eh oui, c'est la faute à ces masochistes de consommateurs qui flambent sciemment leurs économies pour garnir la table du Ramadhan et, ce faisant, enrichir les intermédiaires et autres margoulins qui se repaissent de l'absence de l'Etat et de celle de ses instruments de régulation ! Le comble, c'est qu'Amara Benyounès n'a pas tout à fait tort. Ce qui induit qu'il n'a pas tout à fait raison non plus. Il n'a pas tort parce que, on le sait, les consommateurs, saisis par l'attrait du gouffre de la table, achètent à n'importe quel prix. Il n'a pas raison parce qu'ils n'ont pas le choix. Si on suit la logique, pour que les prix baissent, il faut que les consommateurs fassent une grève de la faim. Il ferait mieux, notre ministre, au lieu de taper sur les plus faibles, de restaurer l'autorité régulatrice de l'Etat et son rôle de protection des plus vulnérables. Arris Touffan