L'enquête sur les circonstances du crash de l'avion de Swiftair affrété par la compagnie Air Algérie ne devrait pas tarder à commencer, et ce, même si les «conditions de son déroulement sont difficiles». Pendant ce temps, on s'interroge sur les garanties de sécurité optimales qu'offrirait la compagnie aérienne espagnole Swiftair. Décryptage. Abder Bettache - Alger (Le Soir) La récupération des corps des 118 victimes du crash de l'avion de Swiftair, affrété par la compagnie Air Algérie dans le nord du Mali, s'annonce «très difficile», a indiqué, hier, le général Gilbert Diendiéré, chef d'état-major particulier à la présidence burkinabè. Selon la même source, «c'est en raison de la désintégration de l'appareil, dont les débris ont été éparpillés sur 500 mètres alentour, qu'il est aujourd'hui difficile de pouvoir récupérer quoi que ce soit». Le général burkinabé a ajouté qu'il «est très difficile de pouvoir les récupérer parce que nous avons vu seulement des morceaux de chair humaine qui jonchaient le sol». Ces informations sont rendues publiques au moment où on apprend que le travail des enquêteurs, notamment français, serait entamé depuis hier sur le site du crash de l'avion et ce, même si on indique que le travail s'annonce «difficile», en raison de la «désintégration de l'appareil». Vingt gendarmes et policiers français, de même qu'une équipe du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) français, étaient attendus sur place dans la journée de samedi. Ils devront notamment s'atteler à l'identification des victimes. «Les débris étaient éparpillés sur une distance de 500 mètres mais nous avons constaté que cela est dû au fait que l'avion s'est écrasé d'abord (au) sol et a certainement dû rebondir pour aller plus loin», a poursuivi l'officier supérieur burkinabé. En effet, des images tournées sur le site par des soldats burkinabè et français montrent des débris métalliques difficilement identifiables, éparpillés sur des dizaines de mètres, avec des flaques d'eau par endroits. Les Algériens sur les lieux du drame A Bamako, une source officielle avait indiqué que le président malien Ibrahim Boubacar Keïta s'était aussi rendu sur le site de l'accident. Mais tard vendredi soir, la télévision publique ORTM a rapporté qu'il s'était en fait rendu à Gao, d'où M. Keïta a exprimé aux pays d'origine des victimes du crash la «vive solidarité» du Mali. «Nous venons nous incliner sur les dépouilles de ces disparus», a-t-il dit. Du côté algérien, une délégation conduite par le ministre des Transports se trouve depuis vendredi soir au Mali où elle devrait rencontrer les responsables de ce pays. M. Ghoul, envoyé spécial du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, auprès des autorités maliennes et burkinabè, rencontrera les hautes autorités du Burkina Faso et du Mali et se rendra dimanche sur le lieu du crash. «Je suis l'envoyé spécial du président de la République auprès des autorités maliennes et burkinabè pour leur présenter les condoléances de l'Algérie et réaliser une évaluation du terrain et établir la coordination entre les parties chargées de ce dossier», a expliqué M. Ghoul, lors d'un bref point de presse à Bamako. Les propos tenus par le chef de la délégation algérienne interviennent au moment où on se pose des questions sur la sécurité qu'offrirait la compagnie espagnole. Le journal français Le Monde s'est finalement interrogé sur les garanties de sécurité optimales qu'offrirait la compagnie aérienne espagnole en question. Le journal Le Monde citant des sources a fait de certaines informations, «qui ont commencé à semer le doute sur la fiabilité de cette société spécialisée dans le wet lease : la location d'avions avec leur équipage à d'autres compagnies aériennes ou à des organisations diverses». Doute sur la fiabilité de Swiftair Et pourtant, ajoute la même source, Swiftair est considérée comme «sérieuse» par les autorités françaises et espagnoles, en règle en matière d'autorisations de vol et d'inspection de sa flotte, elle a l'habitude de travailler avec des compagnies européennes reconnues, comme Air Europa, ou des organisations internationales, comme l'OTAN. En effet, selon la même source citant le site d'information espagnol El Economista, le 19 juillet, une semaine avant la catastrophe, le steward Miguel Angel Rueda, un des membres d'équipage du vol AH 5017, qui s'est écrasé jeudi au Mali, avait envoyé un courriel au chef des stewards de la compagnie Swiftair, Daniel Maeso, dans lequel il prévenait de la «fatigue physique et psychologique généralisée» ou du «stress» dont souffraient les membres d'équipage sur la route Ouagadougou-Alger. En cause : des plans de vol intensifs, avec sept jours de vol consécutifs. «Il est difficile de maintenir l'attention lors des décollages et des atterrissages durant les derniers jours de rotation», affirmait-il, selon le texte reproduit par le site d'El Economista, qui dit avoir obtenu ce courriel d'un membre de la compagnie. «Avec ce courriel, je ne veux pas porter préjudice aux compagnons qui sont payés par heure de vol, mais il faut être conscient que cela peut supposer un problème et qu'il peut se résoudre pour le bien de tous», ajoutait l'homme. On ajoute par ailleurs que ce n'est pas la première fois que la compagnie est pointée du doigt pour la précarité des conditions de travail. Elle avait fait l'objet l'été dernier d'un article dans la revue du Syndicat des pilotes espagnols (Sepla), Mach 82, critiquant notamment les bas salaires offerts par la compagnie aux pilotes sur certains avions, atteignant à peine 12 000 euros par an. Les copilotes, des jeunes diplômés Le journal français cite également des témoignages. «La précarité des contrats de Swiftair est connue. C'est une compagnie qui embauche les pilotes et le personnel de bord en fonction de ses besoins, qui les paie mal et les envoie plusieurs mois dans des bases très éloignées, ce qui explique qu'il y ait une importante rotation des équipes, résume un pilote de la compagnie Iberia. Les commandants ont généralement de l'expérience, mais les copilotes pas toujours : ce sont souvent des jeunes diplômés qui veulent acquérir de l'expérience et y font leurs premières heures de vol.» Toutefois, la même source ajoute que le pilote et le copilote de l'avion retrouvé au Mali étaient cependant deux professionnels espagnols expérimentés, anciens pilotes de l'ex-compagnie Spanair, qui avaient été embauchés pour toute la période estivale. Restent les doutes sur la qualité des inspections effectuées sur l'appareil. Plusieurs incidents ont en effet été recensés récemment, comme la panne de moteur d'un avion ATR le mois dernier, provoquant un atterrissage d'urgence à l'aéroport de Madrid-Barajas, l'explosion d'un moteur d'un MD83 à Majorque en 2013, ou encore un accident, léger, en Afghanistan en 2012, dû à une manœuvre non autorisée ayant endommagé une aile. «Il est très difficile et coûteux de réaliser des inspections continues et approfondies de la flotte, mais aussi des opérations de la gestion du personnel, des registres de bord des entreprises qui travaillent en wet lease, du fait de leur grande flexibilité aérienne, et que leur champ d'opération est le monde entier», souligne pour sa part Gustavo Barba, vice-doyen et expert en sécurité aérienne du Collège officiel des pilotes de l'aviation commerciale (Copac).