Sitôt les résultats du scrutin législatif tunisien connus dans leurs grandes tendances, la question de la composition du futur gouvernement est posée : comment et avec qui Nidaa Tounès, le premier de cordée, gouvernera-t-il ? Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) A Tunis, et même ailleurs, depuis deux jours, on dort et on se réveille avec cette grande interrogation. Les élections législatives de dimanche dernier n'ont pas donné lieu à une quelconque majorité absolue, l'exercice parlementaire et la composition de l'exécutif obéiront donc forcément à la logique des alliances et du compromis. Cependant, là n'est pas la question. Celle qui meuble les commentaires est relative aux échafaudages possibles entre les partis qui siégeraient au Parlement avec un nombre conséquent de sièges, entre principalement les 6 premiers, en l'occurrence Nidaa Tounès, Ennahda, l'Union patriotique libre (UPL), le Front populaire, Afek Tounès et le Congrès pour la République. La première des éventualités est que Nidaa Tounès de Beji Caïd Essebsi et Ennahda de Rached Ghennouchi, qui ont récolté à eux deux environ 70% des suffrages, scellent, dépassant les anicroches passées, une double alliance parlementaire et gouvernementale. Dans l'absolu, un tel scénario est plausible, d'autant que la parti islamiste Ennahda s'est montré «très sportif» à l'issue de la consultation électorale, reconnaissant avant même la proclamation des résultats officiels la victoire de son rival. Ennahda, dont l'aura a pris un sérieux coup, après juste trois années d'exercice du pouvoir, ne trouverait pas quelques impiétés à composer avec Nidaa Tounès. Il a bien composé, pendant toute la transition avec le Congrès pour la République du président Marzouki, un parti qui se recrute dans l'extrême-gauche. La gêne, si le terme est approprié, viendrait plutôt du côté de Nidaa Tounès, dont la campagne s'est articulée autour de la dénonciation de la gouvernance en mode religieux. Les observateurs pensent que si cette campagne qui lui a valu l'adhésion de l'électorat, Beji Caïd Essebsi devrait réfléchir par plusieurs fois avant de répondre aux sirènes islamistes d'Ennahda. Par ailleurs, le refus d'alliance avec Ennahda pourrait gêner la rentabilité politique de Nidaa Tounès qui, plus que d'autres partis, souffrirait d'un éventuel blocage institutionnel. En effet, dans moins d'un mois, le 23 novembre prochain, le président de Nidaa Tounès s'alignera dans la course au Palais de Carthage en concurrence avec le président sortant Moncef Marzouki. Si Beji Caïd Essebsi veut enchaîner avec une victoire aux présidentielles, après la réussite aux législatives, il a tout intérêt à ne pas caler dans la composition du gouvernement. Le président de Nidaa Tounès a déjà fait savoir qu'il pourrait aller jusqu'à confier la chefferie du gouvernement à une personnalité indépendante. Il va sans dire que cette éventualité s'envisage dans le cas où les alliances entre partis auraient du mal à se configurer. Le président de Nidaa Tounès, un vieux routier de la politique, qui a survécu aux régimes de Bourguiba et de Ben Ali qu'il a fréquenté et sevré, est assurément préoccupé par une possible reconduction de l'alliance interpartisane qui a géré la période de transition, en plus clair il redouterait un alignement d'Ennahda derrière la candidature de Marzouki. Le parti de Ghennouchi a déjà fait savoir qu'il ne présentera pas de candidat et qu'il soutiendra une «candidature de consensus».