Ecrit et réalisé par l'Argentin Alvaro Langoria et produit par l'acteur espagnol Javier Bardem, le documentaire Les enfants des nuages, la dernière colonie a été projeté à la salle El Mouggar en ouverture du 5e Festival international du cinéma d'Alger dédié au film engagé qui se poursuit jusqu'au 18 décembre. Tout le monde connaît l'engagement de l'acteur vedette Javier Bardem pour la cause sahraouie ; il est d'ailleurs, depuis 2008, le parrain du festival de cinéma FiSahara qui se déroule au camp de réfugiés Dakhla à Tindouf. Depuis quelques années, il a tout mis en œuvre pour sensibiliser la communauté internationale sur cette question, notamment en produisant ce documentaire Les enfants des nuages qui interpelle autant les médias que les puissances occidentales. De l'engagement, il y en a à foison dans ce film sorti en 2012 et projeté, entre autres, aux Nations unies et dans plusieurs festivals prestigieux. La question sahraouie est exposée de manière didactique à travers des images d'archives, une mise en scène assez originale à base de techniques d'animation et la voix-off de l'actrice et chanteuse espagnole Victoria Abril (Talons aiguilles d'Almodovar). Mais le propos principal du film est l'analyse géopolitique, assez pertinente, de la complicité de la France et des Etats-Unis dans l'enlisement du conflit où les Sahraouis ont choisi, depuis le cessez-le-feu de 1991, la résistance non violente. Cet enchevêtrement malsain de complicités occidentales avec le régime marocain est disséqué dans ses moindres détails par une vingtaine de personnalités interviewées, à l'instar des anciens ministres américains, français et espagnols, des hommes politiques occidentaux, des militants des droits de l'homme (dont Aminatou Haidar), des sympathisants de la cause sahraouie, des réfugiés et des membres du Polisario, etc. On voit également Javier Bardem, parfois abusivement filmé, dans ses périples engagés allant de Tindouf à New-York, en passant par Madrid. Incontestablement sincère, cette prise de position est néanmoins trop «starisée» (Bardem étant l'un des plus célèbres acteurs espagnols, notamment oscarisé pour No country for old man) pour qu'on n'y voie pas une volonté inutile de (sur)légitimer la cause. Aussi, la surcharge didactique de Les enfants des nuages anéantit quasiment ses ambitions cinématographiques même si quelques rares scènes, où le réalisateur concède enfin quelques secondes de silence, parviennent à créer l'émotion et rendre toute sa beauté au combat sahraoui. Enfin, Bardem et Langoria déclarent que leur film est une investigation et non un pamphlet militant ; or, l'angélisme avec lequel ils glorifient la cause sahraouie, voire le pathos qui accompagne la logorrhée sur la souffrance des réfugiés et des habitants des territoires occupés entament parfois la rigueur du film et le rapproche de plus en plus d'un outil de propagande. Cette tonalité peut cependant être justifiée puisque la dernière colonie d'Afrique reste un drame humain et une injustice politique d'autant plus révoltante qu'elle subit l'omerta quasi totale de la communauté internationale. Par ailleurs, ce qui renforce la crédibilité du documentaire est l'insistance avec laquelle Bardem essaie de joindre les autorités marocaines, et même algériennes, pour avoir leur version ; en vain. Enfin, Les enfants des nuages a incontestablement ce mérite de détailler sans le moindre fard les implications, parfois bassement mercantiles, de la France et des USA, alliés stratégiques du Maroc, ainsi que le mutisme scandaleux de l'ONU et du Minurso quant aux violations des droits de l'Homme au Sahara occidental.