Tout en réitérant la volonté du secteur privé à travailler de concertation avec le gouvernement pour faire face à la chute du prix du baril et ses retombées sur l'économie du pays, le président du CNC PME, Zaïm Bensaci a tenu hier, à apporter certaines vérités sur la politique jusque-là suivie par l'Etat. Plus particulièrement la protection et l'encouragement de la production nationale. Ce à quoi le ministre de l'Industrie, Abdeslam Bouchouareb, rétorque que son secteur n'a pas attendu cette conjoncture pour entamer le développement de l'économie nationale, mais avec toutefois, cette «nécessité de s'ouvrir sur l'économie mondiale». Mehdi Mehenni- Alger (Le Soir) Tour à tour, le président du Conseil national consultatif pour la promotion des PME, Zaïm Bensaci et le ministre de l'Industrie et des Mines Abdeslam Bouchouareb, se sont a donné hier, à Alger, à un exercice de style où les piques mutuelles étaient enveloppées dans bien de subtilités. C'était à l'occasion de la 8e assemblée générale ordinaire du CNC PME, où en plus d'Abdeslam Bouchouareb, étaient présents sur l'estrade d'honneur le président du Conseil national économique et social, Mohamed Seghir Babès et le patron de l'UGTA, Madjid Sidi Saïd. C'est l'hôte du jour, Zaïm Bensaci qui ouvre le bal : «Nous sommes avec vous, nous apprécions beaucoup ce que vous faites pour l'économie du pays, les efforts déployés et nous sommes à vos côtés pour apporter notre modeste contribution. Néanmoins, il faut dire certaines vérités. Le climat des affaires dans le pays ne s'y prête pas pour l'investissement. La bureaucratie continue à poser problème et je citerai comme exemple le délai de montage et d'aboutissement d'un projet qui reste encore très long». Le président du CNC PME, prévient toutefois sur comment et à quel degré faut-il prendre la suite de son intervention : «Ce n'est pas de la critique, car il y a les partis de l'opposition pour ça. Nous, nous voulons être à vos côtés». Chose faite, il enchaîne : «Pour faire face à la crise actuelle il faut d'abord se pencher sur la question des importations qui sont de 70 milliards de dollars. C'est énorme et il y a nécessité de développer l'économie nationale en encourageant l'investissement dans le secteur productif. L'économie de bazar doit cesser. Elle nous a fait reculer et elle ne va pas nous permettre un développement serein et durable». Il cite en guise d'exemple une entreprise qu'il ne nomme pas et qui vient de passer une commande importante de boulons à l'étranger, alors que l'entreprise publique Boulonnerie Coutelleries et Robinetterie (BCR), dispose d'une année et demie de stock en boulons. Ensuite, et comme pour protester contre le paternalisme économique de l'Etat, Zaïm Bensaci glisse cette phrase : «Le gouvernement devrait dorénavant travailler en concertation avec le secteur privé». Et par souci d'appuyer davantage ses propos, il rappelle que «l'Algérie n'a pas réussi le projet de mise à niveau des PME». Il impute cet échec à l'absence d'une politique de compétitivité entre les entreprises. Il rappelle également que «l'Algérie a été dupée par l'Union européenne, pour ce qui est du projet Meda, et qui nous a coûté 7 milliards de dollars de déficit». Aussi, ajoute-t-il, «nous avons enregistré une perte de quatre milliards de dollars depuis notre adhésion à la Zone arabe de libre-échange». Mais ce qui semble le plus inquiéter Zaïm Bensaci, c'est «le Fonds de régulation qui était à 700 000 milliards de dinars, et qui actuellement se situe à 540 000 milliards de dinars». Pour y remédier, il propose dans un premier temps, de «faire un audit, établir une cartographie des PME, et encourager la sous-traitance qui est génératrice d'emplois». Le retour d'ascenseur ! Abdeslam Bouchouareb, qui s'est montré incommodé de voir le modérateur de la rencontre donner la parole juste après à Mohamed Seghir Babès, plutôt qu'à lui, si ce n'est le rappel à l'ordre de Zaïm Bensaci, a entamé son intervention sur ce propos : «Je vous (le modérateur NDLR) rassure, mon intervention sera courte et précise». Après quoi, il s'adresse directement au président du CNC PME : «Tout ce que vous avez formulé comme demandes, a été déjà fait, sinon pris en charge. Il faut savoir que nous n'avons pas attendu la survenue de cette crise pour agir. Nous nous sommes engagés depuis mai 2014, dans des réformes, non pas par anticipation à la chute des prix du baril, mais par souci d'aller vers une économie productive». En se voulant plus convaincant, il lance envers Zaïm Bensaci : «Nous avons engagé une étude et une évaluation approfondies dans ce sens, et une nouvelle loi d'orientation sur les PME est en cours de finalisation. Mais cela reste insuffisant car les PME ont besoin d'un environnement favorable à leur épanouissement». Le ministre a en effet, laissé entendre qu'il n'a pas attendu les recommandations des spécialistes ou encore les patrons privés pour se pencher sur les questions soulevées par le président du CNC PME. A propos de la règle 49/51% Aussi, et comme pour annoncer la couleur à Zaïm Bensaci, qui a beaucoup insisté sur la protection de la production nationale, tout en louant le patriotisme économique de l'invité Madjid Sidi Saïd, le ministre relève : «J'ai remarqué que sur le code de l'investissement, les gens ont plutôt focalisé sur la règle 49/51%. Mais l'investissement c'est quelque chose que je vis, c'est mon oxygène. Il faut comprendre que c'est la dernière ligne droite pour développer notre économie et la lier par conséquent à l'économie mondiale...». Abdeslam Bouchouareb conclut : «Cette situation doit être saisie pour mettre de l'ordre dans notre maison». M. M. Bouchouareb reconnaît l'échec de la mise à niveau des PME Interrogé en marge de la 8e assemblée générale ordinaire de la CNC PME, le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, a reconnu l'échec du projet de mise à niveau des PME. Expliquant les raisons de cet échec, le ministre a précisé que «ce n'est pas de la faute aux hommes chargés de mettre en application ce projet, mais à la nature des textes de lois régissant la PME». Sur la question de savoir quelles sont les défaillances relevées dans ces textes de lois, Abdeslam Bouchouareb s'est contenté de dire : «J'en ferai état le jour de la présentation de la nouvelle orientation sur les PME». Pour rappel, l'Etat a débloqué un budget de 386 milliards DA, pour la mise à niveau de 200 000 PME à l'échelle 2014. Le délai arrive à terme et seulement 40 000 petites et moyennes entreprises ont été déclarées éligibles. M. M. Réda Hamiani : «Cette crise a quelque chose de bon» Pour l'ex-président du FCE, Réda Hamiani, la crise que traverse le pays a quelque chose de bon, dans le sens où elle servira d'électrochoc. Interrogé en marge de la 8e AG ordinaire du CNC PME, il considère que «l'Algérie a été gérée pendant 15 ans, dans une aisance financière qui n'a pas permis de prendre réellement la température économique mondiale et par conséquent prendre conscience de la vulnérabilité de notre économie». De son point de vue : «Il faut mettre à profit cette crise pour revoir le modèle de développement. C'est une secousse qui doit nous permettre de nous réveiller, de nous corriger, et aller dans la bonne direction». Aussi, ajoute-t-il : «Cette crise est venue nous rappeler que le monde n'est pas fait que de dépenses publiques. Il est fait de compétitivité et de concurrence très dure. En subissant cette crise, l'Algérie va peut-être pouvoir se remettre en cause, et inventer un nouveau mode de développement». Il conclut enfin : «La PME a un rôle important à jouer, puisqu'il faut dire que chez nous, l'agriculture et l'industrie ne sont pas au rendez-vous pour apporter une contribution à la richesse du pays».