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Réalisatrice de deux films primés
Assia Djebar, la cinéaste
Publié dans Le Soir d'Algérie le 12 - 02 - 2015

Universellement connue comme écrivaine, Assia Djebar l'est peu en Algérie comme cinéaste. L'auteure de la pièce de théâtre Rouge l'aube (1969) est la réalisatrice de deux films primés à l'étranger : La Nouba des femmes du mont Chenoua (1978) et
La Zerda ou les chants de l'oubli (1982).
Assia Djebar a publié La soif, son premier roman, en 1957. Il sera suivi par d'autres, notamment Les Alouettes naïves en 1967. Mais à un certain moment, elle range sa plume pour longtemps. «J'ai pensé sincèrement que je pouvais devenir écrivain francophone. Mais pendant ces années de silence, j'ai compris qu'il y avait des problèmes de la langue arabe écrite qui ne relèvent pas actuellement de ma compétence. C'est différent au niveau de la langue de tous les jours. C'est pourquoi, faire du cinéma pour moi ce n'est pas abandonner le mot pour l'image. C'est faire de l'image-son. C'est effectuer un retour aux sources du langage», explique-t-elle. Après un long silence «littéraire», elle entame en 1977 le tournage de son premier film, La Nouba des femmes du mont Chenoua. «Je me suis dit que la femme est privée d'image : on ne peut pas la photographier et elle-même n'est pas propriétaire de son image. Parce qu'elle est enfermée, la femme observe l'espace interne, mais elle ne peut pas regarder l'espace extérieur, ou seulement si elle porte le voile et si elle regarde d'un seul œil. Donc, je me suis proposée de faire de ma caméra l'œil de la femme voilée», ajoute-t- elle.
Pendant deux mois, pour préparer le film, elle rencontre des femmes de la région du Chenoua (Tipasa), paysannes, travailleuses des coopératives ou «femmes au foyer», comme on dit en Algérie. Le récit est celui de Lila, une jeune architecte qui revient dans sa région natale, à la recherche de ses souvenirs. Elle rencontre six femmes qui évoquent pour elle des épisodes de leur vie.
Dans La Nouba des femmes du mont Chenoua, Assia Djebar construit une architecture cinématographique où les sons et la musique deviennent des éléments essentiels du film, lui-même structuré comme une nouba de la musique andalouse. Elle ajoute des morceaux du hongrois Bela Bartok, qui séjourna en Algérie en 1906 et 1913 afin d'y étudier et prospecter la musique populaire dans la région de Biskra. Assia Djebar, enfin, a elle- même écrit les textes de la la chanson finale du film.
«Ainsi suis-je allée au travail d'images-sons, parce que je m'approchais d'une langue maternelle que je ne voulais plus percevoir qu'en espace, tenter de lui faire prendre l'air définitivement ! Une langue d'insolation qui rythmerait au dehors des corps de femmes circulant, dansant, toujours au dehors, défi essentiel», a notamment souligné Assia Djebar le jeudi 22 juin 2006 lors de sa réception à l'Académie française.
Produit par la télévision algérienne, La Nouba des femmes du mont Chenoua a été récompensé par la critique internationale à la Mostra de Venise en 1979.
Le film La Zerda ou les chants de l'oubli (1982) est à l'origine un essai d'Assia Djebar, sous la forme d'un poème en quatre chants, ou tableaux, qui déconstruisent la manière dont l'Afrique du Nord a été «mise en image» durant la colonisation. Ce film d'une durée de 60 minutes a remporté le Special Prize for Best Historic Film au Festival de Berlin en 1983.
Assia Djebar a dit un jour : «Pourquoi, à un certain moment de mon trajet, suis-je allée au travail de cinéma ? Plutôt que de dire le cinéma, je dirais l'«image-son». Et je ne me sens pas toutefois quitter la littérature...»


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