Dans sa note de conjoncture du premier trimestre 2015, la Banque d'Algérie constate l'accroissement des déficits et le retour de l'inflation. En raison du choc externe, l'aisance financière s'est étiolée, les réserves de change fondant de 19 milliards de dollars et le Fonds de régulation des recettes se contractant d'au moins 6 milliards de dollars en seulement trois mois. Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) Les indicateurs financiers du pays sont au rouge. Evaluant la conjoncture financière et monétaire du premier trimestre 2015, la Banque d'Algérie constate l'impact alarmant du choc externe, la baisse des prix du pétrole, sur les finances publiques. Observé dès le quatrième trimestre 2014, l'impact de la chute des prix du pétrole sur l'économie nationale s'est prolongé au cours du premier trimestre 2015, note l'institution monétaire. En effet, le prix moyen du baril de pétrole est passé de 109,55 dollars/baril au premier trimestre 2014 à 75,38 dollars/baril au dernier trimestre 2014 (100,23 dollars en 2014), puis à seulement 54,31 dollars/baril au cours du premier trimestre de l'année en cours. Seulement 8,7 milliards de dollars d'exportations d'hydrocarbures Ainsi, cette chute des prix du pétrole, conjuguée à une contraction des quantités d'hydrocarbures exportées au premier trimestre 2015 (- 8,99%) comparativement à la même période de 2014, s'est traduite par un niveau d'exportations d'hydrocarbures de seulement 8,7 milliards de dollars au titre du trimestre sous revue, soit près de la moitié du montant réalisé au premier trimestre 2014 (15,6 milliards de dollars). Les exportations hors hydrocarbures qui ont légèrement augmenté, passant de 323 millions de dollars au premier trimestre 2014 à 419 millions de dollars au même trimestre de 2015, demeurent toutefois «structurellement faibles et en deçà du potentiel du pays en matière de diversification des exportations», relève l'institution de Mohamed Laksaci. Certes, les importations de biens qui ont connu un trend haussier ces dernières années, ont baissé, estimées à fin mars 2015 à 13,3 milliards de dollars, en recul de 8,4% par rapport à la même période de 2014 (14,5 milliards de dollars). Baisse sensible des importations De fait, l'on note une baisse des importations pour toutes les catégories, excepté les biens d'équipements agricoles qui ont relativement stagné et les biens d'équipements industriels qui ont crû de 201 millions de dollars entre le premier trimestre 2014 et le premier trimestre 2015. Parallèlement, les baisses les plus importantes en matière d'importation de biens ont concerné les biens de consommation non alimentaires (- 425 millions de dollars, avec des baisses respectives de 269,02 millions de dollars et de 198,25 millions de dollars pour les importations de véhicules de tourisme et de médicaments), le groupe énergie (- 427 millions de dollars) et les biens alimentaires (- 223 millions de dollars). Quant à la baisse des importations des biens alimentaires, elle a concerné au premier lieu celles du lait et de la poudre de lait qui sont passées de 504,11 millions de dollars au premier trimestre de 2014 à 353,37 millions de dollars au cours du même trimestre de 2015, soit une baisse de 150,74 millions de dollars. Mais un déficit commercial de 4,2 milliards de dollars Toutefois, le recul des importations de biens n'a «compensé que partiellement» celui des exportations d'hydrocarbures. A ce titre, la Banque d'Algérie note un déficit de la balance commerciale de 4,2 milliards de dollars au premier trimestre 2015 contre un excédent de 1,3 milliard de dollars au titre du premier trimestre 2014. Certes, le déficit du poste services hors revenus des facteurs est resté stable (1,97 milliard de dollars pour 1,93 au premier trimestre 2014). Toutefois, la Banque d'Algérie relève qu'en dépit du recul de la part en production des associés Sonatrach, le déficit du poste revenus des facteurs (revenus primaires) s'est largement creusé au cours de la période sous revue (-2,3 milliards de dollars) par rapport au premier trimestre de 2014 (-1,2 milliard de dollars), sous l'effet du transfert de dividendes cumulés. Déficit record de la balance des paiements Egalement, l'autorité monétaire constate que le poste transferts courants nets continue d'enregistrer des excédents appréciables au premier trimestre 2015 (635 millions de dollars), quoiqu'en recul par rapport à la même période de 2014 (831 millions de dollars). En conséquence, le compte courant de la balance des paiements affiche un important déficit de 7,78 milliards de dollars au premier trimestre de l'année en cours, «déficit dû essentiellement à la chute des prix du pétrole et des quantités exportées, d'une part, et à l'important transfert de dividendes cumulés, d'autre part», explique-t-on. Comme le compte de capital et des opérations financières enregistre lui aussi un déficit au premier trimestre de 2015 (-2,94 milliards de dollars) contre un excédent de 896 millions de dollars à la même période de 2014. Ce déficit est lié au transfert de 2,34 milliards de dollars au titre de la cession de l'opérateur mobile Djezzy. Au total, le solde global de la balance des paiements affiche un déficit «record» de 10,72 milliards de dollars au premier trimestre 2015 contre un déficit de seulement 98 millions de dollars au premier trimestre de 2014. Les réserves de change fondent de 19 milliards de dollars Ce déficit, qui a résulté du choc externe et du creusement du déficit du compte capital, et l'effet de valorisation négatif ont fait que les réserves officielles de change (hors or) ont baissé à 159,918 milliards de dollars à fin mars 2015 contre 178,938 milliards de dollars à fin décembre 2014. En dépit de cette forte contraction (19,02 milliards de dollars), ces avoirs étant fortement sollicités, le niveau des réserves de change reste néanmoins «adéquat», considère-t-on, pour faire face au choc externe en situation de très faible dette extérieure (3,383 milliards de dollars à fin mars 2015). Autre impact du choc externe, la dépréciation du cours du dinar de 11% contre le dollar durant le premier trimestre 2015. Toutefois, le taux de change effectif réel du dinar algérien reste apprécié par rapport à son niveau d'équilibre de moyen terme, «en situation d'élargissement du différentiel d'inflation et de tensions sur les marchés de change». Forte érosion du FRR De même, la Banque centrale constate «le creusement» du déficit budgétaire et l'érosion plus rapide des ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR). Sous l'effet de la baisse des recettes de la fiscalité pétrolière (- 28,2 %) par rapport au premier trimestre 2014, la capacité de financement du Trésor s'est contractée de 571,6 milliards de dinars au premier trimestre 2015, chutant à 3916,5 milliards de dinars à fin mars 2015 (4488,1 milliards de dinars à fin décembre 2014 et 5088,6 milliards de dinars à fin mars 2014). Ainsi, les ressources du FRR ont été largement entamées, diminuées de 6 milliards de dollars, pour couvrir le déficit budgétaire qui s'est élargi au premier trimestre 2015 (476,8 milliards de dinars), alors qu'il était de 432,3 milliards de dinars au premier trimestre de l'année 2014. L'inflation repart à la hausse La hausse de l'inflation est de retour. Après un processus de désinflation entamé en février 2013, l'inflation des prix à la consommation a enregistré, en glissement annuel, une hausse de 5,49% par rapport à mars 2014. Cette tendance haussière est générée principalement par l'inflation en glissement des groupes habillement et chaussures, alimentation et boissons non alcoolisées, santé-hygiène corporelle, meubles et articles d'ameublement, éducation culture et loisirs, divers. Le taux d'inflation, en moyenne annuelle, est passé en fait de 1,60% en septembre 2014, à 2,92% à décembre 2014, pour atteindre 4,06% à mars 2015.