Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Elle est le sujet de l'une des plus importantes controverses nationales et elle rouvre, demain dimanche, ses portes à quelque 8 millions de potaches. C'est pourquoi le rendez-vous est symboliquement un peu plus important que ceux des précédentes années même si les rites demeurent identiques. En effet, il est attendu à ce que la ministre de l'instruction publique se rende dans une école, quelque part dans le pays, afin de satisfaire à l'exercice imposé par les actes inauguraux. Il y aura d'abord le «clic-clac» de la photo habituelle auprès d'une ribambelle d'écoliers sages comme des images puis le propos faussement improvisé destiné à rassurer tout le monde et notamment des syndicats aux aguets et des parents d'élèves inquiets. Bref, protocolairement, la journée de la rentrée sera réglée sur les remakes du passé mais avec des acteurs différents et des promesses autres. Or, ce «détail» dans le changement de casting mérite à lui seul d'être souligné. En succédant notamment à un réseau de carriéristes politiques, dont la mainmise sur l'école a duré au moins 12 années, Madame Benghebrit a hérité d'un secteur complexe tant au point de vue des questions socioprofessionnelles pendantes que du volet sensible relatif à la refonte pédagogique du savoir dispensé. Une ruine nationale sans cesse dénoncée et à laquelle elle va devoir s'attaquer en dépit de tout. Vaste mission pour celle qui a été injustement maltraitée sur les réseaux sociaux mais également de la part de partis politiques se revendiquant du pouvoir et qui n'a bénéficié que tardivement d'un approximatif soutien du Premier ministre. C'est que l'école algérienne pour laquelle tant d'intérêts idéologiques se sont focalisés et continuent à s'affronter n'est déjà plus le sanctuaire qui la qualifiait abusivement. Aux ravages doctrinaux dont elle souffre, depuis la décennie 1990 essentiellement, se sont greffées, par la suite, les revendications corporatistes. Une double menace qui a fait qu'au seuil de chaque année scolaire, s'organisent les mobilisations les plus douteuses. Lesquelles finissent par rendre aléatoire l'accomplissement de tous les cursus pédagogiques indépendamment de leurs paliers. Car, d'une année sur l'autre, l'accumulation des déficits en savoir n'a-t-elle pas fini par tirer vers le bas et la médiocrité les examens de fin de cycles (6e, brevet, baccalauréat). A l'exemple de l'orchestration des chantages et du laxisme de l'Etat, l'année scolaire 2009-2010 a été la référence de l'échec à travers les 14 semaines de grèves des cours et la «capitulation» de la puissance publique qui s'était rendue coupable de n'évaluer les candidats au baccalauréat que sur moins d'un tiers des cours imposés en terminale ! Or c'est le caractère délictueux des pratiques et démarches de l'Etat qui est à l'origine d'une pareille dévaluation de l'école, celle qui s'explique par des préoccupations politiques jusqu'au sacrifice de la qualité du système éducatif. D'ailleurs le «magistère» d'un prédécesseur de Madame Benghebrit a construit sa longévité (12 années) à ce poste en aliénant pratiquement la totalité des attributs d'une véritable école républicaine. Plutôt propagandiste politique que scrupuleux pédagogue, il fut souvent l'auteur de contre-vérités destinées à faire l'éloge d'une école qui pourtant prenait l'eau de toutes parts. En somme, les ministres qui se sont succédé au chevet de l'école étaient pour la plupart de fidèles exécuteurs des stratégies ponctuelles du pouvoir lorsque celui-ci avait besoin d'instrumentaliser le contenu des savoirs qu'elle aurait dû dispenser. Mais alors, doit-on penser ou croire plutôt qu'avec la nouvelle ministre les approches tactiques du régime ont littéralement changé ? Probablement. C'est en tout cas ce qui transparaît à travers les engagements publics de Sellal même si les officines pourvoyeuses de cadres (les partis et les islamistes) demeurent circonspectes quant à l'audace de Benghebrit de réhabiliter le système éducatif en mettant fin à de vieux «compromis» pédagogiques. Celui, entre autres, qui avait instauré une sorte de cohabitation entre les instructions religieuse et civique. Y parviendra-t-elle ? Certainement pas si elle continue à être isolée du sein d'un exécutif dont la réputation actuelle n'est guère bonne. A l'image d'un président de la République essoufflé politiquement et sûrement indéterminé sur son devenir immédiat, ceux qui le soutiennent et travaillent à son profit sont à leur tour «contaminés» dirions-nous. L'indétermination est effectivement l'épidémie politique qui est en train de gagner le sommet de l'Etat et cela n'augure rien de durable à l'ambition d'une ministre qui ne pourrait gérer un chantier d'une telle importance qu'avec un échéancier lointain. Même si la désillusion est de l'ordre des possibilités, la rentrée scolaire de ce dimanche sera quand même marquée par l'optimisme qu'elle a insufflé et qui a tant manqué par le passé à ces pépinières de l'avenir.