Par Boubakeur Hamidechi [email protected] La fameuse promesse d'une Constitution «rénovée» est-elle l'ultime cartouche politique qui demeure dans les magasins du pouvoir ? Certainement, à travers sa réactivation après avoir été longtemps (5 années) un engagement solennel jamais respecté. Cependant, il est tout à fait plausible de s'attendre à ce que l'agitation autour de ce projet finisse comme un pétard mouillé. En effet, les premières réactions politiques viennent de montrer que le doute ou la réfutation claire et nette, se multiplient dans les déclarations. C'est aussi la tendance dominante qui s'affiche dans les commentaires des réseaux sociaux s'agissant de la défiance qui ironise sur ces effets d'annonce. «Au juste, de quoi s'agit-il ?» écrit-on. «L'on voudrait nous vendre une Constitution capable de changer l'Algérie ! Mais pour cela comment peut-on compter sur un pouvoir notoirement célèbre pour avoir violé (2008) puis malmené (2014) la loi fondamentale actuelle juste pour satisfaire ses caprices de pouvoir ?» A l'ère du soupçon général, l'on voit bien que même les sincères intentions sont vouées à l'échec dès l'instant où des antécédents, au sens délictueux que l'on suggère souvent à travers ce vocable, viennent rappeler certaines forfaitures. Or ce qui est en train d'arriver à la communication officielle, alors qu'elle peine à vendre cette idée à l'opinion est justement irrigué par ce faisceau d'accusations. Il est vrai que dans le contexte singulier et de surcroît lamentable que connaissent les institutions, il est tout à fait ridicule de prêter foi à la rhétorique du pouvoir. Pire, ses messages horrifient comme le ferait un discours trompeur. D'ailleurs, pour le commun des observateurs, ce qui se trame au palais n'a que peu à voir avec l'avenir de l'Algérie. Une sorte d'appel d'air afin de contourner par la loi l'incapacité du Président tout en consolidant sa position de primat. Car faute d'explication de texte (sans jeu de mots) autour de l'avant-projet, dont on a même vu le chef d'état-major de l'armée lire une copie, la suspicion demeure intacte. Dans l'immédiat, l'urgence dont parle la classe politique ne concerne pas explicitement la problématique de la Constitution. Elle interpelle en priorité sur le «cas d'espèce» d'une vacance de pouvoir occultée et que l'on compte habiller de nouveaux oripeaux constitutionnels. Autrement dit, il s'agira bientôt de débattre, non pas sur la nature constitutionnelle de l'Etat futur mais en priorité sur la re-légitimation du souverainisme d'un homme en dépit de la détérioration de la totalité des fondamentaux qui, charpentent l'Etat. C'est donc le destin de l'homme Bouteflika et du bouteflikisme qui en vérité, est à l'origine de la manœuvre. Il est significatif d'ailleurs, de lire sous la plume de certains exégètes du palais que les divergences d'approches entre les rédacteurs de l'ébauche ont trait notamment à la création du poste de vice-président de la République ainsi qu'à la limitation des mandats. Incidemment, ces deux aspects auxquels s'attachent les commentaires ne confirment-ils pas tous les soupçons ? Celui entre autres de s'attarder d'abord sur les aspects juridiques d'une réformette afin de favoriser un transfert quasi-dynastique des clés du pouvoir. En effet, dans un système semblable au notre dont les caractéristiques sont la semi-liberté et les urnes à double-fond, il n'existe pas d'alternative sinon celle qui s'opère par les canaux de l'adoubement. Or dans cette intelligence du pouvoir, Bouteflika est, de loin, celui qui a été à l'origine de la sophistication du procédé tant et si bien que même les courants politiques réputés pour leur farouches oppositions admettent actuellement que la «transition» n'est possible que dans la mesure où les schémas d'approche du palais coïncident simplement avec leurs vœux. Quitte à s'accommoder du calendrier imposé, ils pactisent implicitement au nom du «réalisme». In fine, ils se retrouvent du même côté de la barricade que les courants activistes qui servent de fer de lance aux initiatives du palais. C'est que d'ici à quelques semaines la CNLTD et surtout Louisa Hanoune seront aimablement «contraints» de donner, eux aussi, leur avis sur la mouture finale du projet constitutionnel. Certes, ils y verront matière à relever et à critiquer les assertions favorables à la rallonge de la transition et quand bien même ils y mettront quelques «holàs» à cette manipulation, ils auront tout de même participé au débat ! Tout est précisément dans ce piège tendu qui amène l'opposition à examiner une proposition d'un pouvoir à la légitimé contestable. Mais dira-t-on comment faire ? Eh bien, aller simplement vers l'orchestration d'une contre-campagne interdisant aux gens du palais de légiférer au nom de l'Algérie future alors qu'ils ne sont que le résidu d'un régime usé jusqu'à la corde par le temps et la multiplication des scandales dans la gouvernance. Sauf qu'en l'état actuel de l'opposition, cette possibilité n'est qu'une vue de l'esprit. Une impasse qui ne s'explique que par les deux moments cruciaux qui furent gâchés. D'abord celui de la première bérézina du 12 novembre 2008 lorsque les courants politiques cédèrent au moment où s'accomplissait le viol de la Constitution et ensuite la débâcle de la non-mobilisation de la rue en mars-avril 2014 lorsqu'on piétina la loi et que l'on fit élire un Président littéralement alité. Un double échec historique qui a fini par disqualifier pour longtemps le multipartisme.