De Tunis, Kattou Mohamed «La Tunisie est un oiseau qui plane avec deux ailes, à savoir "Ennahdha" et "Nidaa Tounès (NT)"». Cette affirmation est venue de la bouche du leader du parti islamiste, Rached Ghannouchi, en participant à l'ouverture du congrès constitutif de NT. Cette image n'était pas pour déplaire au fondateur de NT et son président d'honneur, Béji Caïd Essebsi. Celuici n'a pas hésité à violer la Constitution pour venir remettre sur les rails un parti à la dérive et qui, sans son intervention, aurait coulé. Si Ghannouchi a procédé à un rappel du démarrage de la politique consensuelle pour noter que ces deux partis sont dans l'obligation de mener la Tunisie à bon port, Béji Caïd Essebsi l'avait assuré se son soutien, sachant que la Tunisie ne peut pas être gouvernée par un seul parti, comme l'avaient confirmé les élections présidentielle et législatives de la fin de l'année 2014. Toutefois, l'accueil chaleureux et inattendu réservé à Rached Ghannouchi par les congressistes de NT a fait des mécontents. L'un des congressistes, membre du comité exécutif, a immédiatement présenté sa démission alors que Slim Riahi, le richissime président de l'UPL, a délégué l'un des siens pour lire son intervention à la tribune, considérant que Ghannouchi avait marginalisé le rôle de son parti dans le pays. Ce congrès a été tenu à l'initiative du Président Caïd Essebsi qui avait constitué un comité de 13 militants pour dénouer la crise éclatant entre le secrétaire général, démissionnaire, Mohsen Marzouk, et Hafedh Caïd Essebsi, le propre fils du Président, dans le but de sauver ce qui peut l'être dans un parti en perdition. Finalement, le congrès s'est tenu malgré la démission d'une quarantaine de membres ayant préféré rallier les rangs du clan de Mohsen Marzouk. Finalement, le congrès dont les travaux ont connu des suspensions en raison de la colère des jeunes militants et des femmes se considérant comme marginalisés, s'est tenu pour aboutir à l'élection d'une nouvelle direction qui aura la charge d'assurer la gestion des affaires du parti durant la période précédant le prochain congrès prévu pour l'été prochain. Au même moment, le dissident Mohsen Marzouk tenait un meeting à Tunis pour annoncer la création prochaine (2 mars) d'un nouveau mouvement politique s'inspirant du «bourguibisme», s'attachant au respect des droits de l'Homme, œuvrant pour la séparation entre la religion et la politique et ouvert sur les valeurs universelles. Dans son discours, il n'a pas hésité à s'attaquer aux dirigeants de son ancien parti qui, a-t-il dit — en substance — avaient dévié des principes ayant présidé à sa constitution. Le mouvement qu'il se propose de créer serait-il un «appendice» de Nidaa Tounès ? Ces deux évènements qui ont couronné la crise secouant NT ne font, selon les observateurs, qu'affaiblir NT sans pour autant favoriser la création d'un nouveau parti qui ferait le poids face au grand bénéficiaire, le parti islamiste dont le chef Rached Ghannouchi était tout content de répondre à l'invitation des congressistes de NT et de leur «lancer des fleurs», sachant que sur le terrain, son parti en sort vainqueur. En effet, bien que ne comptant que deux ministres dans la formation gouvernementale, Ennahdha détiendrait désormais le vrai pouvoir à l'Assemblée des représentants du peuple (Parlement) suite à la démission de nombreux députés de NT et aux rapports conflictuels entre ces derniers et leur parti d'origine. Ceux qui avait dit que le parti islamiste était à l'origine de la crise de NT avaient-ils raison ?