Par Abderrahmane Zerouati Au lendemain de l'indépendance, l'Algérie ne pouvait s'offrir le luxe d'amorcer sa politique touristique dans les meilleures conditions. Elle ne pouvait accorder une priorité à ce secteur qui devait s'éclipser devant l'agriculture et les secteurs de l'industrie qui apparaissaient alors comme des atouts sûrs pour mettre en marche une économie désorganisée, voire affaiblie. Il s'agissait alors de réunir immédiatement les meilleurs moyens qui permettraient un départ moins aventureux et plus sûr. Cet engagement dans la relance économique basée essentiellement sur l'agriculture (au commencement) allait systématiquement priver l'Algérie pendant longtemps des possibilités que pouvait offrir le tourisme dans le processus du renouveau. Les conséquences aujourd'hui montrent un secteur qui a pris un retard considérable, difficile à surmonter, compte tenu de la conjoncture qui prévaut actuellement. Timides tentatives Ces possibilités ignorées pendant ces premières années purent néanmoins, laborieusement, refaire surface grâce à la mise en chantier de quelques projets destinés à mettre sur pied une infrastructure hôtelière. Ce renouveau laissait toutefois entrevoir une meilleure prise en charge de ce secteur le destinant à jouer le rôle qui est le sien dans les plans de développement. Il était donc possible de croire, de penser que le tourisme allait bénéficier de moyens qui lui sont propres pour connaître un essor et apporter sa contribution à l'édification du pays. Les bouleversements (apparition d'une quantité appréciable de lits) qui eurent lieu en cette première décennie semblaient tout désignés à faire enfin de ce secteur cet autre pilier de l'économie de l'Algérie. Cette tentative, pour revaloriser ce secteur et lui donner les bases nécessaires à sa relance ne put bénéficier d'un suivi sérieux sur le terrain, puisque ces premiers bouleversements qui devaient en provoquer d'autres, prirent fin malheureusement pour ne plus connaître d'autres développements notables. Le secteur en souffre toujours, réduit à sa plus simple expression. Faute de projets probants, il ne put se dégager pour se mettre réellement en marche. Si les premières années ont suffi à ces timides réalisations de prendre part un tant soit peu au processus d'édification, celles qui ont suivi n'ont pas vu apparaître d'autres projets d'envergure susceptibles de renforcer ce qui existait déjà. En ayant exclu le secteur du tourisme des différents plans de développement, l'Algérie a choisi de mettre fin à toutes ses ambitions de se voir un jour propulsée au rang des pays faits pour vivre aussi du tourisme. Combien de lits peut-on recenser aujourd'hui ? Il est difficile d'être précis, mais quel que soit le chiffre, cela restera très faible par rapport aux possibilités que l'Algérie est en mesure de créer a avec les moyens dont elle dispose pour faire du tourisme aux côtés des hydrocarbures un autre pilier de l'économie. Les premiers cadres chargés de parfaire ce secteur pourtant vital durent prendre leur mal en patience en réduisant leurs ambitions. Les moyens qui faisaient tant défaut ont vite fait de les convaincre de l'absence d'une volonté politique claire. L'Algérie qui ne voulait pas miser gros sur ce secteur pour des considérations politiques (l'euphorie des hydrocarbures aidant) allait s'apercevoir plus tard des conséquences de ses erreurs. Nous en pâtissons aujourd'hui ! Mesures au compte-gouttes ? Les mesures de redressement engagées vers le début des années 1980 par l'Etat qui en a pris conscience à la suite de la détérioration du prix du pétrole se sont avérées peu porteuses pour venir à bout d'un retard accumulé depuis l'indépendance. Ces mesures destinées pourtant à ouvrir et créer de nouveaux créneaux ne purent offrir les conditions idéales pour amorcer une dynamique de redressement, notamment en hôtellerie où l'apport du privé ne pouvait, du reste, être admis pour constituer un facteur complémentaire aux infrastructures existantes. Ces hôtels privés édifiés dans les grandes agglomérations n'ont pas été créés dans les régions qui en avaient le plus besoin ; autrement dit, dans les régions à vocation touristique. Concentrés dans le nord du pays, ils sont destinés à jouer un rôle secondaire, recevant une clientèle particulière (de passage et hommes d'affaires), et là n'est pas le but recherché. Le Sud (moyen et grand Sud) algérien, en revanche, pourtant région touristique par excellence, continue à subir l'indifférence des autorités compétentes. Drainant un nombre important de touristes, le Sud reste tout de même dévalorisé. Les touristes qui souhaitent y séjourner sont nombreux. Ils peuvent correspondre approximativement à une rentrée en devises très conséquente et elle (rentrée en devises) ne représente finalement qu'une partie infime du nombre de touristes qui désirent se rendre en Algérie. Et, faute d'une politique utile, la demande est rarement satisfaite en totalité. Il demeure bien entendu que l'industrie du tourisme est à la fois lourde et fragile. Lourde parce qu'elle nécessite beaucoup d'argent pour son développement, et fragile parce qu'il suffit d'un incident (troubles internes) pour que tout s'écroule. Les sombres périodes (années 1990) que nous avons vécues en sont la parfaite illustration. Etant en paix, jouissant d'une relative stabilité que nous souhaitons longue, il est grand temps que l'Etat passe à la vitesse supérieure pour concrétiser les projets qu'il envisage de réaliser pour ce secteur. On a appris que le ministère actuel semble décidé à faire jouer à ce secteur le rôle qui est le sien. On a appris aussi qu'il envisage de lancer d'importants projets pour augmenter le nombre de lits dont le secteur de l'hôtellerie peut avoir besoin pour répondre à tous les postulants touristes qui manifestent le désir de se rendre en Algérie. Nous encourageons ce genre d'initiatives parce qu'ils sont nombreux à vouloir découvrir l'Algérie. Mais est-il possible dans la conjoncture actuelle de ressusciter un secteur laissé à l'abandon des décennies durant ? L'actuel contexte peut-il permettre un redressement ? Avons-nous les moyens de cette politique ? Le tourisme bénéficie-t-il des faveurs du gouvernement ? Si oui, comment ce gouvernement compte-t-il s'y prendre pour faire avancer les choses ? Le Sud demeure notre seul atout si nous voulons véritablement relancer le tourisme dans notre pays. Les investissements doivent nécessairement avoir lieu en cette immensité qu'est le Sud algérien qui reste une priorité absolue pour l'essor du tourisme. Abandonnée par l'Etat qui devait certainement avoir d'autres préoccupations à gérer et boudée par l'investissement privé incapable d'y venir à bout, cette région se trouvait ainsi démunie d'un accessoire indispensable à la survie du tourisme. A savoir l'hôtellerie qui doit être partout présente et en nombre pour satisfaire tous les besoins. Longtemps écarté des plans touristiques de développement, le Sud algérien est cet autre indice qui démontre on ne peut mieux le faible désir de l'Etat de vouloir — du moins dans l'immédiat —promouvoir ce secteur important. A défaut d'apporter sa contribution, l'Etat a préféré l'ignorer en l'abandonnant à son sort dont il ne peut s'en extraire pour se mettre en valeur. Le tourisme, une autre source de richesse On ne le dira jamais assez, pour relancer cette activité l'Etat doit exercer une forte influence sur les décisions qu'il doit prendre pour s'investir totalement. Le tourisme reste un créneau porteur. Un moyen sûr pour régler un certain nombre de problèmes, entre autres le chômage avec la création de nouveaux emplois. Nous devons toutefois admettre que le tourisme est l'affaire de tous. Les Algériens doivent tous s'impliquer, du policier, du douanier aux points d'entrée en Algérie, à l'hôtelier qui doit assurer un bon accueil en passant par le chauffeur de taxi et même l'habitant qui doit en toute circonstance afficher un air qui dénote la bonhomie et le désir d'être ensemble. Sur le plan législatif, la situation doit être redéfinie pour être adaptée aux exigences du moment. Les agences de voyages censées constituer une complémentarité au secteur étatique sont à encourager pour leur permettre de se consacrer avec plus de dévouement à leur mission. L'Algérie, qui reste un pays faiblement entrouvert au tourisme, devra s'efforcer à changer son orientation en s'inscrivant d'ores et déjà parmi les pays du tourisme international. A ses attraits multiples et permanents, l'Algérie offre à ses visiteurs un autre atout : celui d'être un pays neuf. Avec le visage de la jeunesse, elle a cette chance de repartir de zéro et de tout recréer. Le temps nécessaire pour rassembler les moyens voulus existe pour peu que les décideurs en aient la volonté. Mais l'intérêt porté à notre pays risque de s'émousser si des mesures appropriées émanant d'une étude sérieuse ne sont pas prévues. Le gouvernement devrait inclure le volet touristique dans la stratégie de redressement pour lui donner le rôle qu'il mérite auprès des autres domaines importants de l'économie de l'Algérie. L'Algérie devrait enfin saisir cette opportunité qui lui est offerte pour faire du tourisme un moyen de rapprochement et de convivialité. Pour en faire aussi un autre moyen qui incite au désir de vivre ensemble. Le Sahara assure nos besoins quotidiens grâce à la richesse de son sous-sol (pétrole), il peut aussi les assurer en développant cet autre atout qu'est le tourisme. Ailleurs le tourisme est roi , notamment dans certains pays comme l'Espagne (50 à 60 millions de touristes/an), la France (60 à 80 millions de touristes/an), la Turquie et les pays du bassin méditerranéen dont les recettes générées par cette activité dépassent presque nos recettes en hydrocarbures. La redynamisation de cette importante activité aiderait à freiner un tant soit peu les retombées de la crise qui secoue le pays.