Quel est le secret des centenaires dynamiques et autonomes ? Qu'est-ce qui fait courir nos vieux ? Des questions qui nous viennent à l'esprit lorsque nous rencontrons ces vieux ayant vu défiler plusieurs générations. Nos aînés nous font partager leurs recettes de jouvence. Khalti Nouara, 102 ans : «Garder le sourire en toute circonstance» Entourée de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, de ses hauts de ses 102 ans, khalti Nouara est heureuse. «Jusqu'à maintenant — je remercie Dieu jour et nuit pour cela —, j'ai toute ma santé physique et mentale. Sinon, je pense que cela serait très dur de pouvoir apprécier la vie. Et elhamdoullah, je savoure chaque moment», confie khalti Nouara tout sourire. S'occupant d'elle-même, toujours bien propre, elle met un point d'honneur à prendre un bain chaque jour. «C'est très important pour moi, je pense que cela me permet de marcher. Au départ, ce n'était pas une habitude mais par la suite, j'ai pris le rythme, depuis plus de dix ans, je prendre un bain après salat el fadjr. Cela me met en forme», confie-t-elle. Est-ce son secret de jouvence ? «Non, pas du tout, je dirais plutôt que contrairement à beaucoup de femmes de ma génération, je me suis mariée un peu sur le tard, vers la vingtaine et je n'ai pas eu beaucoup d'enfants. J'ai eu deux garçons, plus exactement», répond-t-elle. Tout en regardant ses petits-enfants, elle explique d'emblée : «J'ai eu beaucoup de chance dans ma vie. Mon défunt mari était un grand propriétaire terrien. Bien avant la guerre de l'indépendance. Donc, j'avais des bonnes. Ce que j'avais à faire était de gérer les approvisionnements et contrôler la ferme. Donc, je n'ai jamais eu à faire la lessive, ni à cuisiner et encore moins partir dans les champs. Après le décès de mon mari, mes enfants ont grandi et petit à petit, ils ont immigré vers la capitale. Je suis restée seule chez moi en continuant à avoir le même train de vie avec mes neveux et nièces. L'insécurité m'a obligée à rejoindre mes enfants. Ce que j'ai exigé, et je ne le regrette pas, c'est d'avoir un espace chez moi.» Son fils aîné, plus de 70 ans, enchaîne : «Vous savez, elle a pendant longtemps entretenu son chez elle comme elle l'entendait. Personne ne pouvait s'immiscer dans sa vie ou lui dire quoi manger. Je pense qu'elle s'est habituée à être la patronne et cela aide à vivre longtemps.» Khalti Nouara réplique : «mais non, ce n'est pas cela. Tu ne sais pas toi, tu es jeune. Moi, je pense, après la volonté de Dieu, c'est le fait de croire en l'avenir et se dire qu'il faut garder la joie de vivre malgré tous les problèmes. Vous savez, voir ses terres se perdre petit à petit ce n'est pas rien. Mais il faut savoir affronter les aléas de la vie et profiter du moment et des bonnes choses. C'est ce que je dis. Mais il ne faut pas oublier que lorsqu'on vit si longtemps, ce n'est pas facile de voir ses frères et sœurs partir, ses neveux et nièces mourir. Nanna Lokthafia, présumé 101 ans : «Travailler et rester digne» Aimée et appréciée, crainte et respectée, des sentiments qu'a de tout temps inspiré nanna Lokhtafia. «Je ne parle pas avec tout le monde, vous savez. Mes arrière-petits-fils m'ont expliqué votre métier et heureusement que je ne suis pas très fatiguée pour pouvoir vous recevoir.» C'est en ces termes que nous avons été accueillis par une vieille et belle femme à la peau blanche avec des rides très marquées. Son eau de toilette sentait très fort et embaumait l'air. «Vous savez, elle prend un bain avec ce parfum. Elle y tient. C'est une bourgeoise. Quand je la regarde, elle me fait penser aux aristocrates. Ce n'est pas maintenant qu'elle va changer.» Un de ses petits-fils tente d'expliquer et d'excuser l'accueil de sa grand-mère. «Je descends d'une grande famille, plutôt d'un arch d'intellectuels très connus. J'ai épousé mon cousin parce qu'à notre époque on n'épousait que les gens de notre lignée. Ce n'est pas comme maintenant. Des fois, ils ne savent même pas de quelle famille est issu le futur époux ou l'épouse. Ce qui est grave», commence-t-elle le résumé de sa vie tout en toussant légèrement dans un mouchoir. «Je pense qu'elle est tombée amoureuse de son mari ou qu'elle l'aimait avant de se marier parce que lui était pauvre même s'ils sont de la même famille. Il n'était qu'un simple maçon et elle venait d'une famille très riche», chuchote l'une de ses petites-filles. Une phrase qui lui a valu un regard assassin de la part de l'ancêtre. Et de reprendre son récit : «Ce n'est pas parce que j'étais riche que je ne savais pas gérer une maison, m'occuper de mes enfants. Mais contrairement à maintenant, nous ne fuyions pas nos responsabilités. Nous avions la vie dure mais on savait garder notre dignité. Vous savez, j'ai perdu sept garçons, morts nourrissons. Dieu ne m'a permis de garder que mes trois filles et un fils unique. Oui, cela n'était pas facile de supporter cela. Ce n'est pas comme maintenant, il y a des hôpitaux, les vaccins existent, et avec ça, les gens ne sont pas contents. Nous avons connu la misère, la privation mais savions rester fiers. Vous savez, personne ne m'a jamais vue avec des habits sales, ou encore déchirés. J'ai su me préserver de ces travers et c'est cela à mon avis qui m'a permis de vivre aussi longtemps.» Une de ses petites-filles, médecin, essaye de prendre la parole. Nanna Lokhtafia la coupe sèchement : «Oui, je sais que tu vas dire que nous mangions mieux que maintenant, surtout l'huile d'olive et que c'était naturel. Mais est-ce que tu sais que nous ne mangions un œuf qu'une fois par hasard ou encore devoir tenir toute une journée avec un peu de couscous ? Ce n'était pas facile. Mais nous, on travaillait. On ne se lamentait pas à longueur de journée. Pour moi, notre secret est d'avoir eu un rythme de vie basé sur le travail et non pas sur le laisser-aller.» Laâ Djawwida, 100 ans : «Aimer la vie» Lorsque nous l'avons rencontrée, elle venait de boucler ses cent ans. Elégante dans son petit tailleur écru, un foulard en soie de la même couleur lui cachait à peine ses cheveux blancs impeccablement coiffés. La coiffeuse a fait le déplacement pour la circonstance. Aujourd'hui elle assiste au mariage de son dixième arrière-petit-fils. «Quand je me suis mariée j'étais plus jeune que lui. J'avais 15 ans, et mon mari 19. J'ai perdu mon époux il y a 16 ans. Il est mort dans un accident de voiture. Un camion lui est rentré dedans, il était avec ses trois fils. Nous avons mené une vie paisible avec nos six enfants. Nous avons beaucoup voyagé, beaucoup vu. Il faut dire que tous les deux nous étions d'un tempérament plutôt calme et docile. Le stress, on ne connaissait pas. On prenait la vie telle qu'elle se présentait à nous. On vivait le moment présent et on appréciait les bonnes choses. On mangeait sain, et on ne s'encombrait pas de faux problèmes. Dieu merci nous n'avons contracté aucune maladie grave ; bien sûr, à cent ans, je ne cours plus comme à vingt ans, mais j'ai gardé toute ma tête. Je pense que si j'ai atteint mes cent ans sans être grabataire c'est parce que j'aime la vie. Je viens de fêter mes cent ans et j'ai dansé avec tous mes enfants, leurs enfants, une quarantaine, sinon plus. La joie, le bonheur ça rajeunit. Cela ne veut pas dire que je n'ai pas eu des petits malheurs mais avec beaucoup de philosophie et la foi en Dieu, on arrive toujours à les surmonter. A présent, mes enfants me procurent une félicité et je leur apporte beaucoup de réconfort.»