Ce qui était une simple hypothèse, avancée par ce même ministre du Commerce, il y a quelques mois, est aujourd'hui une option officiellement retenue par le gouvernement pour l'exercice 2017. Le retour à l'importation des véhicules de moins de trois années : une décision souhaitée par les uns et appréhendée par les autres. Dans quelles conditions sera effectuée cette opération ? Quels impacts sur le marché de l'automobile national ? Quelles garanties pour éviter les dérives déjà enregistrées au cours d'expériences précédentes? Quels seraient les coûts de ces véhicules pour les citoyens ? Autant de questions que l'on se pose légitimement et auxquelles les réponses sont attendues par tous. Il est d'emblée important de relever que cette disposition pourrait se révéler comme une louable alternative pour contrer le diktat de certains concessionnaires automobiles qui se sont lancés sans retenue dans une course effrénée des augmentations des prix de vente de leurs véhicules et qui, souvent, ne peuvent s'expliquer par les seules dépréciations continues de la monnaie nationale. Et face à l'inexistence d'obligations tarifaires réglementaires, ces importateurs intègrent dans leur nouvelle grille des prix «le manque à gagner du fait de l'imposition des quotas et la rentabilisation des investissements déjà consentis». Le résultat est tout simplement ahurissant, des hausses qui atteignent pour certains modèles les 100%. Quels impacts sur le marché ? Parallèlement, le marché de l'occasion se redécouvre une vigueur en s'alignant et en dépassant allègrement les prix du neuf. Certains concessionnaires s'adaptent à cette nouvelle situation du marché en se convertissant sans trop de scrupules en revendeurs. Les réseaux traditionnels d'agents agréés sont supprimés ou contournés au profit d'une poignée de «collaborateurs» de nouvel acabit. Néanmoins, et dans l'attente des détails du cahier des charges annoncé par le ministre, cette mesure pourrait, en revanche, perturber profondément le marché de la voiture en Algérie et remettre en cause toute la démarche des pouvoirs publics initiée visant l'organisation et la professionnalisation du secteur. D'autant que des efforts et des investissements ont été réalisés par un grand nombre de concessionnaires pour hisser la qualité des prestations assurées aux clients algériens aux standards internationaux. Le retour de l'importation des véhicules d'occasion, et en dépit des éventuelles dispositions que prendrait le gouvernement, ne pourra s'effectuer sans risques de dérives. De par sa nature, le marché de l'occasion est, de tout temps et dans toutes les contrées, ouvert à des malversations et trafics de tous genres. L'on ne pourra que rappeler ici les fameux et historiques maquillages des millésimes de véhicules qui s'opéraient dans certains pays européens et dont étaient victimes ou complices, c'est selon, des clients algériens. Des dizaines de véhicules importés, rappelons-le, n'ont jamais été régularisés et ont été abandonnés, des années durant, sur les quais des ports. Des sources d'approvisionnement multiples Quelles seraient les limites de ce cahier des charges pour parer à ce type de situation, d'autant que les moyens peu suffisants pourraient compliquer encore davantage la mission des départements concernés. Car les sources d'approvisionnement du marché de l'occasion en Europe notamment sont multiples et variées, depuis l'activité de reprise officiellement assumée par les concessionnaires, jusqu'aux particuliers en passant par des sociétés spécialisées, des sites internet, etc. D'où la difficulté d'assurer une garantie sur les véhicules importés et leur adaptation aux conditions de roulage sur les réseaux routiers nationaux, aux conditions climatiques et aussi d'utilisation souvent extrêmes par les automobilistes algériens. A cela s'ajoute une qualité de carburant excessivement riche en souffre et des conditions de stockage qui favoriseraient l'accumulation hors-normes de quantités d'eau particulièrement nuisibles aux systèmes d'injections modernes qui équipent les nouveaux moteurs. Il est aussi intéressant de savoir si ces importations seront ouvertes aux particuliers ou uniquement aux concessionnaires et autres revendeurs et entreprises spécialement dédiés. Vers une flambée de la devise Le retour à une importation massive de véhicules d'occasion de moins de trois ans ne manquera sûrement pas d'avoir des répercussions négatives sur les multiples projets d'investissement dans l'assemblage de véhicules que le gouvernement s'apprête à autoriser. Si les propos du ministre du Commerce, lors de son passage au forum d'El Moudjahid, ont semé le doute sur la qualité des véhicules importés jusque-là par les concessionnaires et qui seraient, selon lui, en deçà de celle des voitures vendues en Europe, qu'en sera-t-il alors de la qualité des voitures assemblées localement ? Par ailleurs, il est d'ores et déjà utile de se poser des questions, en attendant les réponses des nouveaux textes réglementaires, sur le coût réel d'un véhicule d'occasion vendu Alger, compte tenu de l'envolée imminente des taux de change parallèle de la devise et aussi celle de vente en France notamment, où les relais algériens doivent s'activer dès maintenant à la préparation des conditions matérielles pour un retour en force dans le secteur. A cela s'ajouteraient les frais de transport et les taxes supplémentaires pour le dédouanement. Association des concessionnaires automobiles (AC2A) : «Une fragilisation de l'effort de développement d'une industrie automobile structurante» Réagissant à cette décision, du reste attendue, l'Association des concessionnaires automobiles, AC2A, rappelle, dans un communiqué qui nous a été transmis, «la nécessité de préservation de l'intégrité du parc automobile algérien, notamment l'effort de rajeunissement entamé par les pouvoirs publics, qui ont permis une amélioration notable du niveau d'émission de CO2, dans l'intérêt de la santé de nos citoyens, mais aussi l'intégration de nombreux équipements de sécurité, faisant de l'Algérie un pays leader sur la scène internationale». De même qu'elle souligne quelques risques qui pourraient découler des suites de sa mise en application. On lira surtout : «L'absence de traçabilité technique du véhicule assurant une conformité totale et sans faille avec la normalisation algérienne ; l'absence de garantie technique du véhicule et les risques sécuritaires et de santé publique induits ; risque sur la préservation de l'emploi. Le secteur de l'automobile organisé et structuré représente plusieurs dizaines de milliers d'emplois directs et plus de cent mille emplois indirects ; la fragilisation de l'effort de développement d'une industrie automobile structurante ; les dérives attendues en opposition à la politique des quotas, nécessaire dans l'environnement actuel, laissant se développer un marché parallèle incontrôlable.» L'AC2A réitère, néanmoins, sa volonté et sa détermination à demeurer un partenaire pour les pouvoirs publics en mettant à leur disposition «son expertise et son support à toute volonté de professionnalisation de son secteur d'activité».