L'Iran est le théâtre depuis cinq jours de violentes protestations contre les difficultés économiques, au moment où les autorités accusent des «contre-révolutionnaires» armés ou des «fauteurs de troubles» de s'infiltrer parmi les manifestants, mettant en garde contre le désordre. Depuis cinq jours, des manifestations antigouvernementales émaillées de violences ont éclaté dans certaines grandes villes iraniennes. A Téhéran et dans plusieurs autres villes, des manifestants avaient attaqué et parfois incendié des bâtiments publics, des centres religieux, des banques et des voitures de police. Au total, 21 personnes ont été tuées depuis le début des manifestations notamment contre le chomage, l'inflation et la corruption, qui ont débuté jeudi soir à Machhad, deuxième ville du pays (nord-est). Neuf personnes ont été tuées dans la nuit de lundi à mardi dans plusieurs villes de la province d'Ispahan (centre) en Iran lors d'affrontements entre forces de l'ordre et opposants. Six manifestants sont morts dans des affrontements avec les forces de l'ordre alors qu'ils tentaient de prendre d'assaut un poste de police à Qahderijan. Un enfant de 11 ans a été tué et son père blessé par des tirs de manifestants à Khomeinyshahr alors qu'ils passaient près d'un rassemblement. Un jeune membre des Gardiens de la révolution — l'armée d'élite iranienne — a été tué et un autre blessé par des tirs de fusil de chasse à Kahriz Sang. Les autorités avaient déjà fait état lundi soir de la mort d'un policier, tué par des tirs d'une arme de chasse à Najafabad. Dans ce contexte, quelque 450 personnes ont été arrêtées depuis samedi à Téhéran, moins touchée que les petites villes iraniennes par l'actuel mouvement de protestation, au moment où des manifestations de soutien au gouvernement étaient organisées lundi dans plusieurs villes dont Rasht, Zanjan, Ahvaz et Takestan. Le Président iranien Hassan Rohani a reconnu que l'Iran devait fournir «un espace» pour que la population puisse exprimer ses «inquiétudes quotidiennes», mais il a condamné les violences et la destruction des biens publics. M. Rohani, qui avait appelé au calme dimanche, a averti lundi que «le peuple iranien répondra aux fauteurs de troubles», qui ne sont qu'une «petite minorité», a-til assuré. Les autorités accusent «des fauteurs de troubles» ou des «contre-révolutionnaires» armés de s'infiltrer parmi les manifestants. Et le ministère du Renseignement a prévenu dans un communiqué que «les émeutiers et les instigateurs» ont été identifiés et que «bientôt on s'occupera sérieusement d'eux». Dans des propos rapportés par les médias iraniens, le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, Ali Shamkhani, a affirmé que «les hashtags et les messages à propos de la situation en Iran provenaient des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de l'Arabie Saoudite». «Ce qui se passe sur les réseaux sociaux à propos de la situation dans le pays est une guerre par procuration contre le peuple iranien», a déclaré M. Shamkhani. Pointant du doigt une «petite minorité» d'agitateurs, le Président Rohani a affirmé lundi la détermination du gouvernement à «régler les problèmes de la population», en particulier le chômage. Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, s'exprimant pour la première fois depuis le début de la contestation, a indiqué hier à la télévision d'Etat que «dans les événements de ces derniers jours, les ennemis se sont unis en utilisant leurs moyens, l'argent, des armes, la politique et leurs services de sécurité pour créer des problèmes à la République islamique d'Iran». Les manifestations sont les plus importantes depuis le mouvement de contestation en 2009 contre la réélection de l'ex- Président Mahmoud Ahmadinejad. M. Rohani, élu pour un second mandat en mai 2017, a permis à l'Iran de sortir de son isolement avec la levée de sanctions internationales liées aux activités nucléaires du pays. La signature en 2015 d'un accord historique avec les grandes puissances avait fait espérer aux Iraniens une amélioration de la mauvaise situation économique, mais elle tarde à porter ses fruits. Le ministère russe des Affaires étrangères a en revanche estimé que les manifestations de protestation actuelles en Iran relèvent «d'une affaire intérieure iranienne », ajoutant que «toute intervention extérieure déstabilisant la situation (en Iran) est inadmissible ». La Syrie a exprimé sa «vive condamnation et son refus catégorique des positions adoptées par l'administration américaine, l'entité sioniste et leurs outils» à propos de la situation prévalant en Iran, et insisté sur le rôle «destructeur » de ces pays dans la «déstabilisation» de la région, dans une tentative d'«affaiblir l'axe de la résistance dans la région», en réaction à un «tweet» du Président américain Donald Trump, via lequel il a dit que «le temps du changement» était venu en Iran. Une source officielle du ministère syrien des Affaires étrangères et des Expatriés a souligné «l'importance du respect de la souveraineté iranienne et de la non-ingérence dans ses affaires intérieures». La Syrie «exprime sa confiance en la capacité de l'Iran de mettre en échec ce complot, de continuer son processus de développement et de la reconstruction et de poursuivre son rôle dans la victoire des causes justes des peuples», a ajouté la même source. La Turquie s'est dite «inquiète » hier par le mouvement de protestation contre les difficultés économiques qui agite l'Iran depuis jeudi, et a mis en garde contre une «escalade» et des «provocations ». L'Union européenne a dit «espérer» que le droit de manifester sera «garanti» en Iran, dans un communiqué de la porte-parole de la cheffe de sa diplomatie Federica Mogherini.