Abdelaziz Bouteflika continue son p�riple �lectoraliste et atterrit, jeudi dernier dans la wilaya de Chlef. Une halte qui r�v�lera, cette fois-ci, un pr�sident particuli�rement irrit�, �agressif� et pr�chant un discours brouillant et d�routant. Attendu pour un surcro�t d�explications quant � �ces gens du pouvoir qui sont contre la r�conciliation nationale�, le locataire du palais d�El Mouradia pr�f�re aller sur un autre terrain. �Il n�y aura pas d�amnistie g�n�rale�! criera-t-il en direction de la foule amass�e pour lui au stade Mohamed- Boumezrag. �Nous avons eu � subir, moi je ne dirais pas une d�cennie, mais une quinzaine noire, des milliers de victimes, des milliards en dollars de pertes.� Il l�ve la t�te, fixe la foule et, pour souligner l�importance des pertes mat�rielles, Bouteflika emprunte au jargon populaire cette formule : �Oui, des pertes mat�rielles aussi, et c�est important� et puis ce n�est pas l�argent de ta m�re ( Machi f�lous oumek) mais c�est l�argent du peuple.� Puis d�encha�ner : �Et si je vous demande si vous �tes pour ou contre l�amnistie g�n�rale ?� Un �oui� collectif fuse de la foule. �Eh bien non ! je ne poserai jamais la question de cette mani�re. Car tr�s peu d�Alg�riens savent ce que signifie une amnistie g�n�rale� l�on ne peut plus revenir quinze ans en arri�re ! Et ce n�est pas propre � l�Alg�rie. Qui d�ailleurs peut oser demander au pr�sident Bush de faire, comme si de rien n��tait et revenir � la situation pr�valent avant le 11 septembre ? A Tony Blair de se comporter comme avant les attentats de Londres ? Ou alors au Premier ministre espagnol d�ignorer les attentats de Madrid ? Non ! ce n�est pas possible. Et que cessent tous ces philosophes de nous encombrer avec leurs th�ories �cul�es comme de nous proposer de r�habiliter le Parlement issu des �lections de 1992 ou je ne sais quoi encore.� Mais cette pique envers les tenants du �qui-tue-qui ?� perd tout son sens tout de suite apr�s. �Je demande pardon, au nom du peuple alg�rien, � tous les repentis qui ont d�pos� les armes mais envers lesquels l�Etat n�a pas �t� juste, n�a pas tout � fait accompli son devoir.� Une d�claration pr�sidentielle d�autant plus dangereuse que ces m�mes terroristes, ayant mis l�Alg�rie � feu et � sang, quinze ann�es durant, n�ont non seulement jamais demand� pardon � la nation, mais, pis encore, ils n�ont jamais reni� leur sinistre projet th�ocratique. L�Etat alg�rien, qui a d�finitivement �cras� la machine terroriste du FIS, �tait-il raisonnablement oblig� d�octroyer une sorte de �prime de nuisance� � ses fossoyeurs par ailleurs d�savou�s au plan politique et d�nud�s au plan international ? �D�autres gens ont �taient, elles, marginalis�es ou licenci�es � cause de leurs id�es. Il faut leur rendre justice et les r�habiliter sans quoi, la r�conciliation ne sera jamais compl�te.� Aussi, le chef de l�Etat alg�rien ira jusqu'� entonner le fameux slogan du FIS qui a traumatis� des g�n�rations d�Alg�riens et qui demeurera dans la m�moire collective de la nation comme le synonyme de la mort et de la d�solation. �Alayha nahia ou alayha namout�! (Je vis pour elle, et je suis pr�t � mourir pour elle : NDLR). Bouteflika parlait de la R�publique alg�rienne. Mais n�h�sitera point, au m�pris du bon sens et de l�honn�tet� intellectuelle de traiter le FIS et ses terroristes sur un pied d��galit� avec les d�mocrates qui ont, eux, subi et r�sist� au terrorisme. �Nous avons une Constitution qui consacre l�islam religion d�Etat. Nous n�avons donc pas besoin d�un Etat th�ocratique. Mais en m�me temps, nous n�avons rien � voir avec ces la�ques (�.) Tous ces gens-l� ont cr�� la plus grande fitna jamais connue par le monde musulman depuis l��re de Ali Ibn Abi Taleb.� A croire que le drame alg�rien de ces derni�res ann�es �tait d� � un affrontement arm� entre islamistes et d�mocrates ! �Certains parmi vous ont soutenu le terrorisme et le colonialisme� ! Le discours pr�sidentiel � Chlef �tait, par ailleurs, tr�s os�. S�adressant, � l�occasion, � une foule compos�e de la client�le du pouvoir repr�sentant les wilaya de Chlef, Tissemsilt, Relizane, Tiaret et M�d�a, Bouteflika entamait son discours avec une lourde interpellation : �Je vois d�ici des jeunes dynamiques mais qui ignorent tout de leur histoire. (�) La premi�re fois que j�ai visit� cette wilaya c��tait en 1957. C�est une terre de braves qui a combattu le colonialisme et qui a enfant� des lions � l�image de Deman Debih, Sa�d Dahleb et bien d�autres. Mais il faut bien le dire aussi, qui parmi vous se rappelle de Belounis, de Cobus et de tous ces gens qui ont combattu la R�volution du 1er Novembre et ont soutenu la France coloniale. Non ! On a tourn� la page certes, mais nous avons seulement pr�f�r� oublier.� Stupeur parmi l�assistance. Bouteflika tenait manifestement � convoquer l�histoire et revenir sur le douloureux �pisode qu��tait ce conflit fratricide entre la wilaya IV historique et l�arm�e des fronti�res dont il �tait lui-m�me partie prenante. Il continue l�insinuation : �Je dois dire que les fils de harkis ne sont pas, eux, responsables des actes de leurs parents. Il faut bien oublier car le mal qui est en nous est bel et bien alg�rien.� Les lourdes insinuations de Bouteflika ont refroidi une partie de la foule. Cela ne l�a pas du tout emp�ch� d�ass�ner une autre accusation encore plus pr�cise. �Durant la p�riode noire du terrorisme, la terreur vous a paralys�s et certains parmi vous n�osaient m�me pas sortir de chez lui. A tel point que vous n�avez jamais os� signaler un terroriste � vos services de s�curit�, � votre Arm�e nationale populaire.� Il ne dira pas que cela ! �Ma g�n�ration a lib�r� le pays. La g�n�ration actuelle doit, elle, rompre avec l�ivresse, et la drogue pour se consacrer � l��uvre de la construction du pays.� Une voix d�en bas interrompt le discours pr�sidentiel : �Monsieur le Pr�sident, je suis victime de la hogra.� (l�injustice NDLR). Ce � quoi, Bouteflika r�plique avec v�h�mence. �Si tu �tais victime d�une injustice, tu n�aurais jamais os� parler au chef de l�Etat de cette mani�re-l� ! Toi, tu es un ogre ! un fl�au. Et c�est pour cette raison que le Bon Dieu t�as envoy� un ogre plus grand que toi.� Ce malheureux citoyen ne sera pas la seule victime de l�ire pr�sidentielle de ce jeudi. Le directeur de l�hydraulique de la wilaya sera interpell�, lui, en ces termes par Bouteflika qui inspectait un chantier en ville dans l�apr�s-midi : �Tu es un l�che ! Et ce n�est certainement avec des l�ches comme toi que le pays va se construire !� Bouteflika voulait ainsi exprimer son m�contentement par rapport � un retard pris dans la r�alisation du projet. �Il y a des trafiquants de drogue m�me parmi les gens du pouvoir� Jeudi, encore, Bouteflika jettera un autre pav� dans la mare. �Cette situation (d�anarchie et de terrorisme NDLR) arrange beaucoup de monde : Des trabendistes, des trafiquants de drogue, etc., y compris au sein du pouvoir� ! Tout pr�sident qu�il est, pourquoi n�a-t-il alors rien fait pour les sanctionner ?