Dans son ouvrage Mensonges et calomnies d�un tortionnaire devenu g�n�ral de l�arm�e fran�aise � para�tre prochainement aux Editions APIC, notre confr�re d�El Moudjahid Mouloud Benmohamed �voque l�arrestation du chahid Larbi Ben M�hidi. Il a rencontr� deux officiers parachutistes (le g�n�ral Bigeard et le colonel Allaire) du 3e RPC, ainsi que Brahim Chergui, un militant de la cause nationale de la premi�re heure accabl� par la rumeur, qui ont v�cu directement ou indirectement l�arrestation de ce h�ros national. Versions ou t�moignages, leurs propos convergent ... Le Soir d�Alg�rie propose � la lecture ces bonnes feuilles avec l�aimable accord de l�auteur et de l��diteur. Quarante-huit ans apr�s, l�arrestation, le 23 f�vrier 1957, du martyr Larbi Ben M�hidi constitue encore une �nigme qui continue � alimenter de vives pol�miques, des sp�culations fantaisistes, des all�gations mensong�res �rig�es en certitudes, des supputations malveillantes, de vieilles hypoth�ses jamais av�r�es, de machiav�liques extrapolations. Rien que par la rumeur, le ou�-dire, le d�nigrement, la calomnie certains ont taill� des proc�s fallacieux tandis que d�autres jetaient la suspicion et l�opprobre sur un authentique militant de la cause nationale qui avait int�gr� les rangs du mouvement d�ind�pendance depuis belle lurette, pour ne pas dire avant que ces pourfendeurs ne prennent conscience de leur statut d�indig�ne. R�glement de compte ? Vengeance ? Quoiqu�il en soit, les versions contradictoires relatives � la capture de notre h�ros national qui a su r�sister pour ne rien divulguer aux parachutistes de la 10e DP command�e par Massu, ces versions donc ont donn� plus de cr�dibilit� � ceux qui accablent, depuis des ann�es � exactement depuis son incarc�ration en 1957 � la prison de Serkadji � un seul homme : Brahim Chergui. Pourtant, ce patriote a �t� arr�t� apr�s Larbi Ben M�hidi et ne pouvait donc pas le d�noncer. Pourtant, trois militants plus proches de Ben M�hidi ont �t� arr�t�s avant ce dernier et donc c�est sur eux que la suspicion aurait d� �tre concentr�e d�autant plus qu�ils sont morts sous la torture et par cons�quent, ils n�auraient pas pu se d�fendre. Pas un renseignement, pas un nom n�a �t� livr� par ces martyrs. Pour quelques-uns, la capture de Ben M�hidi a �t� r�ussie �gr�ce aux limiers de la 10e DP.� Pour quelques rares personnages qui ont sem� le ou�-dire depuis des ann�es, cette arrestation a �t� conclue � la suite de la �tra�trise� de Chergui qui avait �t� responsable politique de la Zone autonome d�Alger et agent de liaison du CEE�. Dans leurs ouvrages, les historiens consignent son nom en gras m�me s�ils connaissent tr�s peu de choses sur ses activit�s de militant. Tous croient savoir que c��tait un �tudiant alors que Brahim n�a jamais int�gr� l�universit� en relation directe avec Abane Ramdane, Benkhedda, Dahleb, Ben M�hidi, Chergui �tait bien inform� en mati�re d�armements en provenance du Maroc, de refuges, de bo�tes aux lettres, de militants � la t�te des trois r�gions politiques... Pas un renseignement livr� � l�adversaire. Pas un militant auquel il a �t� confront� devant les tortionnaires n�a r�v�l� une attitude d�plorable de la part de Chergui. Dans un t�moignage publi� il y a quelques ann�es dans la revue du Centre national d��tudes historiques, le d�funt Ben Youcef Benkhedda (membre du premier CEE) a r�agi aux calomnies en �crivant (page 129) : �Je l�affirme avec la plus ferme certitude, Chergui ne savait o� se cachait Ben M�hidi, pas plus avant que pendant la gr�ve des 8 jours, et encore moins apr�s.� En page 131, Benkhedda, tr�s cat�gorique, souligne qu��� aucun moment, cet homme qui s�est acquitt� loyalement de ses obligations envers l�organisation, n�a fourni � ses bourreaux les adresses des appartements et pied-�-terres o� j�avais l�habitude de le rencontrer et, moins encore, ne les a convoy�s � travers ces m�mes adresses�. Pourquoi alors de telles calomnies ? Pourquoi Brahim Chergui s�est-il suffi de roter ces derni�res sans r�agir ? Jusqu�� ce jour encore, les nostalgiques de l�Alg�rie fran�aise alli�s aux sp�cialistes de l�intox ne d�sarment pas sur le terrain de la d�sinformation. R�cemment encore, lors du proc�s en diffamation que lui a intent� le militante Louisa Ighilahriz, le g�n�ral Maurice Schmitt chef d��tat-major des arm�es fran�aises et tortionnaire � l�ex-�cole Sarrouy, selon les t�moignages de ses victimes rescap�es, assimilait face aux magistrats les r�sistants alg�riens � des �criminels�. Lors de ma rencontre avec le g�n�ral Bigeard, celui-ci reprochait aux Alg�riens (lire annexe) d�avoir �mis dehors les pieds-noirs�. La bleuite a la peau dure (...). Je voulais savoir davantage. Alors, j�ai d�cid� de rencontrer Brahim Chergui. Ainsi donc, l�arrestation de Larbi Ben M�hidi vous int�resse... Venez parl�, je vais vous montrer quelque chose, propose Brahim Chergui qui nous re�oit dans sa demeure � Kouba. Lui aussi, il n�a pas �t� ais� de le retrouver. Happ� par l�anonymat, cet octog�naire s�est totalement retir� de la vie politique depuis 1962. A vrai dire, rien n�a �t� fait pour l�y ramener ainsi que ses compagnons de militantisme tels Sid-Ali Abdelhamid, Mahfoud Belouni, Hachem Malek, Mohamed Sahraoui, Abderrahmane Baha et autres �politiques� de la Zone autonome d�Alger qui se sont jou�s de la 10e division parachutistes command�e par Massu. Qui par une �vasion spectaculaire, qui par une r�sistance infaillible face � leurs tortionnaires... Aujourd�hui, ce sont des anonymes inconsid�r�s et par l�histoire officielle � qui conna�t Brahim Chergui ou Sid-Ali Abdelhamid ? � et par ceux qui prennent le soin et la pr�caution de ne pas les inviter aux comm�morations officielles. De quelques organisateurs, ils sont la mauvaise conscience... Bien malin se croyait celui qui nous a d�courag�s de nous entretenir avec Brahim Chergui. �C�est un malade�, pr�tendait-il. Entendre par-l� une sorte d�affabulateur. Loin de cela, l�homme s�exprime preuves � l�appui. Il insiste dans ses d�monstrations comme s�il craignait de ne pas �tre cru. Il traverse le salon en nous dirigeant vers un mur sur lequel est accroch�, comme une toile exceptionnelle, une photo embellie par un encadrement rustique. Celle du chahid Larbi Ben M�hidi menott� et entrav�, entour� de deux parachutistes et aux c�t�s d�un Alg�rien. � Voil� Ben M�hidi, semble indiquer Brahim comme s�il s�adressait � quelqu�un qui n�a jamais vu le visage fier de ce pur qui avait pr�sid� en ao�t 1956 le congr�s de la Soummam. A peine quelques instants et Brahim pose la question-pi�ge : � Savez-vous qui est l�homme qui se tient aux c�t�s de Ben M�hidi ? La question n�est pas embarrassante et je r�ponds instinctivement : � C�est, para�t-il, celui qui a permis l�arrestation de Ben M�hidi. Il a donn� l�adresse de son refuge aux parachutistes. Certains disent que c�est un tra�tre. Imperturbablement. Sereinement. Peut-�tre m�me par provocation ou d�fi, Brahim me fixe et me lance : � Ce �tra�tre� comme vous dites, c�est moi. Interloqu�. Ebahi. Confondu. Je viens de faire insulte � un octog�naire qui me re�oit chez lui. J�aimerais que le sol se fende pour m�y engouffrer (...) Brahim comprend que je suis g�n�. Rouge de honte. � Ne vous en faites pas. J�ai pris l�habitude de ce genre de r�flexions. Cela dure depuis mon incarc�ration � la prison de Serkadji en 1957. Des individus sans honneur, sans principe ont voulu se venger de moi parce que je ne voulais pas qu�ils salissent la R�volution. Jamais je n�ai voulu r�pondre � leurs calomnies. Mais aujourd�hui cela ne peut plus continuer. Ma fille, mes fils m�ont exig� de r�pondre � ces attaques... Lorsque je militais dans le mouvement national, mes pourfendeurs faisaient dans le prox�n�tisme � La Casbah. C�est tellement sale que je me suis abstenu de parler. Aujourd�hui, la goutte a d�bord�... Brahim ne s�exprime pas ainsi, il se �vide�. Offens� devant sa famille, touch� dans son amour-propre, meurtri dans son �me, g�n� face � ses compagnons de lutte qui lui vouent estime et consid�ration en se rassemblant chaque jeudi autour de lui au caf� Tlem�ani, il s�exprime cr�ment : � Mes calomniateurs all�guent depuis 1957 que j�ai donn� aux parachutistes de Bigeard l�adresse du refuge de Larbi Ben M�hidi. C�est faux, Ben M�hidi a �t� arr�t� avant moi le 23 f�vrier 1957 et moi le lendemain le 24 f�vrier 1957. Par cons�quent, je ne pouvais ni le d�noncer ni donner son adresse. D�ailleurs je ne savais m�me pas o� �tait situ� son refuge... Qu�on aille lire mon proc�s-verbal d�audition toujours disponible dans les archives de la DGSN. M�me pas deux pages. Pourtant, je connaissais beaucoup de secrets. Je n�ai divulgu� ni noms ni adresses, aucune accusation, aucun aveu. Pour essayer de me faire parler, les parachutistes m�ont confront� � des responsables et des militants, il n�y en a pas un que j�ai d�nonc� ou accabl�. Nous, militants de la premi�re heure, avons �t� form�s pour r�sister, pour donner nos vies sans succomber. Un responsable doit donner l�exemple et ne jamais accabler ses subordonn�s... Allez consulter Allaire, il vous dira si je suis � l�origine de l�arrestation de Ben M�hidi. Je le ferai quelques semaines plus tard. Exactement en octobre 2002. Gr�ce � son maison d��dition parisienne, j�arrive � joindre Marcel Bigeard �le militaire le plus d�cor� de France� qui me re�oit � Toul, pendant huit heures, en pr�sence de son �pouse (lire l�interview). Celui-ci me fournit les coordonn�es t�l�phoniques du colonel Jacques Allaire. Formel et cat�gorique, il souligne que �Chergui n�a rien � voir avec l�arrestation de Larbi Ben M�hidi�. Il sera d�ailleurs plus loquace que Bigeard lequel pr�f�re se cacher derri�re ses livres. �Tous les d�tails sont dans mes livres�, m�indiquera-t-il (...). Le t�moignage de Brahim Chergui [�] Quelles responsabilit�s assumiezvous au moment de votre arrestation ? J��tais d�j� responsable de fait de l�Organisation politique d�Alger avant qu�elle ne devienne zone autonome d�Alger apr�s les d�cisions du Congr�s de la Soummam. A mon arrestation, j��tais le responsable politique de la Zone autonome d�Alger et j�assumais des responsabilit�s militaires en mati�re de groupes de choc, de r�ception d�armes en provenance du Maroc, de liaisons avec les wilayas, etc. Comment avez-vous �t� d�sign� � ces responsabilit�s ? J�ai �t� d�sign� par le Congr�s de la Soummam qui avait d�sign� � l��poque le Comit� de coordination et d�ex�cution, CCE, lequel avait proc�d� � la d�limitation des wilayas et � la cr�ation effective de la Zone autonome d�Alger. [�] Dans quelles circonstances avez vous �t� arr�t� ? J��tais recherch� depuis fort longtemps, quasiment depuis 1948 apr�s les �lections � l�Assembl�e alg�rienne. J��tais recherch� aussi durant 1953 alors que j�assumais les fonctions de responsable de la wilaya de Constantine. J��tais aussi recherch� � cause de mes activit�s dans l�OS dont j��tais le responsable dans le Nord constantinois et dans l�Oranie. J��tais pratiquement tout le temps recherch�. A Alger, j��tais vainement recherch� mais j��tais inconnu. Le police ne d�tenait aucune trace de moi ni photos, ni curriculum � J��tais tout le temps recherch� sous diff�rents pseudonymes dont le dernier �tait �Ahmida�. J�ai �t� arr�t� le dimanche 24 f�vrier 1957. J�avais rendezvous avec un responsable de l�UGTA. C��tait vers midi, dans un restaurant situ� � la rue des Tanneurs. C��tait ce responsable qui avait ramen� les parachutistes de Bigeard lesquels m�ont arr�t� au restaurant. Donc vous avez �t� d�nonc� ? Oui, j�ai �t� d�nonc� sinon jamais je n�aurais �t� arr�t�. Les parachutistes m�ont emmen� dans une villa du quartier la Scala pr�s d�El-Biar. D�s mon arriv�e, les tortures ont commenc�. Les s�ances de tortures se r�p�taient sans r�pit. J�ai �t� tortur� � mort. La g�g�ne, l�eau. C��tait atroce. Le plus insupportable c��tait l�eau lorsqu�ils me faisaient immerger la t�te. C��tait r�current et insupportable. J�ai fini par perdre connaissance. Mon c�ur �tait d�faillant � J�ai soudain entendu quelqu�un dire : �Arr�tez, �Arr�tez�. Plus tard j�ai su que c��tait le lieutenant Allaire Qui vous appliquait les tortures ? Je ne connaissais pas leurs noms. Larbi Ben M�hidi �tait-il parmi vous ? A ce moment-l�, je ne l�avais pas vu � Apr�s, je l�ai rencontr�. Est-ce que les parachutistes savaient qui vous �tiez ? Ils savaient que j��tais Ahmida. J��tais recherch� sous ce pseudonyme. Mais ils ne savaient pas que j��tais Brahim Chergui. Ils ignoraient absolument mes responsabilit�s et mes activit�s pr�cises. Et ensuite � C��tait atroce. J�ai perdu connaissance � Je me suis r�veill� nu, sur un lit de camp, avec une couverture mise sur moi, je haletais, j�ai vomi beaucoup de bile� Puis les parachutistes m�ont reconduit au bureau du lieutenant Allaire pour y �tre interrog�. L�, j�ai subi l��lectricit� dans les parties intimes, aux oreilles � C��tait le lieutenant Allaire qui vous torturait ? Lui et ses compagnons. Avant de subir ces tortures, ils m�ont laiss� seul apr�s un lavage de cerveau. Je me suis fait passer pour un �l�ment quelconque. Un civil de la DST �tait venu m�interroger. J�ai r�pondu que j��tais un pauvre bougre qui a �t� tromp� puisqu�on a abus� de ma bonne foi. J�ai pr�tendu que je devais remettre une lettre que m�avait donn�e Benkhedda et destin�e � quelqu�un d�autre. Cela m�a sauv� en persistant dans cette d�claration. Qui vous torturait pr�cis�ment ? Le lieutenant Allaire ? Allaire ne torturait pas. Il donnait des ordres. Il y avait une �quipe qui exer�ait les tortures. Ce civil de la DST m�avait cit� tous les pseudonymes que j�avais utilis�s tout au long de mes activit�s militantes ; il m�a m�me d�clar� que j��tais responsable de l�Organisation d�Alger depuis plus de neuf mois ; que mon pseudonyme �tait Ahmida, etc. A cet instant, j�ai compris que les parachutistes et la DST savaient tout. Il ne me restait qu�� mourir sans avouer afin d��viter d��tre confront� aux autres militants. J�ignorais � quoi allaient aboutir ces interrogatoires. Apr�s le d�part de cet �l�ment de la DST, Bigeard �tait arriv� avec un capitaine. Le lieutenant Allaire les accompagnait. Ils m�ont bien fix� et regard� sans dire un mot. Apr�s leur d�part, Allaire a commenc� � m�interroger. C��tait un interrogatoire qui m�a permis de comprendre certaines choses. Allaire a tir� de son tiroir un document contenant l�aveu d�un militant, Abdelmadjid Bentchicou, qui avait d�clar� que je lui avais remis une enveloppe contenant de l�argent. Cela m�a permis de comprendre qu�il n�y avait aucune collaboration entre la DST et l�arm�e, � vrai dire, chacun d�eux travaillait pour soi. Il existait m�me une zizanie entre eux pour des questions de pr�rogatives. La police a essay� de me prendre de chez les parachutistes, elle n�est pas arriv�e � m�extraire. Je pense qu�elle n�a pas remis toutes les donn�es aux parachutistes, d�ailleurs le proc�s a concern� uniquement l�enveloppe que j�avais remise � Bentchicou. Qui �tait avec vous au moment de votre arrestation ? J��tais seul. Au PC de Bigeard, � la Scala, j�ai �t� mis seul dans une cellule. Puis, apr�s les interrogatoires, les parachutistes m�ont mis dans une cellule avec le bachagha Boutaleb. Il y avait aussi un individu qui portait la veste de Hachemi Hamoud. Hachemi Hamoud �tait un militant de l�ind�pendance nationale qui est mort sous les tortures. Par cette veste, j�ai compris que Hachemi �tait mort et que cet individu �tait une �taupe�. En me mettant avec lui, les parachutistes ont cru que j�allais me confier � lui, que j�allais parler de mes activit�s. Il �tait l� pour recueillir des informations et les rapporter aux parachutistes. Je m��tais tu sans r�v�ler quoi que ce soit. Plus tard, ils m�ont fait changer de cellule. C��tait quelques jours apr�s. L�, dans cette nouvelle cellule, je m��tais rendu compte qu�elle �tait attenante � une autre cellule o� �tait d�tenu Larbi Ben M�hidi. Comment vous �tes-vous rendu compte de sa pr�sence ? Boutaleb recevait de sa famille des couffins de nourriture. Je m��tais permis de lui prendre une bo�te de confiture pour la remettre � Ben M�hidi dans sa cellule � Excusez-moi. Je vous demande dans quelles circonstances vous �tes vous rendu compte de la pr�sence de Larbi Ben-M�hidi ? J�avais vu auparavant Ben M�hidi dans sa cellule. La porte �tait ouverte, il y avait une sentinelle. C��tait lorsque j�avais vu Ben M�hidi dans sa cellule que je m��tais permis de lui prendre une bo�te de confiture. Dans sa cellule, j�ai vu que ses mains �taient menott�es, ses pieds entrav�s. Il y avait dans cette cellule une chaise, une table et un lit de camp � Je lui ai remis la bo�te tout en lui disant : �Tu ne me connais pas, je ne te connais pas. Laissemoi faire�. Nous nous �tions mis d�accord, Ben M�hidi n�a jamais parl� de moi, et moi je n�ai jamais parl� de lui. C�est pour cela que nous n�avons jamais �t� confront�s � Les images film�es qui ont �t� montr�es et qui continuent quelquefois � �tre mont�es dans les cha�nes TV �taient destin�es � pr�parer les esprits � mort. Il y avait l�ordre de tuer tous les responsables FLN arr�t�s. Quelques jours apr�s, les parachutistes m�ont plac� dans une autre cellule o� il y avait Bentchicou, Skander, Sifaoui, et Saber Cherif. Les parachutistes savaient bien ce qu�ils faisaient, car certainement parmi notre groupe, il y avait quelqu�un qui les renseignait. Ils m�ont mis avec le groupe car ils croyaient que j�allais m��pancher, parler avec mes compagnons. J�ai adopt� une attitude de r�serve. Je n�avais confiance en personne. Durant tous les jours pass�s avec ce groupe, je m��tais abstenu de parler � Les parachutistes n�ont pas su qui j��tais exactement. Je me faisais passer pour un bougre � J�ai m�me contest� le pseudonyme de Ahmida � Je subissais sans arr�t les tortures, je n�en pouvais plus. C��tait le calvaire. Je ne pouvais plus supporter les tortures. Ils n�ont emmen� chez un m�decin. Au cours des soins, celui-ci s�est �tal� en discussion avec moi. Il m�a interpell� sur notre combat, sur notre r�volution. Le m�decin pr�tendait que notre guerre d�ind�pendance �tait inspir�e par Djamel Abdennacer. Je lui ai r�pliqu� que je n�avais rien � faire avec Djamel Abdennacer et que notre pays �tait beaucoup plus tourn� vers l�Occident que vers l�Orient. J�ai emprunt� � Ferhat Abbas une phrase pour lui dire qu�il nous est plus facile de traverser la M�diterran�e que le d�sert de Libye. Certainement que ce m�decin a pens� que j��tais r�cup�rable alors il a exig� d�Allaire de ne plus me torturer. Il l�a m�me pr�venu qu�il ne me soignerait plus au cas o� je serais tortur� une nouvelle fois. Au retour, ils m�ont plac� seul dans une cellule. L�, j�ai appris que j��tais corv�able, c�est-�-dire la mort. J�attendais la mort. Un jour ils ont mis avec moi deux personnes, soi-disant deux militants de Boufarik, pour me faire parler. Je leur ai dit que j��tais un simple citoyen sans dimension aucune que j�allais �tre tu� pour rien, que j�allais laisser une femme et quatre enfants qui ne connaissaient m�me pas � Alger, j�avais laiss� une consigne � Skander, � Sifaoui, pour faire part � A�ssat Idir, qui �tait au camp, que ma famille �tait seule. Mes compagnons Skander, Sifaoui, Bentchicou, Saber Cherif, et Bouayed, l�ophtalmologue devaient �tre transf�r�s dans un camp. Je leur avais demand� de dire � A�ssat Idir, que j�a llais �tre ex�cut�. Je suis rest� dans la cellule de la Scala jusqu�au jour o� les parachutistes m�ont mis dans la cellule de Larbi Ben M�hidi. C�est le lieutenant Allaire qui m�a plac� dans cette cellule tout en exigeant de moi que je lui remette les archives de l�Organisation. �Les archives sont en ta possession� m�at- il affirm�. Je ne sais pas qui le lui a r�v�l�. �Je sais que tu as les archives. Sinon, ce soir tu y passeras� m�a laiss� entendre Allaire. J�avais compris que j��tais sur le point d��tre ex�cut�. Je me demandais qui a attir� leur attention sur les archives que je poss�dais. C�est vrai qu�en tant que responsable je disposais d�archives cach�es dans diff�rents lieux et entre autres dans l�appartement de Abdelmadjid Bentchicou. A vrai dire, � son arrestation, j�y ai retir� toutes les archives constitu�es de photos, de cachets, de documents, etc. A quelle date a �t� arr�t� Bentchicou ? Une vingtaine de jours avant moi � J�ai compris que quelqu�un a parl� de ces archives que je n��tais pas d�cid� � fournir. Mourir pour mourir, il fallait mourir sans succomber. Au sein de l�OS, nous avions appris � r�sister. Nous �tions form�s pour ne pas c�der en cas de tortures. Nous avions appris � avoir une attitude digne, une attitude de responsable qui ne doit jamais �donner� ses subalternes. Un militant a le droit de c�der, mais un responsable, jamais. Que savez-vous sur les circonstances de l�arrestation de Larbi Ben- M�hidi ? Je n��tais pas pr�sent lors de son arrestation. J�ai �t� arr�t� apr�s lui, le lendemain. D�apr�s mon analyse, il a �t� arr�t� par hasard. Les parachutistes �taient � la recherche de Benyoucef Benkhedda. C�est Benkhedda qu�ils recherchaient. Pourquoi Benkhedda ? Je vais vous expliquer. Benkhedda �tait le seul qui s�occupait des locations et des achats d�appartements pour permettre aux membres du CCE (Comit� de coordination et d�ex�cution) d�avoir des refuges dans des quartiers europ�ens. Benkhedda �tait en contact avec un agent immobilier qui travaillait � l�agence immobili�re Zanetaci. Quelques jours avant la gr�ve des huit jours, pour des raisons de s�curit� Ben M�hidi avait quitt� La Casbah. Quelques jours plus tard, Benkhedda lui a c�d� son refuge. Parmi les membres du CCE qui �taient � Alger, Ben M�hidi �tait le seul � ne pas avoir son propre refuge. Je vous pr�cise, par ailleurs, que chaque membre du CCE ignorait les adresses des refuges de ses compagnons. Je vous disais donc que Benkhedda avait c�d� sa planque � Ben M�hidi. Elle se trouvait dans une ruelle pas tr�s loin du quartier Debussy. Je n�ai connu l�adresse de ce refuge qu�apr�s l�ind�pendance contrairement aux all�gations de mes calomniateurs. Ben M�hidi s�y est install�. H�las l�agent immobilier qui avait procur� les appartements � Benkhedda a �t� arr�t� et atrocement tortur�. Il a r�sist� jusqu�au jour o� son fr�re, agent d�assurance, a �t� arr�t� � son tour. Celui-ci �tait mari� � une Europ�enne. Les tortionnaires ont exerc� des pressions sur l�agent immobilier qui craignait que son fr�re et son �pouse soient tortur�s devant lui. Il se faisait passer pour un simple comparse. Sous les tortures, il a r�v�l� qu�il louait des appartements � Benkhedda pour ses amis europ�ens mais dont il ignorait l�appartenance au FLN. Torture apr�s torture, il a livr� la liste des appartements r�cemment lou�s par Benkhedda. Les parachutistes se sont imm�diatement rendus � ces appartements. L�, ils sont tomb�s nez � nez avec Larbi Ben M�hidi. Personnellement je disposais de trois refuges : le premier � Hussein-Dey, le deuxi�me � la place Hoche et le troisi�me �tait l�appartement de Abdelmadjid Bentchicou que les paras n�ont jamais connu. A mon arrestation, j�ai pr�f�r� leur donner mon adresse personnelle � la rue Bourlon, car je devais pr�server les archives. Avant que Benkhedda ne c�de son refuge � Ben M�hidi, nous avions une planque lors de la gr�ve des huit jours � la rue Roosvelt. Nous �tions quatre : Benkhedda, Ben M�hidi, Hachemi Hamoud et moi-m�me. C��tait dans l�immeuble de Zahar Cherif. A la fin de la gr�ve, chacun de nous a rejoint son refuge. Benkhedda s�est donc occup� de Ben M�hidi comme je vous disais. Hachemi Hamoud est venu avec moi � la rue Auber dans l�appartement de Bentchicou o� je l�ai laiss� quelques heures pour aller au centre-ville. A mon retour, il n�y avait personne dans l�appartement. J�ai trouv� d�pos�e sur la table l�enveloppe contenant l�argent que j�avais remise � Bentchicou. J��tais �tonn�. Comme Bentchicou avait un d�p�t de tabac pr�s de son appartement, je m�y suis rendu dans l�espoir d�y trouver Hachemi Hamoud. Surprise. L�, j�ai vu Hachemi Hamoud, Bentchicou et d�autres ouvriers les mains en l�air, le dos au mur. Je suis retourn� imm�diatement � l�appartement pour prendre les archives, les photos, les cachets, etc. Je suis ensuite sorti quelques m�tres plus loin, le quartier �tait infest� de policiers et de parachutistes. J�ai rencontr� Bela�d Abdeslem avec lequel j�avais rendez-vous. D�un signe de la main je lui ai fait comprendre le danger. Il a rebrouss� chemin. Plus loin, je l�ai inform� de ce qui se passait au d�p�t de Bentchicou. Pourquoi aviez-vous rendez-vous avec Bela�d Abdeslem ? Bela�d Abdeslem avait des activit�s militantes en France parmi les �tudiants dont il s�occupait de leur rassemblement et g�rait leurs activit�s. Il m�a envoy� plusieurs �tudiants que j�ai int�gr�s dans notre organisation, parmi eux Ali Lakhdari, Bela�d... La Zone autonome d�Alger �tait la cheville ouvri�re de la R�volution dans tous les domaines sans compter la pr�sence � Alger du CEE. Par cons�quent, j�avais de tr�s nombreuses activit�s, j�avais besoin d��tre second�. Le CEE a fait appel � Bela�d Abdeslem pour me remplacer dans certaines activit�s. J�avais m�me commenc� quelques passations avec lui. Entre autres, je lui ai confi� Zahia Khelfellah qui travaillait � la radio, rue Hoche, o� d�ailleurs elle a pos� une bombe. Comment avez-vous appris que Larbi Ben M�hidi avait �t� assassin� ? J��tais dans une cellule en compagnie de Bentchicou, Sifaoui, Skander et Saber. Chaque fois que Larbi Ben M�hidi �tait entr� dans sa cellule, je l�entendais marcher � cause du bruit de ses entraves. Les parachutistes l�ont fait sortir une fois pour le soumettre au fameux s�rum de v�rit�, ils l�ont remis dans sa cellule vers 1h du matin. Puis, c��tait mon tour. Une fois, en haut dans la villa, j�avais compris qu�ils l�avaient soumis � cette �preuve. Ils m�ont soumis � ce s�rum pour v�rifier si je ne leur avais pas menti. Nous connaissions l�astuce, il fallait se concentrer sur les questions pos�es auparavant (...). Mon retour � la cellule, ils avaient constat� une grande pr�sence de policiers venus nous filmer. Les images ont �t� film�es peu apr�s le s�rum de v�rit�. Contrairement aux images, je n�ai jamais �t� c�te � c�te avec Ben M�hidi. Ben M�hidi se trouvait dans le couloir contre le mur, et moi j��tais contre l�autre mur, nous �tions l�un en face de l�autre. J�ai souvenance que j��tais fatigu� des tortures, je ne pouvais plus rester debout aussi je me suis affal� sur le sol. Ben M�hidi leur a lanc� � la figure : �Pourquoi l�avez-vous r�duit � un �tat inhumain... Rappelezvous de la tan�e que vous nous avez donn�e au Djorf....� Apr�s la s�ance de cam�ra, ils m�ont fait descendre � la cellule, Ben M�hidi �tait derri�re moi. Le lendemain ou le surlendemain, j�ai relev� que la villa �tait devenue un tribunal. Ben M�hidi a �t� extrait de sa cellule et emmen� � l��tage sup�rieur o� il y avait Bigeard. Nous entendions des cris, des propos tr�s forts. Les sentinelles nous avaient dit qu�il y avait l� Massu, Bigeard et Max Lejeune. J�ai d�duit qu�il s�agissait d�une cour martiale clandestine venue juger Ben M�hidi. Je pr�cise qu�on avait demand� � Ben M�hidi de rencontrer Lacoste. Ben M�hidi avait refus�. Devant leur insistance, Ben M�hidi leur a dit : �Si vous m�amenez de force, je n�ai pas le choix. De mon propre gr�, je n�ai pas � voir Lacoste, parce que dans notre �ducation, il ne faut jamais rencontrer l�ennemi seul. Il faut au moins �tre deux.� Qui vous a rapport� ces propos ? Ben M�hidi lui-m�me. Durant la nuit, il a �t� ramen� dans sa sellule. Le lendemain, Ben M�hidi a �t� pris, je ne sais pas o�. C��tait l�apr�s-midi. Deux ou trois heures apr�s, le lieutenant Allaire a fait irruption dans la cellule o� il y avait avec moi Saber, Bentchicou, Sifaoui et Skander. Allaire �tait en tenue de combat, le pistolet � la hanche. Il �tait constern�, �mu, pas du tout dans son assiette. Il s�est adress� � moi en ces termes : �Ahmida, avez-vous connu Ben M�hidi ?� J�ai r�pondu par la n�gative. Alors il a insist� ainsi : �Et autrefois, autrefois ?� �C�est possible�, ai-je r�torqu�. �Quand ? Quand ?�, m�a-t-il demand�. �Dans un camp lors d�un jambor�e peut-�tre, en 1944 � Tlemcen�, ai-je r�pondu. Puis, il m�a remis une montre de la part de Ben M�hidi. J�ai feint l�ignorant. Allaire m�a r�pondu ainsi : �Il para�t que cela ne lui sert plus � rien.� Evidemment j�avais compris mais je faisais l�ignorant. Mais j�ignorais le sort de Ben M�hidi... Pour moi, il a �t� fusill�. Pourquoi ? Parce que la consternation d�Allaire voulait tout dire. Il s�est m�me affal� par terre. Il �tait tr�s touch�. Pour moi, c�est lui qui a donn� le coup de gr�ce en tirant sur la t�te de Ben M�hidi. D�ailleurs plus tard on a parl� d�impacts de balles � sa t�te et sur son corps. Pour moi, Ben M�hidi a �t� fusill� (...) Dans ces circonstances, Aussaresses a menti dans son ouvrage ? Pour moi Aussaresses �tait � la recherche d�un scoop. Jamais je n�admettrais que Ben M�hidi a �t� pendu. De m�me je refute toute all�gation selon laquelle Ben M�hidi a �t� scalp�, tortur�, �trangl� ou pendu. Ben M�hidi est un homme de la r�volution qui a connu les honneurs des armes pr�sent�s par Bigeard. C��tait l�homme de la r�volution qui aurait pu se trouver � la table de n�gociations. �tiez-vous pr�sent au moment o� Bigeard lui a fait rendre les honneurs ? Je n��tais pas un t�moin visuel. Je dis que Ben M�hidi a �t� pris de sa cellule, qu�il a �t� amen� je ne sais o�. Je sais que Allaire est venu, qu�il lui a pr�sent� les armes puisque c�est lui-m�me qui en a parl�.