�On dit d�un fleuve emportant tout qu�il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l�enserrent�, �crivait Bertolt Brecht. Une phrase que devrait m�diter la droite qui gouverne la France mais aussi la gauche qui a �t� longtemps aux affaires. Ces banlieues qui cumulent toutes les discriminations � ch�mage, pr�carit�, in�galit�s, discrimination raciale � sont plac�es depuis le 8 novembre sous le r�gime de l�Etat d�exception, r�activ� par la loi du 3 avril 1955. Une loi �voqu�e par Marine le Pen, trois jours auparavant et que Jacques Chirac entend prolonger de trois mois. Volont� de s�duire l��lectorat d�un Front national galvanis�e par la r�volte des cit�s ? Pour l�extr�me droite, en effet, ces �meutes sont du pain b�nit. Il s�agit d��une guerre ethnique�, a affirm�, sans rire, Jean-Marie le Pen, qualifiant l�immigration de �bombe atomique mondiale�. Certes, lundi soir, le pr�sident fran�ais, dans un style tr�s gaullien, a affirm� que les jeunes des cit�s �sont tous les filles et les fils de la R�publique�, mais il a �lud� la responsabilit� de son gouvernement dans cette crise, notamment cette politique ultralib�rale qui a transform� certaines cit�s de banlieue en quasi-ghettos socio-ethniques, voire pour certaines cit�s � pas toutes cependant comme le pr�tend un certain discours de droite � en des zones de non-droit, comme c�est le cas de ces banlieues des grandes villes am�ricaines. Ce qui para�t s�r, c�est que ceux qui mettent le feu dans les banlieues et sur qui sont braqu�s les projecteurs des m�dias fran�ais et internationaux constituent un peu plus de 10% des jeunes des cit�s. Des lieux o� le taux de ch�mage oscille entre 20 et 30%, soit trois fois plus que la moyenne nationale. Mais ils y sont pr�s de 70% � travailler. Ce qui est r�el �galement, c�est le foss� qui se creuse parmi les jeunes issus de la seconde g�n�ration, les plus �g�s � les 25-30ans � et les moins de 20 ans. Ces derniers sont majoritaires parmi ceux qui mettent le feu aux v�hicules des pauvres, incendient les services sociaux et les �coles. Tandis que chez certains parmi les plus �g�s � et c�est aussi une r�alit� �, la justice du b�ton trouve un certain �cho. Ce qui est vrai �galement, c�est que les islamistes, sur qui comptait Nicolas Sarkozy, pour ramener le calme, sont largement d�pass�s par les �v�nements. Les jeunes r�volt�s ne les ont pas �cout�s et n�ont pas suivi la �fatwa� promulgu�e opportun�ment par l�UOIF (Union des organisations islamiques de France). Car l�, �galement, des apprentis sorciers ont tent� d�islamiser la crise des banlieues fran�aises. On n�a entendu aucun slogan islamiste, voire anti-s�mite, et ce, m�me si l�antis�mitisme verbal est pr�sent dans le discours de nombreux jeunes. Pas plus d�ailleurs que ceux qui ont tent� de mettre le feu � des mosqu�es n�ont r�ussi � transformer ces �meutes en crise de nature ethnico- religieuse. Mieux, sur les murs des cit�s, pas un seul graffiti ne mentionne Ben Laden ou Zarqaoui que ces apprentis sorciers ont voulu pr�senter comme les nouveaux h�ros embl�matiques des banlieues fran�aises. Derri�re ces �meutes � c�est ce qui fait leur singularit� � il y a un ras-le-bol exprimant un profond malaise social. �Sentir qu�on nous donne une chance, qu�on ait au moins cet espoir�, disait l�un d�eux, tel est leur message. Ce cri de d�tresse sera-t-il entendu ? Rien n�est moins s�r. Pourtant, si la violence va en s�att�nuant, ce n�est nullement d� � l�application de mesures s�curitaires s�v�res. Cela t�moigne plut�t d�une nette prise de conscience des habitants des cit�s, notamment de cette g�n�ration des 25-35 ans. Ceux-l� ont compris qu�ils sont fran�ais, qu�ils veulent l��tre � part enti�re et qu�ils n�ont pas d�autre pays de rechange que la France. Alors, ne serait-il pas temps de s�attaquer � la �violence des rives� qui enserrent le fleuve en crue ?