Septembre 1998. Le tout-puissant Betchine perd d�finitivement la �bataille de l��t� et Liamine Zeroual, impuissant, abdique. Dans un discours historique, il annonce sa d�mission et l�organisation d�une �lection pr�sidentielle anticip�e � laquelle il ne participera pas. C�est la fin d�une �poque et ce sera � l�ex-parti unique, le FLN, d�annoncer la couleur. Nous sommes en d�cembre 1998 et, d�j�, le comit� central choisit son �cheval�, le bon donc, pour l��lection du 15 avril 1999. Tout le monde avait all�grement compris que le FLN a �t� charg� de la mission de soutenir et de promouvoir �le candidat du consensus�. Un nom, tout droit sorti des archives du r�gime, �touffe d�j� le champ politique et dissuade bien des candidatures : Abdelaziz Bouteflika. Mme Fatiha Boudiaf, ayant r�ussi � �vendre� le candidat aux d�cideurs, l�investiture de Bouteflika n��tait plus, d�s lors, qu�une question de temps. Et �l��lection� du 15 avril 1999, plus qu�une formalit�, g�ch�e toutefois par le retrait, le 14 avril 1999, des six autres candidats concurrents (Hamrouche, A�t Ahmed, Sifi, Taleb, Youcef Khatib et Abdallah Djaballah). L��lection se d�roulait ce 15 avril donc que les Alg�riens commencent � d�couvrir le personnage. A la sortie du bureau de vote o� il accomplissait son devoir, Bouteflika, manifestement contrari� par le retrait des autres, d�clarait en direct � la t�l�vision : �Si je n�obtiens pas la majorit� du peuple alg�rien, je rentre chez moi et je les laisse � leur m�diocrit� !� Il aura fallu tout le poids du patron des services, dans l�apr�s-midi, pour remettre les choses en place. Mais la phrase fracassante trahissait une franche admiration de Bouteflika pour de Gaulle. Un trait de caract�re que l�on retrouvera tout au long de son r�gne. Mal �lu, malgr� �les 65%�, Bouteflika entame n�anmoins son mandat comme aucun autre avant lui. Le dossier portant r�gularisation de la situation de millions d�Alg�riens vis-�-vis du Service national lui sera confi�. Le projet de loi sur la concorde civile aussi. L�ex-ministre des Affaires �trang�res de Boumediene, un myst�re pour la majorit� des Alg�riens, se lance quant � lui dans une campagne de s�duction pour le moins in�dite. Les Alg�riens, stup�faits, d�couvrent ainsi un pr�sident qui parle abondamment, avec le langage que tout le monde comprend et qui, en prime, dit les choses crues et sans tabous. Il multiplie les meetings, les sorties, les interviews. Il ouvre tous les chantiers que seul Boudiaf avait os� avant lui : les r�formes de l��cole, du code de la famille, de la justice, de l�Etat, combat contre la corruption, etc. L�Alg�rie d�mocratique et moderniste a enfin un porte-parole, au plus haut niveau de la hi�rarchie politique en plus. Une premi�re depuis l�ind�pendance, le passage �clair de Boudiaf mis � part. L��t� 1999 constituera un v�ritable d�clic pour un pays plomb� par des d�cennies de corruption, de dictature et de crise �conomique, de d�magogie et d�un terrorisme d�une sauvagerie inou�e. Bouteflika dira tout haut ce que tout le monde pensait tout bas. Il interpelle publiquement et vertement la gendarmerie, les douanes, les walis. En juillet, il d�complexe tout un pays en �changeant une poign�e de main historique avec le Premier ministre isra�lien Ehud Barak qu�il rencontra � l�occasion des obs�ques du roi du Maroc, le d�funt Hassan II. A cet effort �discursif� et une authentique campagne de charme, Bouteflika s�ajoute un v�ritable pl�biscite � l�occasion du r�f�rendum du 13 septembre 1999 portant concorde civile qui finit par compenser le d�faut de l�gitimit� des urnes qui le hantait. N�emp�che, pour la constitution de son gouvernement, il pr�f�re temporiser. �Je veux des hommes d�Etat�, se plaisait-il � r�p�ter. Il a fallu attendre huit mois pour qu�il daigne enfin constituer son propre ex�cutif en confiant la chefferie du gouvernement � Ahmed Benbitour. Un gouvernement qu�il �t�tanise� de suite, toutefois. �Le chef du gouvernement, c�est moi !�, d�cr�ta- t-il lors d�un entretien t�l�vis�. �Monsieur Rahabi, je vous informe qu�� partir d�aujourd�hui, le ministre de la Communication, c�est moi !�, lan�a-t-il en ouverture d�un Conseil des ministres au ministre �officiel� Rahabi, limog� sur-le-champ. �Je suis le v�ritable r�dacteur en chef de l�APS !�, lan�a-t-il encore. Et ce n�est pas tout. Le 12 janvier 2000, quelques heures avant l�expiration des d�lais de rigueur de trois mois accord�s par la concorde civile aux terroristes de se repentir faute de repr�sailles, Bouteflika annonce au JT de 20h sa fameuse �gr�ce amnistiante�, rendant tout simplement caduque la loi sur la concorde civile. En ao�t 2000, contournant le gouvernement, il promulgue l�ordonnance sur la monnaie et le cr�dit. Exc�d�, Benbitour jette l��ponge. Bouteflika en profite pour nommer Belkhadem, un vendredi. La haute hi�rarchie militaire s�y oppose fermement, contraignant Bouteflika � n�offrir � son ami �que� le poste de ministre d�Etat, ministre des Affaires �trang�res. C�est Ali Benflis, pr�c�demment directeur de cabinet du pr�sident et auparavant son directeur de campagne, qui conduira, depuis, le gouvernement. Un gouvernement th�oriquement de �coalition� mais r�ellement enti�rement contr�l� par les �hommes du pr�sident�, ces technocrates non partisans qui d�tiennent les postes-cl�s. Seule l�arm�e �chappe � cette mainmise. Le chef d��tat-major, le g�n�ral de corps d�arm�e Mohamed Lamari, restera pratiquement le seul haut responsable � tenir t�te aux assauts h�g�moniques du locataire d�El Mouradia qui veut tout contr�ler. Tout r�genter. Il nomme et d�gomme � une allure vertigineuse les walis, les chefs de da�ra, les SG d�APC, les directeurs des grandes soci�t�s, des banques, des m�dias, etc. Les fonctionnaires, � tous les niveaux, vivent constamment la peur au ventre. Seule l�ANP gardait, un tant soit peu, de stabilit�. Une stabilit� qui lui a permis de poursuivre la lutte antiterroriste dans une ambiance de concorde pourtant �d�sarmante� et d��viter soigneusement de tomber dans le pi�ge de la crise de Kabylie. Ainsi que celui, deux ann�es plus tard, du fameux �mouvement de redressement du FLN�. Un �mouvement� inspir� et command� par l�entourage de Bouteflika pour faire avorter la candidature de Ali Benflis � la magistrature supr�me. Tous les segments du pouvoir ont �t� mobilis�s pour cette entreprise, � l�exception de l��tat-major de l�ANP. Le 5 mai 2003, Bouteflika limoge Benflis et le remplace par Ahmed Ouyahia � la t�te du gouvernement. Un gouvernement dont la composante est majoritairement recrut�e au sein de ce m�me �mouvement de redressement�, en cours de route. Un message fort de Bouteflika qui assuma, ainsi, �le mouvement�. Depuis mai 2003, l�Alg�rie ne vit pratiquement que sous une campagne �lectorale �muscl�e� pour un second mandat de Abdelaziz Bouteflika. Pr�sident-candidat, l�homme engage de colossaux moyens dans la bataille, et toute la client�le traditionnelle du r�gime est convoqu�e � s�aligner derri�re. R�sultats : un score � la �tiers-mondiste� de 85% et un deuxi�me mandat entam�, d�s le 8 avril dans une euphorie hyst�rique. Les �soutiens� z�l�s appellent carr�ment � bannir tous ceux qui n�ont pas soutenu Bouteflika. Et Bouteflika ira jusqu�� orchestrer un in�dit remaniement � la t�te de... l�Assembl�e populaire nationale. Karim Youn�s, pour �d�lit� de soutien � Ali Benflis, sera quasiment limog� pour se voir remplac� par l�ancien pr�sident des comit�s de soutien au pr�sident, Amar Sa�dani. L�arm�e aussi change de mains � la faveur de la d�mission du chef d��tat-major, Mohamed Lamari, le g�n�ral-major Ga�d Salah prend le relais. Plus que jamais, Bouteflika r�gne sans partage sur le pays. Et comme un message et une sorte de d�monstration de force, Mohamed Benchicou est emprisonn� d�s le 14 juin 2004 et son journal, l�incisif Le Matin, sera ferm� quelques semaines plus tard. La presse est redress�e, les partis d�opposition m�pris�s. L�Alg�rie tout enti�re est r�duite � applaudir, sans rechigner, son guide...