Ils partagent la pitoyable r�putation de falots en politique aux itin�raires marqu�s par l�irr�solution, pourtant ils sont ind�boulonnables � leurs postes. L�un est ministre de la R�publique et l�autre primat du syndicat officiel. En additionnant grossi�rement leurs carri�res, ils totalisent, � deux, un quart de si�cle de �visibilit� � politique. Mais ce que retient l�opinion de leurs images n�est gu�re avantageux. Car, en d�pit d�une long�vit� qui aurait d� bonifier quelques faits d�armes, ils ont fini par illustrer l��chec. L�un et l�autre, ou pour mieux dire, l�un �comme� l�autre ne seraient donc que les deux faces d�une m�me imposture alg�rienne : celle qui bricole des destins avec des existences quelconques. Pour l�un ce sera le portefeuille de l�instruction publique, avec toute sa charge solennelle consistant � organiser le devenir des g�n�rations en herbe ; alors que pour l�autre, il avait suffi de congr�s pr�fabriqu�s, pour le porter par deux fois � la responsabilit� du monde du travail. C'est-�-dire l� o� les pr�carit�s sont imm�diatement perceptibles. Le lieu o� se conjugue le pr�sent, se conjurent les menaces et s�expriment les r�sistances. H�las ni l�inamovible ministre ni l�in�narrable syndicaliste ne furent � la hauteur des attentes, sauf probablement pour cette �f�e Carabosse� du pouvoir, aux scrupules douteux mais aux exigences certaines. C�est donc sous le signe d�un double avortement des esp�rances que ces deux personnalit�s cheminent � la veille d�un premier mai. L�un pour avoir �t� � l�origine du plus grand nombre de jours d�bray�s dans l�enseignement et l�autre pour pratiquer la politique de l�autruche quand des colonies enti�res de travailleurs �taient livr�es � l�implacable ch�mage. M�me s�ils ne sont pas du m�me bord et n�obtemp�rent pas aux m�mes int�r�ts personnels, leur convergence dans l��chec notoire les rend assur�ment repr�sentatifs de la d�liquescence de l�Etat dans son ensemble. D�abord du c�t� de l��cole, l� o� l�immobilisme est le ma�tre mot pour qualifier une gestion d�cennale catastrophique. En d�pit des diagnostics, les changements qualitatifs ne sont pas au rendez-vous et les r�am�nagements des contenus des manuels scolaires constituent � l��vidence la r�ponse la moins indiqu�e � un v�ritable d�bat de fond. Celui qu�attendent les parents d��l�ves et qu�exigent les p�dagogues. �Quelle �cole pour l�Alg�rie du XXIe si�cle ?� �tait l�interrogation majeure sur laquelle ce m�me ministre, ayant si�g� dans au moins trois gouvernements, aurait d� travailler. Or, de conf�rences en �tats g�n�raux et de grandes commissions p�dagogiques en symposium pour gestionnaires, dix ann�es scolaires se sont �coul�es sans que l�on ait l�impression et encore moins une id�e de ce qui a v�ritablement chang� dans cet enseignement. L�enjeu de la refondation de l��cole publique, devenu depuis les ann�es 90 une affaire d�Etat, combien de fois a-t-on recouru � des subterfuges pour se h�ter �lentement� et combien de fois ces m�mes pouvoirs publics ont eu l�audace de d�cr�ter qu�elle a abouti ? Les contrev�rit�s politiques, qui sont l�autre nom de la d�magogie, �taient chaque fois rattrap�es par la r�alit� du terrain. Et c�est cela qui ajoute au d�senchantement des parents, la col�re justifi�e des enseignants. Unanimement, le pays ne cesse d�appeler � la mise � niveau des programmes et des m�thodes mais �galement � faire plus attention � la dignit� des enseignants. En vain, les rentr�es scolaires autant que les p�riodes d�examens se succ�dent et se concluent sur les m�mes constats. Or, le pire dans cette situation est la propension � recourir au statu quo bureaucratique, tout en faisant accroire que l��cole �change en bien�. Ainsi, il n�est rien de plus pernicieux que d�entretenir cette dangereuse hypoth�que parce qu�il y va du confort des carri�res et de leur remise en cause. En se d�faussant gr�ce � quelques retouches techniques tout en pr�tendant qu�elles accompagnent le travail foncier du changement de l��cole, l�on joue aux apprentis sorciers, dans un domaine qui n�aurait jamais d� souffrir la moindre h�r�sie. L�emballage des �trains de mesure� se chargeant du reste. C�est-�-dire le mensonge d�Etat. Bien plus qu�une faute d�un pouvoir, otage des lobbies hostiles au remodelage, c�est d�j� un crime par anticipation que l�on commet sur les g�n�rations futures. En effet, quand tous les sp�cialistes s�accordent sur l�urgence de la rupture avec un syst�me �ducatif ravageur et qu�il n�y a plus de temps ni de raison pour continuer � louvoyer que r�pond le centre de d�cision ? Rien, sinon en mettant sous le coude les travaux des p�dagogues, en m�prisant les enseignants et en battant le rappel des vieux promoteurs d�une �cole fortement id�ologis�e et �excluante� dans ses modalit�s. A grands traits c�est ce � quoi se r�sume le bilan d�un minist�re de la honte dont la seule p�dagogie politique consiste � faire de l�instituteur et du professeur des gibiers de potence. Si cette p�le copie du grand Jules Ferry, auteur magistral de la �Lettre aux instituteurs�, peut plaider sa cause au nom de la �discipline� gouvernementale, il en va autrement de l��lu syndical qui a fait �joujou� de ses mandats. En effet, � quoi lui servent, en tous lieux, les d�n�gations, lorsqu�en tout �tat de cause les pr�con�us politiques accr�ditent les soup�ons et alimentent les r�quisitoires � son encontre aussi bien qu�� l��gard de l�ex�cutif ? C�est dans cette inconfortable position que se retrouve l�UGTA qu�il dirige et qui est somm�e aujourd�hui de s�expliquer sur cette capitulation rampante qui la d�connecta de sa vocation � partir de f�vrier 2001, date de la derni�re gr�ve g�n�rale. En cinq ann�es, la condition ouvri�re et salariale n�a-t-elle pas connu une d�t�rioration comparable � celle qui pr�valait sous la colonisation ? Alors que l�agressivit� du lib�ralisme �conomique pr�n� par le Bouteflikisme lui fournissait le contexte id�al pour se d�marquer, en durcissant les prises de position syndicales afin de contraindre le r�gime � la mesure, qu�a-t-il fait ? Il s�est couch� au nom d�on ne sait quel syndicalisme responsable ! Au motif surr�aliste que son syndicat serait en possession de �bon� barom�tre social n�essuya-t- il pas les plus cinglants d�mentis par des gr�ves spontan�es ; qu�on eut l�impudence s�mantique de qualifier de �sauvages� avec tout ce que le vocable connote ? Et n�a-t-il pas suscit� quelques �motions chez de respectables pr�d�cesseurs qui ne comprenaient pas que l�on p�t revenir � la caporalisation du parti unique quand dans ce pays se levait un vent de libert� ? Le parrainage du pouvoir �tait bien pr�sent et trop pesant pour le nier, mais Sidi Sa�d avait de solides possibilit�s pour s�en pr�munir. Il ne le fit pas. Comme on s�en doute, lui r�fute ces inf�mantes assertions et s�indigne qu�on le prenne pour une marionnette. H�las, pour sa gouverne, il n�est cru qu�� moiti�. Or, la situation est suffisamment grave pour ne pas admettre avec lucidit� que le syndicalisme alg�rien a besoin de retrouver son ind�pendance combative entrevue de 1988 � 2001. Pour ce faire il est appel� � se doter d�une nouvelle �thique militante, loin des accointances et � l�abri de l�instrumentalisation afin de ne se laisser juger que sur sa capacit� � �tre repr�sentatif. En 2006, il est loin de satisfaire � ces pr�alables. Il serait m�me assimil�, par les courants autonomes, � un relais du pouvoir qui le r�mun�re en qualit� de �pompier� ! Est-elle excessive l�accusation ? S�rement pas, car, � aucun moment, son secr�tariat ex�cutif n�est parvenu � convaincre du contraire, s�impliquant avec une l�g�ret� coupable aux c�t�s du pouvoir et accordant des quitus � certains choix politiques, il a fini, non seulement, par d�sesp�rer plus d�un salari� syndiqu�, mais surtout � le pousser � r�pudier cette mythique centrale. Il est vrai que les charrettes du ch�mage, le d�mant�lement industriel et le bradage des branches strat�giques (la loi sur les hydrocarbures), portent �galement la signature de cette direction de l�UGTA. La ligne qui s��tait dessin�e � partir de 2004 ne pouvait qu�alimenter les craintes de l�effondrement de cette organisation. Ce que souhaitaient justement les technocrates � l��uvre. En effet, r�duite � de tristes tergiversations, parce que per�ue comme un appendice du gouvernement, cette union-l� est d�sormais la feuille de vigne pour cacher pudiquement les options lib�rales d�un r�gime en phase avec les transnationales. Sidi Sa�d peut-il encore se pr�valoir d�avoir impos� un seul point de vue sur les d�nationalisations majeures ? Si cela avait �t�, les travailleurs de secteurs concern�s l�auraient su et appr�ci�. Aujourd�hui, l�UGTA est devenue un lamentable cheval de Troie du clan qui gouverne. Orpheline de base syndicale, seule capable de lui donner une �profondeur�, elle s�accroche d�risoirement � un statut, gr�ce auquel survivent des syndicalistes �perdus� pour la cause, comme on dit tristement des �soldats perdus�. En un mot : des errements. Sidi Sa�d � beau s�expliquer, il ne convainc plus� Il en est de m�me du ministre de l�instruction, Benbouzid, dont l��loquence a la pauvret� de la langue de bois. L�un comme l�autre ont r�ussi leur carri�re personnelle, mais ont fait �chouer un pays.