En 1977, Zbigniew Brzezinsky, conseiller � la S�curit� nationale du pr�sident des des Etats-Unis, Jimmy Carter, imaginait la strat�gie de la �Ceinture verte� (Green Belt), concept destin� � opposer l�islamisme au communisme sovi�tique pr�sent� comme la principale menace pour les int�r�ts am�ricains. Selon cette th�orie, les Etats-Unis avaient int�r�t � aider les mouvements islamistes � prendre le pouvoir dans les pays arabes et musulmans �chappant � son contr�le � Irak, Syrie, le Yemen du Sud, le Pakistan d�Ali Butho� � et � aider les moudjahidine afghans contre le r�gime pro-sovi�tique de Najibullah. Onze ans plus tard, en 1998, en r�ponse � une question du Nouvel Observateur, lui demandant s�il ne regrettait pas que la strat�gie de la Ceinture verte ait favoris� �l�int�grisme islamiste�, il se f�licitait de son succ�s en ces termes : �Qu�est-ce qui est le plus important au regard de l�histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l�empire sovi�tique ? Quelques excit�s islamistes ou la lib�ration de l�Europe centrale et la fin de la guerre froide ?� (1). En pr�s de trente ann�es, les �quelques excit�s islamistes � ont fait du chemin. Durant les ann�es 80 et 90, l�islamisme radical s�est d�velopp�, structur� et est pass� � l�action sur ces nouvelles terres de djihad constitu�es par l�Egypte, la Bosnie et, surtout, l�Alg�rie, avant de conna�tre un relatif d�clin, vite combl� par le retour en force de l�Islam politique. Ce dernier a compris que la prise du pouvoir par la violence n��tait plus possible. Aussi s�est-il attel�, sous la direction de ses penseurs les plus fut�s, tel Tarik Ramadan, � reformuler la probl�matique islamiste du rapport du religieux au politique o�, par exemple, la dimension nationaliste et d�mocratique devient le vecteur d�un islamisme s�inscrivant dans une logique d�int�gration au pouvoir. Ainsi, selon ces penseurs de type nouveau, la d�mocratie et le pluralisme ne sont plus qualifi�s de �kofr�. Il n�est plus question de reconstruire la �Oumma� autour de valeurs ayant disparu, selon eux, sous les effets de l�occidentalisation, � savoir autour d�une religion r�duite � un dogme et des rites. Mais de repenser la probl�matique de l�islamisme dans un monde domin� par le n�o-lib�ralisme et le d�veloppement fulgurant des technologies de l�information o� Internet est en train de devenir accessible � tous et, surtout, un monde o� les diff�rences culturelles ne sont d�sormais plus des barri�res infranchissables entre les jeunes d�origines g�ographiques diff�rentes comme dans les ann�es 60-80. En investissant Internet avant les d�mocrates des pays arabes et musulmans au point o� les forums de discussion sont devenus le point de rencontre de millions d�internautes, les islamistes ont pris une certaine avance. Mais depuis quelque temps, ils sont progressivement concurrenc�s � on en est qu�au d�but- par des musulmans non islamistes d�veloppant un regard la�que sur le rapport du religieux et du politique, sans pour autant renoncer � leurs convictions et leur foi. Longtemps sur la d�fensive, ces intellectuels musulmans, � l�instar des Tunisiens Mohamed Charfi, Afif Lakhdar, Abdelawahab Medeb ou de la Syrienne Wafa Sultan, du Jordanien Shaker Naboulsi, des Alg�riens Ghaleb Benchikh, Mohamed Arkoun, Malek Chebel, du Marocain Filali Ansary� et de l�Indienne Irshad Manji, sont en train de tordre le coup aux th�ses �manant d�une lecture litt�raliste du Coran, favoris�e par le climat antid�mocratique r�gnant dans le monde arabe et musulman et par le climat de peur que font r�gner certains oul�mas plus enclins � jeter l�anath�me sur leurs contradicteurs que d�accepter un d�bat libre et transparent. Et si pour l�heure des m�dias comme al-Jazira leur est interdit, le jour o� on leur accordera un droit d�antenne r�gulier comme c�est le cas aujourd�hui pour Qaradawi, ce jour-l�, le monde musulman fera sa r�volution culturelle et ne restera pas le dernier espace g�ographique en marge du d�veloppement, de la d�mocratie et des libert�s.