Il est l�arch�type du politicien rou� capable d�anticiper sur les situations afin de se replacer. Dou� de l�aptitude � se couler dans le moule de toutes les coteries triomphantes, il n��prouve, par ailleurs, aucune g�ne intellectuelle ni remords moral � se d�tourner des parrains d�chus pour aller au-devant de leurs successeurs. Et ce n�est, par cons�quent, pas les hommages de circonstance qu�il adressa aux premiers �compagnons� du RND cette semaine qui vont changer quelque chose dans sa mani�re de se projeter personnellement. Car, tout chez lui s�organise en fonction de sa propre carri�re. Homme de servitudes, il a toujours su distinguer les bonnes voies de sortie afin de rebondir politiquement. Dans les subtilit�s de l�opportunisme, il surclasse tout l�establishment. Tenant en pi�tre estime les doctrines, il ne croit qu�en l�efficacit� du pragmatisme. Celui qui laisse � l�homme politique toute la latitude de changer de formules, voire de clans sans donner l�impression de se renier. En somme, il fait partie de la meute d�un certain �ordre de l�Etat� tr�s proche de la description qu�en a fait Nizan dans Les chiens de garde. D�s lors qu�il est inidentifiable id�ologiquement, l�on peut dire autant de cet RND dont il est le secr�taire g�n�ral. Un sigle o� le d�risoire vocable de �rassemblement � a pris d�s 1997 un sens p�joratif. C'est-�-dire, un conglom�rat de petites ambitions qui se nourrissent de la mamelle de l�administration et qui ne d�sirent surtout pas s�en �manciper. M�me si jusqu'� r�cemment, la girouette qui sert de boussole � cet appareil a fait preuve de quelques talents � capter les bons vents du pouvoir, il semble d�sormais que cet art de la pr�vision et de l�anticipation est en passe de le d�serter. Contrairement aux bons partis qui se bonifient avec l�exp�rience des �checs ou des succ�s, cet RND-l� perd de la substance et de l�attraction au fil du temps qui passe. A travers la c�l�bration de ses dix ans d�existence, l�on croit d�celer un certain d�senchantement, m�me lorsque son leader s�abrite derri�re de vieux credo comme le �novembrisme � et le �r�publicanisme�. En fait ce parti, qui ne doit son existence qu�� la n�cessit� du syst�me de se doter en 1997 d�un relais �lectoral, doit aujourd�hui assumer cette tare originelle. Il y a d�j� cinq ans, et dans un contexte identique � l�actuel, Ouyahia avait d�j� abord� la question sous un angle moins abrupt mais n�anmoins r�v�lateur. Dans un discours d�orientation destin� � mettre de l�ordre dans des structures rong�es par l�opportunisme, n�avaitil pas adress� une mise en garde assassine � ces pseudo-militants qui les peuplent. �Ceux qui consid�rent que le RND est encore un ascenseur se trompent d�sormais d�adresse�, dira-t-il. Or, prise au pied de la lettre, la mise au point confirme in fine la nature frauduleuse de ce �machin� politique. Elle scelle, comme un aveu, le soup�on partag� par les autres partis et que l�on s�est efforc� depuis 1997 de mettre sur le compte du ressentiment. Aujourd�hui encore, le secr�taire g�n�ral se moque bien de la qualit� de ses sympathisants pour r�ellement faire le m�nage. Lui qui pr�f�re �tenir que courir�, comme on dit, tient ses troupes par la carotte des �lections. Tout juste, s�il sacrifie pour l�exemple quelques charrettes � la veille de chaque scrutin. Dou� pour fructifier des h�ritages politiques (il n�a jamais �t� un membre fondateur du RND mais un putschiste en mission en 1998) dans l�unique but d�inscrire dans la dur�e sa propre carri�re, l�homme sait parfois se d�lester des compagnonnages encombrants quitte � �tre accus� d�infid�lit�. Lui dont l�ascension vertigineuse est oblit�r�e par le sceau du �zeroualisme�, n�a eu de cesse depuis de faire oublier ce premier parrainage. C�est ainsi qu�� partir de Constantine il �non�a, mercredi dernier, son leitmotiv politique qu�il r�suma en huit mots : �Nous sommes avec le pouvoir de la R�publique.� Dans l�indigence, et les lieux communs l�on ne fait pas mieux certes, mais cela ne manque pas par ailleurs d�efficacit� en mati�re d�all�geance sans condition. Le RND est par cons�quent configur� � l�image de son ma�tre, c'est-�-dire une �soci�t� de prestation de service politique� et Ouyahia un expert en la mati�re. N�ayant rien du leader naturel, animateur par d�finition d�un courant de pens�e et de surcro�t d�muni de l��paisseur du th�oricien, il ne lui reste que le champ des joutes politiciennes pour conqu�rir quelques notori�t�s, marquer des territoires et enfin acc�der au pr� carr� du pouvoir. Son parachutage � la t�te de cet appareil en 1998 lui fournira une visibilit� politique inesp�r�e et bien plus grande que le pr�caire poste de Premier ministre. Depuis, le RND est devenu le centre de gravit� de sa carri�re gr�ce auquel il soigne ponctuellement sa propre image. A travers les anath�mes qui pleuvent en saison �lectorale sur quelques embusqu�s parmi ceux qui vivent � l�ombre de cet appareil, il se donne � moindre co�t une posture de personnage int�gre. Il est vrai que de tous les partis, lui pilote le plus suspect d�entre eux. En effet, bricol�e � la h�te par la toute-puissante bureaucratie du pouvoir, cette m�canique charg�e du recyclage ne pouvait que puiser dans les m�diocres p�pini�res ou fouiller dans les vieilles poubelles politiques pour agrandir sa base. Ainsi, ce qui en 1997 �tait �trenn� comme une grande conqu�te par les urnes fut partiellement remis en cause en 2002 et devient en 2007 un handicap. Le retour du FLN dans le giron du pouvoir actuel renvoya implicitement le RND � ses �origines �. C�est-�-dire � cette �f�condation in vitro� de la mandature de Zeroual dont la particularit� est qu�elle n�a pour constante que l�infid�lit�. Ouyahia, qui n�a d�autres chantiers que la perp�tuation de sa pr�sence dans le premier cercle, a besoin aujourd�hui de re-doper sa machine pour n�gocier au mieux des quotas dans les assembl�es. Aussi doit-il r�soudre l��quation suivante : comment recruter des candidats d�un autre profil sans op�rer de grandes saign�es dans une base fluctuante et par nature peu combative sur le terrain ? M�me s�il est hasardeux de le croire sur parole lorsqu�il claironne que le RND se r�nove et que la culture militante est de plus en plus pr�sente, il est par contre vrai que ce parti n�est plus le repoussoir politique qu�il repr�sentait cinq ou dix ans auparavant. Ni pire ni meilleur que le FLN ou le MSP, il a d�sormais les m�mes caract�ristiques de ses alli�s en mati�re de n�gociation des privil�ges. Sachant de quoi il parle, ce chef de parti n�affiche pas son optimisme pour la seule galerie. Lui qui n�ignore pas la mauvaise sant� de son appareil n�exclut pas la providence des urnes bourr�es. D�cid�ment, les vertueuses professions de foi publiques n�ont d�usage qu�� masquer les sollicitations secr�tes de quelques deus ex machina qui leur fournira les voix qui manquent le jour du vote. Quand Ouyahia, au nom du RND, parle de libert�s publiques et de militantisme, on croit entendre un cours magistral sur le cynisme en politique. C'est-�-dire le mensonge plus l�arrogance.