A chaque p�riode estivale, la commune d�Assi-Youcef, situ�e � une quarantaine de km au sud-ouest de Tizi- Ouzou, renoue avec le spectre de la soif qu�elle n�arrive pas � conjurer, malgr� sa proximit� du mont du Djurdjura consid�r�, de tout temps, dans l�imaginaire de sa population estim�e � 20.000 habitants, comme un r�servoir naturel aliment� par la fonte des neiges. En guise de r�seau de distribution de l�eau potable, cette commune n�est aliment�e pr�sentement que par des bornes fontaines essaimant les ruelles des villages et du chef-lieu de la commune, dont les p�t�s de maisons sont desservis selon un syst�me de rotation, pour pallier les al�as de l�alimentation gravitaire, faisant en sorte que les foyers situ�s dans le plat sont plus arros�s que ceux perch�s sur les hauteurs. L�insuffisance de la ressource hydrique, la seule, procur�e par le captage de la source de Tabburt Laanser, jaillissant des entrailles du Djurdjura, ne permet pas de prolonger le r�seau principal d�alimentation en eau potable existant par des branchements individuels des foyers. Aussi, � chaque p�riode d��tiage, les comit�s de village mettent en place un syst�me de distribution parcimonieuse de cette denr�e vitale, pour en g�rer �quitablement les p�nuries, en instituant un r�glement interdisant les piquages pirates, l�arrosage des jardins et le lavage des voitures, pour assurer l�eau pour tous et veiller � la coh�sion de la communaut�, mise en cause souvent par des conflits naissant � propos du pr�cieux liquide. Au vu de cette situation de raret�, le transport de l�eau accapare le plus gros du temps des femmes d�Assi-Youcef. Quotidiennement, telles de laborieuses fourmis, elles ne font qu�aller et venir entre la fontaine et la maison, en ahanant, � travers des sentiers caillouteux et en pentes accentu�es, sous le poids du jerrican transport� sur le dos. Sit�t, la provision d�eau transvas�e dans un f�t pour en constituer la r�serve du jour, il leur faudra repartir encore � la fontaine pour chercher de l�eau, toujours de l�eau, s�imposant comme priorit� num�ro un dans la nomenclature des besoins locaux, pour reprendre un jargon purement administratif. Du chant du coq � la tomb�e du jour, un tableau �exotique� s�offre � la vue de tout visiteur de cette agglom�ration rurale. Devant ces robinets collectifs �maillant l�axe traversant le chef-lieu de la commune joignant Tiqsray � A�t-El-Hadj se forment, quotidiennement, des foules aux couleurs bigarr�es de femmes, faisant le pied de grue ou assises � l�ombre d�oliviers, tout en devisant sur les nouvelles du jour afin de surmonter les affres de l�attente du tour de chacune d�elles, signal� par le positionnement des jerricans dispos�s en ligne devant le robinet, selon un ordre chronologique d�arriv�e sur les lieux. L�attente peut durer une heure ou plus, en fonction du d�bit d�eau s��coulant du robinet et du nombre de r�cipients � remplir. Pour une histoire du non-respect du tour, il arrive que des chamailleries �clatent entre des femmes, mais tout finit par rentrer dans l�ordre apr�s intervention de sages. En tout cas, ces femmes savent qu�elles n�ont d�autre choix que de patienter le temps qu�il faudra pour puiser de l�eau, car il n�est pas question pour elles �de retourner bredouilles de cette v�ritable chasse � l�eau�, tout en caressant le doux r�ve d�avoir ce liquide � domicile, devenu, d�sormais, du domaine du possible apr�s la concr�tisation du projet d�alimentation de cette collectivit� � partir du barrage de Koudiet Acerdoune, en r�alisation dans la wilaya de Bouira. Dans cette perspective, l�APC a m�me anticip� sur ce projet en r�alisant un nouveau r�seau d�adduction, mais demeurant sans eau pour le moment. Submerg�es par d�autres travaux domestiques, des m�res de famille d�l�guent leurs filles pour s�acquitter de cette p�nible t�che d�approvisionnement en eau de toute la famille. Il n�est pas rare d�apercevoir, sur le chemin du retour de la fontaine, des adolescentes ployant l��chine sous le poids du fardeau rappelant Cosette, le c�l�bre personnage du roman Les mis�rables de Victor Hugo. En attendant des jours meilleurs, la population d�Assi-Youcef se d�m�ne comme elle peut pour se ravitailler en eau. Plut�t que de s�astreindre � cette corv�e, certains n�h�sitent pas � acheter cette denr�e aupr�s de colporteurs qui s�approvisionnent � partir de la source de Tala Ouguelidh, situ�e dans la commune de Mechtras. Pour stocker de l�eau, plusieurs m�nages se sont dot�s, au grand bonheur des ferronniers, de citernes install�es sur les terrasses des maisons o� elles sont devenues plus nombreuses que les paraboles.