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Harragas, tome II Par Arezki Metref [email protected]
Publié dans Le Soir d'Algérie le 30 - 09 - 2007

En r�ponse � la chronique impertinemment intitul�e, je le conc�de, �Harragas vous-m�mes �, parue ici m�me, deux lecteurs braves comme un pleutre qui se sait hors de danger, m�ont mail� (c�est comme �a qu�on va dire, d�sormais) deux bonnes menaces canoniques assorties d�insultes gratin�es. Mais en bon caravanier, je passe en laissant les canid�s articuler bien distinctement ce son particulier qui les caract�rise.
Au demeurant, ces lecteurs sont � ce point t�m�raires qu�ils ont emprunt�, ni vu ni connu, des pseudonymes de femmes. On sait, dans notre pays de factice redjla, que les femmes sont plus courageuses que les autres, mais enfin, il y a des limites � l�opprobre d�aller se cacher sous leurs jupons. Ils empruntent, pour brouiller davantage les pistes et cr�er la zizanie, des pseudos de femmes connues du monde de la culture et de la politique. Je n�en dirai pas plus, � quoi bon ! Sachons seulement que deux mecs, bien courageux derri�re l�anonymat de leur �cran, se font passer pour deux nanas ayant pignon sur rue pour me mettre en garde contre le fait d�avoir os� vaner le Premier ministre qui avait, souviens t�en, trouv� tout seul que la motivation des harragas, c��tait d�aller acheter des bagnoles en Europe. Mes deux �menaceuses� patent�es terminent leurs messages sibyllins par une bonne petite grosse menace de tradition alg�rienne garantie. Du genre �Arr�te de manquer de respect au Premier ministre, sinon��. Sinon, quoi ? That is la question. L�autre : �Arr�te d��crire n�importe quoi, sinon�� Sinon, quoi, tome 2 ? Passons sur la parano de prendre la critique logique d�une position publique pour un manque de respect � un homme : on ne refait pas les vert�bres quand elles sont d�faites par la m�canique de la courbette. La v�rit� est que les censeurs, surtout du niveau caniveau comme mes anonymes correspondants, traversent une p�riode de vaches maigres. Il fut un temps o� l�on flinguait les journalistes. Un truc ne me pla�t pas dans un canard, je tire. Pan ! Puis vint un autre temps, celui o� la justice les harcelait, les soumettant � d�interminables proc�s. Et m�me � la prison. Et voil� que le glaive et l��crou n��tant plus les armes les plus indiqu�es, on se confine � la menace. Causez, causez� On conna�t la chanson, comme dit le parolier ! Mais sur le fond ? En apprenant que le gouvernement organisait un s�minaire pour comprendre le pourquoi du comment des harragas, je me suis dit : ils manquent vraiment d�unit�, l�haut. Pourquoi, en effet, d�penser les subsides de l�Etat � convoquer des sociologues, des experts, des harragas m�mes, sans compter les politiques, pour poser une question � laquelle le chef du gouvernement avait amplement r�pondu. Que voulez-vous donc savoir, gens de Bien ? Pourquoi des jeunes gens bravent-ils la mort pour quitter ce pays ? Eh bien, c�est pour revenir avec des voitures neuves et fanfaronner dans le quartier. Pas la peine de faire parler les experts, les faits, les pens�es, les arri�re-pens�es. Pas la peine de contextualiser des donn�es personnelles dans un mouvement d�ensemble qui compose, on commence � le savoir, un des ph�nom�nes de la mondialisation qui creuse davantage le foss� entre pays riches, o� les harragas r�vent de s�enrichir, et pays pauvres o� ils ont la mal�diction d��tre n�s. Pas la peine donc de s��chiner � poser, dans un d�bat national, des questions auxquelles le Premier ministre a d�j� r�pondu. Les harragas ne sont pas r�v�lateurs d�un malaise global, qui est non seulement celui du pays mais aussi celui du monde disparate de la mondialisation. Ils sont les signaux de leur propre destin. C�est un ph�nom�ne en soi et pour soi. Ils prennent des risques qui peuvent aller jusqu�� l�absurde de la mort rien que pour rapporter le gadget avec lequel ils pourront plastronner. Les harragas ne sont pas un ph�nom�ne sociologique qui indique l�impuissance des gouvernants � retenir les jeunes autour d�un projet de soci�t�. Ils repr�sentent tout b�tement un avatar de la soci�t� de consommation. On aurait pu s�en tenir l�. Des gosses qui se font ramasser par la mar�chauss�e patriote parce qu�ils veulent se faire la belle. Un Premier ministre qui prend le raccourci de les fustiger. Des chroniqueurs qui se font insulter par de courageux anonymes parce qu�ils trouvent un peu courte, et m�me un peu courbe, l�explication donn�e d�un drame par un haut responsable. Et puis, tout s��claire. La caravane est rappel�e avant m�me qu�elle ne passe. Ceux qui, au bord de la route, ont re�u l�ordre de faire marcher la minicassette des injures coutumi�res, doiventils les ravaler, ces gracieuset�s qu�ils sont pay�s pour d�biter ? Ce ne serait qu�une paire de couleuvres de plus � ranger dans le palais ! C�est avoir le triomphe trop vaniteux de ne voir dans l�organisation de ce s�minaire sur les harragas que le simple d�saveu des propos tr�s peu politiques tenus par le Premier ministre voici quelques semaines. La tenue m�diatis�e de cette rencontre signifie plut�t soit qu�� un niveau quelconque de l�Etat, on a pris conscience de l�ampleur du ph�nom�ne et de son impact sur l�orgueil national, soit qu�au m�me niveau, on ne supporte plus que ce maillon s�ajoute � tous les autres maillons faibles. C�est donc une excellente chose que cette humilit� de reconna�tre qu�il y a probl�me. Mais comme d�habitude, on passe d�un exc�s � l�autre avec all�gresse. Un coup, par la voix de qui tu sais, on consid�re les harragas comme un truc marginal et peu noble. Le coup d�apr�s, le m�me gouvernement se ravise, organise un s�minaire important sur les harragas en laissant entendre qu�une telle affaire est forc�ment nationale. Quelle belle mani�re de faire oublier le reste ! Quelle que soit la cruaut� du sort des harragas, le seul d�bat national m�ritant aujourd�hui d��tre men� doit porter sur la d�finition de la citoyennet� et sur la d�mocratisation qui laisserait impliquer les Alg�riens dans la conduite de leur destin. Tout le reste en d�coule. Si les harragas partent, ma foi, c�est parce que le pays est un concentr� de ce qu�ils d�testent. Et ce qu�ils d�testent, c�est sans doute ce qui ferait fuir les trois quarts des Alg�riens s�ils en avaient l�opportunit�. Il faut juste rendre l�Alg�rie vivable. L� se pose la grande question : comment peut-elle �tre vivable avec des gens aux plus hautes charges de l�Etat qui tancent les victimes des injustices au lieu, comme c�est leur mission, de r�parer ces derni�res. Va comprendre comment �a raisonne et pourquoi �a r�sonne par ici !

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