L�alternance politique n�a jamais �t� aussi probl�matique que depuis la premi�re hospitalisation du pr�sident de la R�publique. Depuis cette date, les chancelleries occidentales n�ont pas cess� d��laborer des sc�narii pour tenter d�appr�hender la mani�re dont pourrait se d�nouer le puzzle alg�rien. La mise en branle du mouvement en faveur d�un troisi�me mandat (la o�hda thalitha) pour le pr�sident Abdelaziz Bouteflika a sans doute rendu plus illisible la situation et donc plus al�atoire toute projection scientifiquement recevable. Initi� par le FLN, lors de la campagne �lectorale de novembre 2007, ce mouvement a pris rapidement de l�ampleur en parvenant � mobiliser rapidement une certaine fraction de la soci�t� civile. Notons que la t�l�vision alg�rienne et les autres m�dias publics n�ont pas tard� � rejoindre ce mouvement, le tapage m�diatique auquel ils se sont adonn�s �tant pr�sent� comme �un signe de maturit� politique�. Le pr�sident de la R�publique, qui vient de terminer sa convalescence, consid�re que toutes ces moubayaate sont en r�alit� une �manifestation de l�int�r�t que notre population et la classe politique apportent � la vie politique et au devenir de notre pays�. Ainsi, l�ann�e 2008 continuera d��tre une ann�e d�immobilisme �conomique et d�incertitudes politiques. Peu de place est laiss�e � la critique constructive sur la situation nationale. Aucun d�bat contradictoire sur la gestion du pays n�a �t� initi� par aucun groupe politique. La sph�re publique se privatise au fil de la crise alors que les affaires prosp�rent dans l�import-import et la tchipa devient le leitmotiv dans le discours social. Rationalisation du champ politique A chaque �ch�ance �lectorale qui est suppos�e mettre en mouvement une dynamique pour l�alternance politique, le pays vit � l�heure de calculs politiciens qui n�honorent gu�re des acteurs politiques pr�tendant avoir une envergure nationale ou internationale. Selon le discours officiel, l�opposition partisane est dans l�incapacit� de proposer une alternative cr�dible au pouvoir. Pour ce dernier aussi, tout se passe comme si la majorit� silencieuse des Alg�riens est favorable au statu quo alors que le pays est en �tat d�insurrection larv�e. Sans grande surprise, le taux de participation r�el s�est av�r� tr�s faible lors des �lections pr�c�dentes et est en de�� de tout pronostic. Cette sanction populaire ne contraint pas pour autant le pouvoir � ouvrir d�mocratiquement le jeu politique. On pense que cette ouverture est un jeu � somme nulle ou une partie de poker (ce qui est gagn� par l�un est perdu par l�autre, et r�ciproquement). Cette �rationalisation� du champ politique repose souvent sur des analyses superficielles et d�connect�es de la r�alit�. Candidats � la candidature pr�sidentielle A la veille de l�annonce du pr�sident de la R�publique de sa d�cision de briguer un troisi�me mandat, une dizaine de personnalit�s politiques sont pressenties comme des candidats � la candidature pr�sidentielle. Pour brouiller davantage les cartes, d�autres noms de probables successeurs seront balanc�s lors de l�ouverture du d�p�t de candidature. Ces pr�tendants sont aujourd�hui : Abdelaziz Belkhadem, Ahmed Ouyahia, Boudjera Soltani, Moussa Touati, Louisa Hanoune, Sa�d Sadi, Mouloud Hamrouche, Mokdad Sifi, Sid- Ahmed Ghozali, Ahmed Benbitour, Ali Benflis et Ch�rif Rahmani. Ces candidats ont un point en commun : ils ne sont pas de simples �outsiders�. Ils ont occup� de hautes responsabilit�s, entre autres celles de chefs de gouvernement, de ministres ou de d�put�s. Ils ont, de ce fait, une certaine responsabilit� historique dans la crise actuelle, surtout pour ceux qui ont g�r� le pays durant des d�cennies enti�res. Au regard des pr�c�dentes �lections, aucun de ces candidats n�a �t� cons�quent avec lui-m�me en faisant un bilan exhaustif de sa participation � la gestion du pays. Ils ne sont pas des candidats de rupture. Il ne faut donc pas s�attendre � un changement radical du r�gime de la part de ceux auxquels s�applique particuli�rement l�article 157 ali�na 12 de la loi �lectorale qui stipule que le candidat n� avant le 1er juillet 1942 doit fournir une attestation de sa participation � la R�volution alg�rienne. Contrairement au pass�, la lib�ration nationale n�est plus au bout du fusil mais sur le clavier de l�ordinateur. Elections locales et sc�narii Les �lections locales � qui constituent une r�f�rence pour l��lection pr�sidentielle � furent, pour celles de novembre 2007, particuli�rement singuli�res. En effet, c�est la premi�re fois depuis l�av�nement du pluralisme que les partis politiques n�ont pas appel� au boycott des �lections. Les �lites politiques se sont cette fois-ci mobilis�es pour que la participation �lectorale soit �lev�e. Une raison � cela : un ancrage local pourrait �tre utilis� comme un faire-valoir aupr�s des d�cideurs pour les prochaines �lections pr�sidentielles. Les r�sultats officiels des derni�res �lections municipales et de wilaya peuvent nous permettre d�envisager trois grands sc�narii pour les prochaines pr�sidentielles. Dans le premier cas de figure, le futur pr�sident de la R�publique est issu de la coalition pr�sidentielle qui est compos�e du FLN, repr�sentant 12%, du RND, 9,8%, et de HMS, 4,3%, soit un total de 26% des inscrits. Le pr�sident de la R�publique issu de cette coalition gouvernera sans l�gitimit� populaire. Comme deuxi�me sc�nario, le pr�sident de la R�publique est issu d�un autre rassemblement h�t�roclite regroupant les partis dits d�opposition RCDFNA- PT-FFS, repr�sentant un total de 10,50 % des inscrits. Les luttes intestines au sein de cette coalition seront telles qu�elle ne pourra pas gouverner correctement le pays. Un tel sc�nario serait impensable tant que le politique n�est pas institutionnalis�. Comme troisi�me sc�nario, on assistera � un rassemblement islamiste regroupant, le HMS, Nahda et Islah. Les intentions de vote islamiste varient entre 15 et 20% en d�pit du regain de religiosit�. Les luttes byzantines pr�cipiteront la fitna en essayant d�instrumentaliser �l�Islam refuge�. Un Etat islamiste est impr�visible et par cons�quent difficilement ma�trisable. Le conflit interne deviendrait cette fois-ci un conflit internationalis� d�une grande ampleur. Sc�narii et politique politicienne D�autres sc�narii pourraient �tre envisag�s en cas d��lections libres et transparentes, au sens occidental de ces termes. Dans cette perspective, les candidats qui ne seront pas soutenus par un puissant parti politique n�ont pas vraiment de chance de passer l��preuve d�un v�ritable parcours du combattant. On peut relever donc les noms de Mokdad Sifi, Ahmed Benbitour, Sidi-Ahmed Ghozali, Ch�rif Rahmani et Mouloud Hamrouche. A titre d�exemple, lors de l��lection pr�sidentielle de 1999, Mokdad Sifi a remport� 2, 24% des suffrages exprim�s alors que Ali Benflis n�a pas d�pass� les 6, 42%, en 2004. Parmi ces pr�tendants, certains auront m�me de s�rieuses difficult�s � collecter le nombre de signatures n�cessaires pour faire valider leur dossier. Ces candidats sont ceux qui pr�nent la tenue d��lections propres et par cons�quent une rupture radicale. Chose �trange cependant, � les entendre parler, chacun d�entre eux proclame, haut et fort, qu�il sera �le futur candidat des d�cideurs�. Chaque candidat garde � l�esprit ce que Mouloud Hamrouche avait d�clar� en 1995 : �Je ne serai jamais candidat contre le candidat de l�arm�e�. Au regard des r�sultats de la pr�c�dente �lection pr�sidentielle, cette analyse doit �tre cependant davantage affin�e, l�arm�e post-terrorisme n��tant plus une institution monolithique. Citons parmi ces pr�tendants, Mouloud Hamrouche qui, s�il est soutenu par le FFS et d�autres groupes, pourra cr�er la surprise ; ceci en d�pit du fait qu�il a obtenu seulement 3% des suffrages exprim�s en 1999. On reproche � l�enfant terrible du syst�me, selon une forte opinion m�diatique, d�avoir fait une alliance avec l�islamisme politique. Mais une autre lecture conclurait qu�on n�avait pas beaucoup appr�ci� non pas son ouverture politique tous azimuts mais le retrait de la �fiche bleue� du dossier de tout candidat � un poste sup�rieur de l�Etat. Ce s�same ouvrant les portes de la caverne d�Ali Baba fut imm�diatement r�tabli par son successeur. Un consensus au sein du pouvoir est donc un pr�alable pour la r�alisation de ce sc�nario. Il ne reste donc que les candidats qui sont soutenus par un parti politique relativement puissant. Il s�agit notamment de Moussa Touati, Louisa Hanoune, Sa�d Sadi, Boudjerra Soltani, Abdelaziz Belkhadem et Ahmed Ouyahia. Parmi ces candidats, seul Sa�d Sadi s�oppose ouvertement � la r�vision constitutionnelle, et par voie de cons�quence � la candidature du pr�sident Bouteflika. La rupture pourrait donc venir de Sa�d Sadi qui a comptabilis�, par ailleurs, une grande exp�rience �lectorale. Si ces pr�tendants sont vraiment pour un troisi�me mandat, ils seront compl�tement lamin�s par le �rouleau compresseur� qui est d�j� mis en place. L�enjeu fondamental de ce tohubohuo ne peut �tre au fait que la r�vision constitutionnelle qui instituera, entre autres, le poste de vice-pr�sident de la R�publique. Le futur vice-pr�sident prendra en charge, selon toute vraisemblance, l�apr�s- Bouteflika. Il semble que le pr�sident de la R�publique n�est pas d�accord pour un tel sc�nario s�il ne coopte pas lui-m�me son successeur. Abdelaziz Belkhadem ou Ahmed Ouyahia sont en effet pressentis pour occuper ce nouveau poste. L�un comme l�autre ne seront pas en mesure d�amorcer la rupture politique tant attendue par les Alg�riens. Chacun d�eux renforcera d�une certaine mani�re la tendance lourde du syst�me. Le niveau de vie continuera � chuter en d�pit de l�augmentation des revenus p�troliers. Le nombre de harraga ne cessera d�augmenter dans un pays riche. Pour l�ensemble des Alg�riens, il n�y a pas de diff�rence fondamentale entre �un bazar islamiste � et �un bazar arc en ciel�. L�Alg�rie risquerait de s�enfoncer davantage dans le gouffre des incertitudes. Le sc�nario �catastrophe� soutenu par le lobby islamo-p�trolier risque d��tre mis en branle si d�autres conditions sont r�unies. Autre cas de figure, le pr�sident de la R�publique refuserait de briguer un troisi�me mandat Il consacrerait, par exemple, le reste de sa vie � �crire ses m�moires � l�instar des grands hommes de notre temps. Quelle cr�dibilit� faudrait-il alors accorder � cette classe politique qui n�avait aucun scrupule � aller jusqu� � retoucher la loi fondamentale du pays. La lutte anti-terroriste a travers� en effet toutes les institutions du pays, y compris l�institution militaire. La participation � cette lutte est appr�ci�e diversement dans les d�partements des forces s�curitaires. La l�gitimit� historique, �clat�e en r�primant �le chahut de gamins� en 1988, est redevenue aujourd�hui op�rante. Cette lutte a permis � la deuxi�me g�n�ration, qui a pay� un prix fort, de conqu�rir de facto une autre forme de l�gitimit�. Au nom de cette source de pouvoir, les d�cideurs pourraient, comme par le pass�, coopter �l�homme providence� de l�apr�s-Bouteflika. Dans ce cas de figure, ils pourraient tout simplement introniser un candidat qui n�est pas connu de l�opinion publique, comme ce fut le cas en 1979 et en 1995. Les r�unions successives des principaux g�n�raux ainsi que des chefs des r�gions militaires, avaient pour objectif, semble-t-il, de sceller un nouveau consensus sur cette question qui est devenue aujourd�hui beaucoup plus complexe qu�hier. Mais m�me ce sc�nariostatu quo aggraverait, comme les autres, la pr�carit� des �quilibres au sein du pouvoir. Toutefois, un courant au sein de la nouvelle garde, form�e dans les grandes �coles occidentales, n�appr�cie pas beaucoup, semble-t-il, le red�ploiement s�curitaire, horizontalement et verticalement, en cours. Cette d�marche est surd�termin�e par rapport � l�approche politique. Pour �viter ce dernier sc�nario ou les autres, ce groupe consid�re que la professionnalisation des forces s�curitaires, l�ouverture d�mocratique et la libert� de presse sont les v�ritables nouveaux d�fis pour les pays �mergents. La d�mocratisation ne peut �tre l��uvre de �l�homme-providence � qui agit par oukase. C�est une construction longue et complexe. Rachid Tlem�ani Professeur, Relations internationales & s�curit� Responsable, groupe de recherche, Elections et D�mocratie en Alg�rie