�Comme l�enfer�, l�agitation, c�est les autres. Si la mairie de Berriane est saccag�e et que des quartiers entiers br�lent, cherchez la main de l��tranger. De m�me si les rues d�Oran sont prises d�assaut � la fin d�un week-end, d�signez la peste du hooliganisme sportif. Enfin quand tout Chlef marche comme un seul homme vers l�h�tel de ville et la wilaya, il faut vite en imputer la cause au d�voiement du mouvement associatif. En aucun cas l�Etat et ses institutions ne doivent �tre d�sign�s du doigt. De surcro�t, il faut se garder d��tablir le moindre rapport entre cette col�re chronique contaminant villes et villages et la responsabilit� de l�Alg�rie officielle. Celle-ci doit demeurer au-dessus de tout soup�on. Pr�sident, chef du gouvernement et ministre d�Etat : tous surfent sur les m�mes causes de la d�solation collective sans qu�� aucun moment, ils fassent l�effort de l�autocritique. En somme, une rh�torique tellement sp�cieuse que plus personne n�en fait une r�f�rence, m�me chez les �lus locaux les plus dociles. Pire, la majorit� de la jeunesse, dont pourtant la culture politique est n�cessairement primaire, se r�v�le curieusement plus pertinente dans le jugement. Pour elle, ce qui se trame quotidiennement dans sa mechta est semblable � ce qui se commet en haut lieu et � plus grande �chelle. Elle, dont le regard est moins embu� par la lassitude comme celui des adultes, cultive � haute voix l�indignation. Une sorte de saine r�bellion civique capable de vous recenser comme un huissier les multiples magouilles qui se cuisinent dans les bureaux de leurs mairies. Accusant, sans discernement certes, la totalit�s des �lus elle conclut, avec quelques raisons cependant, qu�ils ne sont pas n�s des urnes mais du partage administratif des quotas. �Ils roulent tous pour leurs int�r�ts et ne sont que des marionnettes politiques�, vous dira-t-on. Jugement tranchant comme une lame mais dont le m�rite tient � la fois de la sinc�rit� mais aussi du sentiment d�injustice. Exclu et marginal, le jeune est le seul � poss�der cette facult�, rare, d��tre abrupt dans la mani�re de qualifier les �lus jusqu'� le faire savoir par les actes. L�impopularit� est donc le calvaire des �diles dont certains, �videmment, ne m�ritent gu�re de si lourds soup�ons. Bien tristes assembl�es assimil�es tant�t � une conjuration de coquins et au mieux pour une �association� de pr�te-noms au service des n�buleuses de l�affairisme. A peine ��lues� et install�es que ces APC-APW sont d�j� disqualifi�es au nom de pr�jug�s solides et anciens. Bien avant que la vox populi ne sonde leurs reins et leurs intentions, c�est �tonnamment l�administration centrale qui, publiquement, cultive l�opprobre � leur encontre. Sous haute surveillance des walis ne sont-elles pas implicitement d�sign�es � la stigmatisation de l�opinion par la tutelle elle-m�me ? A la v�rit�, elles ne doivent b�n�ficier de la protection de l�Etat que dans la mesure o� elles lui servent d�abord d�abc�s de fixation pour absorber la contestation sociale, ensuite de relais et de levier pour des man�uvres politiques quand la n�cessit� l�exige. C�est cette derni�re servitude qui expliquerait la grandmesse � laquelle les y invite Bouteflika ce samedi. En demandant � ses �lus de s�abstenir, le FFS a d�j� exprim� ses doutes quant aux arri�re-pens�es � l�origine de cette r�union. Pour ce parti, le chef de l�Etat veut s�offrir une occasion pour plaider la cause de l�amendement constitutionnel sous couvert d�un discours d�orientation sur les r�les des assembl�es de base. Dans le m�me ordre d�id�es, des commentateurs ont, � leur tour, relev� l�incongruit� d�une pareille initiative aux relents de manipulations � 200 jours d�une campagne pour la pr�sidentielle. Surtout que cette r�union, rappelaient substantiellement certains �crits, est loin d��tre un acte classique de gouvernance ayant eu des ant�c�dents r�cents. Justement, le pr�sident, qui a vu passer deux �lections locales entre 1999 et 2008, n�avait, � ce jour, jamais estim� qu�il �tait conforme � son magist�re de conf�rer avec les �diles dont les seules all�geances qu�ils entretenaient passaient par les appareils partisans. Un �trange int�r�t d�arri�re-saison au parfum politicien suspect. Que l�on justifie son initiative par le fait qu�un chef d�Etat est tout � fait libre de ses choix et de ses champs d�intervention ne l�exon�re pas des doutes exprim�s par l�opinion et certains partis. D�s lors qu�il est notoire, en ces mois cruciaux, que le moindre acte politique est connot� par des dividendes allant dans le sens que l�on sait, il est alors clair que cette r�union ne peut que s�inscrire dans cet enjeu. Disons les choses simplement. Si vraiment les maires ne devraient �tre que destinataires d�une nouvelle feuille de route pour am�liorer la gestion de leurs communes, qui mieux que le chef du gouvernement, grand intendant de l�Etat, pour en pr�sider le d�bat ? Or, nous sommes assur�ment dans un autre dessein, lequel est �minemment strat�gique. Un pr�sident de la R�publique issu des urnes veut s�adresser sans interm�diaires aux �lus de la base avant de convoquer les �lus de la nation d�positaires de l�acte l�gislatif. Grandiose mise en sc�ne o� tous les ��lus� se concertent en leur qualit� de mandataires, � diff�rents degr�s, de la volont� populaire ! Pour la circonstance, la r�publique des assembl�es est port�e au pinacle, alors qu�en temps ordinaire elle �tait tenue en laisse par un ex�cutif omnipotent. Ainsi, pour faire pi�ce � l�ind�passable principe du r�f�rendum l�on vient d�imaginer un ersatz de consultation populaire indirect en impliquant tous les paliers des fonctions �lectives afin d�argumenter sur le cr�dit de l�abrogation d�un article de la loi fondamentale. Ainsi, par un insupportable amalgame sur la nature de chaque mandat l�on s�appr�te � installer une nouvelle confusion sur le sens m�me de chaque vote et sur des missions des �lus. Un maire est choisi pour construire des �coles dans son douar et bitumer le chemin vicinal et pas pour d�livrer des motions de soutien � un amendement constitutionnel, comme on le craint. Demain, quand tout sera ficel� par les amicales pressions et la discipline des partis du pr�sident, ces maires, � qui l�on va demander de battre campagne, sentiront d�autres vents du boulet siffler � leurs oreilles. Eux qui sont rarement en bonne intelligence avec leurs administr�s devraient alors s�expliquer pourquoi, entre autres exemples, le mini-bus du ramassage scolaire a �t� r�affect� � des organisateurs d�un meeting politique. A ce moment-l�, ils sauront qu�il y a parfois plus d�indignit� citoyenne � privil�gier l�agitation politique qu�� refaire dans la discr�tion totale le r�seau d�eau d�un bidonville o� personne n�a de cartes de vote. A la cohorte des parlementaires l�gendairement honteux viendront s�adjoindre bient�t quelques centaines de maires plus dispos�s � la servitude qu�au service public. Plus tard, quand tout s�accomplira selon les v�ux du pouvoir, la m�me main qui les a cajol�s par le pass� en fera d�eux les boucs �missaires des col�res futures. �Les autres�, toujours coupables de malversation et de grogne sociale, seront cette fois-ci� eux.