Il a choisi les repr�sentants du �pays profond� pour, enfin, s�exprimer sur l��tat de la nation et la sant� morale de la soci�t�. Dans un contexte politique marqu� par de dommageables surench�res, qui ne concernent que l�establishment, l�on nous a dit que le chef de l�Etat, plut�t que de demeurer l�otage des sollicitations du microcosme, souhaitait prendre � t�moin la majorit� silencieuse. En soi, cette volont� de prendre quelques distances avec tous les faiseurs qui contr�lent les hautes institutions, �tait louable. Encore que lui-m�me fasse l�effort d��tre � la hauteur des attentes de l�opinion. H�las, une fois encore, il demeura ambigu dans le propos et autant vague dans la critique que dans l��loge. En un mot, son discours n�avait pas la r�sonance attendue. Par moment d�cousu, celui-ci fut ponctu� de raccourcis et de digressions oratoires en total d�calage avec la d�monstration du moment. En somme, l�oracle de samedi dernier a fini par se r�sumer � un pot-pourri verbal o� l�on pouvait lire et entendre, � travers les journaux et la t�l�vision, l�aveu de l��chec et en m�me temps l�auto- encensement d�une double mandature. Un curieux exercice qui, au lieu de clarifier les enjeux imm�diats, accentue encore l�opacit� et plombe un peu plus le pays. Ce dernier qualifi�, dans l�usage politique, de �profond� chaque fois que les rouages du pouvoir se grippe. Un recours commode comme un alibi et en m�me temps un poncif dont il faut se m�fier autant que les id�es re�ues � son sujet. Car enfin, pourquoi les maires des lointaines localit�s seraient-ils mieux dispos�s � accompagner une d�marche du pouvoir que ne le serait le microcosme institutionnel ? En tout �tat de cause, les �diles convi�s au diagnostic du pr�sident s�en �taient retourn�s chez eux avec les m�mes interrogations. C'est-�-dire sans qu�ils sachent si, ce qui vient de se dire, est la signature officielle d�un bilan globalement n�gatif ou, au contraire, la preuve que le char de l�Etat est entre de bonnes mains. Pour eux donc, comme pour l�ensemble des appareils politiques, il faudra patienter encore avant qu�ils aient la certitude que l�an 2009 ne sera finalement que le prolongement de 1999. Ils d�couvriront alors ce que veut dire la formule paradoxale du �changement dans la continuit�. Autrement dit, ils expliqueront, p�dagogiquement, � leurs administr�s du pays profond que, finalement, c�est l�Etat qui a fait sa mue et chang� de style et non pas les g�n�rations de personnel politique que l�on remplace. Voil�, en quelque sorte, � quoi a servi un s�minaire d�administrateurs �lus et pourquoi l�on a voulu lui donner une solennit�, hors de tout contexte. Une r�p�tition g�n�rale pr�parant le conditionnement futur de tout ce qui ressemble � la repr�sentativit� �lue : UGTA, UNPA et autres corporations renti�res. Au fur et � mesure des rendez-vous, le pr�sident s�attachera alors � roder les formules qui le d�douaneront personnellement des bilans tout en lui conf�rant la stature d�unique alternative � sa propre succession. Rompu � cet exercice consistant � toujours opposer � la critique de la nomenklatura l�adh�sion de l�int�rieur du pays, il a, comme � son habitude, pris soin de cibler uniquement ses critiques platoniques sur le gouvernement. Prenant le parti d��tre lui-m�me son parti d�opposition, il voudra soustraire du b�n�fice, d�un quelconque d�bat, le devoir d�inventaire de ses dix ann�es de pouvoir. C�est justement ce qu�il a commenc� � exp�rimenter en r�cup�rant � son profit le d�senchantement des mechtas et de villages � travers l�usage de la diatribe adress�e � ses propres intendants. De la m�me mani�re qu�il op�ra en 2004, il prendra � t�moin le pays �r�el� (sic) chaque fois qu�il est mis en difficult�. Ainsi, les provinces sont moins des r�alit�s g�ographiques et sociales qu�un s�same de campagne pour torpiller toute vell�it� de proc�s accusateur. Cette autre �Nation� qu�il oppose � tous ceux qui sont � m�me de lui porter la contradiction n�est en fait qu�un escabeau pour accomplir ce qui lui est contest� d�mocratiquement. M�me si l�on sait, par �vidence, que l�Alg�rie ne se r�sume pas � sa capitale, en quoi cependant ce distinguo politique, entre le centre et les p�riph�ries, doit-il disqualifier, par des a priori, le principe de la contradiction politique ? D�s lors que l�on d�nie � l�un la fonction de locomotive et de centre nerveux du pays et que l�on travestit le reste du pays de quelques vertueuses sagesses, l�on est en plein dans la sulfureuse manipulation. Expliquons-nous : chaque fois que nos dirigeants se sont trouv�s aux prises avec la v�ritable remise en cause d�mocratique ne se sont-ils cru plus qualifi�s pour faire de pareilles comparaisons ? En se r�fugiant derri�re le vaniteux constat d�un pays serein que seules viennent perturber les ambitions de la classe politique, ils ne font pas que mentir, ils divisent l�unit� de la communaut� eu lui d�signant �l�ennemi int�rieur�. Ce sont ces m�urs politiques peu recommandables que l�on s�appr�te � remettre au go�t du jour en agitant les cartons rouges � chaque critique d�plaisante. Sensible � la contrari�t� m�diatique, le tribun, en repr�sentation devant les d�l�gu�s du pays �r�el�, ne se priva pas de prendre � parti la presse � qui il imputa allusivement sa ti�deur patriotique. Emouvant d�rapage dans un discours dont la substance ressemble � s�y m�prendre � ce qui s��crit depuis quelques ann�es dans les journaux. Il est vrai que l�on a l�extraction politique qu�on peut. Conditionn� par la �g�n�tique � de l�intol�rance politique, l�on ne peut concevoir la r�alit� et les v�rit�s qu�� travers le prisme de ses propos app�tits. Voil� pourquoi le discours prononc� par le chef d�Etat n�est finalement qu�une somme de rodomontades qui laisse intacte les doutes. Un nuage de fum�e derri�re lequel se met en place l�acte final d�une campagne o� ne seront admis que des figurants.