El Guerba, ce rafra�chisseur ancestral si cher aux Auressiens, fait son apparition chaque �t� dans les douars, villes et villages, s'affirmant ainsi comme l'un des rares symboles culturels anciens encore vivants dans la r�gion de Batna. Malgr� les changements rapides survenus dans leur mode de vie, les populations d'Aris, Merouana et Chemra, peut-�tre plus que d'autres, lui conc�dent volontiers une place privil�gi�e, en particulier pendant les dures journ�es d'�t�. Faite en peau de ch�vre, et gr�ce aux poils qui la recouvrent, l'outre auressienne pr�serve parfaitement � tout le monde en convient � la fra�cheur naturelle de l'eau. A�cha raconte que d�s sa prime jeunesse, elle excellait dans la confection de la guerba, laquelle comptait parmi les t�ches m�nag�res que la femme chaouie devait imp�rativement accomplir avec toute l'adresse requise, et ce, avant m�me son mariage. La confection de la guerba, ce frigo traditionnel, n'est pourtant pas chose facile, selon cette octog�naire qui raconte la bonne recette traditionnelle pour fabriquer une outre : on d�piaute le bouc. on lave la peau de l'int�rieur et on remplit la cavit� de �ar�ar� (geni�vre). On r�p�te la m�me op�ration, une dizaine de jours plus tard, � raison de cinq � six fois jusqu'� obtention d'une peau fine que l'on enduit de �guetrane�� (huile de cade). On laisse reposer quelque temps puis on la remplit d'eau que l'on jettera apr�s. On r�p�te l'op�ration une seconde fois et on referme le goulot avec une pi�ce faite de tissu et de bois, appel�e localement khelala. L'outre est pr�te � l'usage. Beaucoup de femmes ayant bonne connaissance du tannage de la guerba affirment que son entretien est par contre facile. Elle se lave parfois de l'ext�rieur pour la d�barrasser de la poussi�re. L'eau qui y est conserv�e reste potable pendant plusieurs jours, selon l'exp�rience des m�res et des grands-m�res. Elles soulignent qu'il est possible d'ajouter une petite quantit� de guetrane � l'eau ou enduire carr�ment l'outre deux � trois fois de cette m�me substance extraite du c�dre pour que l'eau garde son go�t particulier. L'eau de l'outre des Aur�s, qui reste tr�s appr�ci�e par les Batn�ens, voire des visiteurs de la r�gion, doit sa particularit� � son go�t distinct aromatis� au guetrane mais aussi � sa fra�cheur naturelle. Ahmed, vendeur d'herbes et d'extraits de plantes naturelles et autres accessoires traditionnels dans sa petite boutique situ�e au centre de Batna, dit ramener les outres qu'il vend de villages et de douars �loign�s o� la fabrication de la guerba est plut�t du ressort des femmes, notamment � Aris, qui revendique la paternit� de ce �bien pr�cieux��. �La plupart de ceux qui ach�tent les guerbas, dira Ahmed, sont des personnes g�n�reuses qui cherchent, par esprit de bienfaisance, � �tancher la soif des passants et des voyageurs. Beaucoup d'entre eux pr�f�reraient la Guerba trait�e � l'huile de cade � un d�sinfectant naturel �, dit-il aux glaci�res en plastique. Certains commer�ants de la r�gion n'omettent pas, � leur tour, d'accrocher des guerbas devant leurs locaux, � l'ombre et recouvertes d'un morceau de tissu humide, pour permettre aux passants de se d�salt�rer en cas de besoin. Beaucoup d'anciens rencontr�s restent convaincus, par ailleurs, que l'eau de la guerba est �bonne pour la sant� et que son go�t la rend �irr�sistible�. Certains affirment m�me poss�der une guerba et qu'ils s'en abreuvent tout au nom de l'ann�e, � l'exclusion de tout autre moyen de conservation. Un vieil homme de la localit� de Machouch a admis que durant tout son s�jour en France o� il travaillait avant sa retraite, il ne se d�partissait jamais de sa guerba, un don de sa m�re dont il se servait pour se d�salt�rer mais aussi pour se ressourcer gr�ce � l'effet qui lui procurait le go�t irrempla�able du guetrane et du ar�ar. �Beaucoup de mes camarades �migr�s venaient de temps � autre faire une provision de nostalgie en se d�salt�rant � l'outre au parfum du bled�, a-t-il confi�. Il reste que cette bonne vieille guerba, comme tant d'autres produits de l'artisanat, a grandement besoin d'�tre davantage r�habilit�e en tant que symbole d'une identit� nationale � pr�server, � l'heure o� une modernit� d�brid�e jette chaque jour dans les m�andres de l'oubli nombre d'attributs culturels, mat�riels et immat�riels, remontant tr�s loin dans le temps.