�Effectivement, le chiffre, un million et demi de martyrs, n�est pas r�el, mais quand on aborde le sujet, il faut bien expliquer aux gens le fondement d�une telle r�v�lation. Il s�agit d�un mythe et ce n�est quand m�me pas s�rieux de le discuter de mani�re si simple. Dans ce cas, on cherche plut�t � nourrir la pol�mique politique que de faire comprendre aux gens les vrais probl�mes. � Voici la r�ponse donn�e par l�historien Mohammed Harbi, en marge de son intervention, mardi dernier, au centre culturel fran�ais de Constantine, sur le rapport entre la m�moire et l�histoire, � propos des d�clarations faites au sein du Parlement par un d�put� RCD. L�historien, qui a promis d�aborder prochainement cette question, a n�anmoins �voqu�, dans sa conf�rence, les probl�mes pos�s au pr�sent, en se basant uniquement sur la m�moire dans l��criture de l�Histoire. La d�finition de ces deux concepts, utilis�s � tort de mani�re interchangeable, �tait, en effet, le point de d�part de l�analyse de l�historien qui pr�cise que la m�moire pr�suppose l�oubli et que le chercheur, dans ce domaine des sciences sociales, doit imp�rativement croiser les t�moignages, puiser dans le maximum de sources, ne n�gliger aucune donn�e et, surtout, placer les �v�nements dans leur contexte. Autrement dit, exploiter les instruments de v�rification propres � la science pour bien se servir de la m�moire de ces t�moins. Des outils qui peuvent �ventuellement conduire le chercheur � une autre conclusion. Dans le m�me sillage, il �taiera ses propos par le fait que le sentiment national en Alg�rie, soci�t� patriarcale par excellence, ne s�est pas cristallis� dans les m�mes conditions pour toutes les couches sociales, pour toutes les formations politiques, d�autant plus que les effets des coups de force, ayant toujours ponctu� la chronique alg�rienne, se font sentir actuellement par tous les Alg�riens qui, explique -t-il, vivent cet �tat de faits, tant�t en enfer, tant�t au paradis. Un enfer, dira-t-il, parce que chaque Alg�rien porte en lui une nation � lui, et un paradis, simplement parce qu�il lui permet d�aspirer � un avenir autre. �Les querelles d�antan provoquent une bataille d�appropriation du pass�, une v�ritable guerre de m�moire, qui se traduit par des interpr�tations diff�rentes des �v�nements historiques, par l�occultation de certaines v�rit�s et la d�formation pure et simple d�autres par les puissants du moment, qui mettent l�histoire officielle � leur service. Un abus de m�moire qui rend aveugle par rapport au pr�sent, mystifie certaines r�f�rences et pr�sente le plus souvent des postures de victimes qui ne sont pas de saison, puisque les enfants des victimes d�hier peuvent devenir les bourreaux d�aujourd�hui�, expliquera-t-il. Et de citer l�exemple de l�Etat juif, dont les dirigeants trouvent dans l�holocauste de leurs anc�tres un justificatif pour leurs actions, afin d�illustrer son raisonnement. Aussi, Mohammed Harbi, qui a mis plusieurs v�rit�s historiques en relief � l�occasion pour r�habiliter des figures diabolis�es par l�histoire officielle, r�capitulera les cons�quences dangereuses de l�usage abusif de la m�moire et son corollaire de refoulement de la v�rit� dans le ressentiment et la haine. �La complicit� de l�Eglise d�Alg�rie dans la facilitation des d�placements des combattants alg�riens a �t� compl�tement ignor�e. Le fait que les messalistes r�sidant en France �taient les premiers contribuables � la tr�sorerie de la Wilaya III (deux millions de francs fran�ais) a �t� �galement occult� par les dirigeants kabyles qui ont chang� de position par rapport � ce mouvement nationaliste. L�itin�raire du leader de ce mouvement ind�pendantiste a �t� �galement effac� de l�histoire officielle �, indiquera-t-il, entre autres exemples.