Une séance très tendue. La loi de finances 2018 a été adoptée hier à l'APN, dans un climat loin d'être apaisé entre les partis du pouvoir et ceux de l'opposition, mobilisés contre le projet du gouvernement. Objet principal de la discorde : la suppression de l'impôt sur la fortune contenu initialement dans le texte. La commission des finances de l'APN, qui a proposé cette suppression, a expliqué sa démarche par l'impossibilité d'appliquer la mesure, en raison des difficultés qui se poseront dans l'opération d'identification des personnes qui seront soumises à cet impôt. La même commission a argué également la suppression de l'impôt sur la fortune par l'existence d'un impôt sur le patrimoine, et les difficultés qui seront rencontrées par l'administration fiscale sur le terrain, en raison de l'absence d'un système efficace qui permette la réussite d'une telle mesure. Mais les députés de l'opposition, toutes tendances confondues, ont rejeté cet argumentaire, en votant contre la proposition de la commission de l'APN. Avant même l'entame de la séance, les députés du PT ont arboré des pancartes dénonçant la suppression de l'impôt sur la fortune. «Répression dans la rue, censure à l'APN», lit-on dans la pancarte porté par Ramtane Taâzibt. «Le pouvoir affame la majorité et engraisse la minorité», peut-on lire sur une autre pancarte. «Le gouvernement n'a ni le courage ni la volonté d'instaurer l'égalité entre tous les citoyens. La suppression de l'impôt sur la fortune exprime la faiblesse de l'Exécutif face aux puissants», a dénoncé M. Taâzibt. Nadia Chouitem du même parti trouve «honteux» la suppression d'une mesure adoptée par le Conseil des ministres présidé par le chef de l'Etat. Sauf que la mobilisation de l'opposition ne pouvait rien contre la machine de la majorité présidentielle menée par le FLN et le RND, appuyée par le MPA et le TAJ. Le texte du gouvernement, qui impose certaines taxes et l'augmentation des prix de certains produits comme le carburant, a été adopté grâce à cette majorité. Le MSP, l'alliance El Adala-Ennahda-El Bina, le PT, le FFS et le RCD ont tous voté contre la loi. Après son adoption, les députés de ces partis sont revenus à la charge. Ils ont animé un point de presse conjoint dans le hall de l'Assemblée où ils ont dénoncé ce qu'ils appellent «affamer le peuple». «Les partis de la majorité assument l'entière responsabilité des conséquences de cette loi», a lancé Nacer Hamdadouche, chef du groupe parlementaire du MSP. «A travers ce projet de loi, le gouvernement tourne le dos aux Algériens. Il marque le désengagement de l'Etat quant aux acquis sociaux», a alerté, pour sa part, Djeloul Djoudi, chef du groupe du PT. Pour sa part, Lakhdar Benkhelaf, chef du groupe de l'alliance islamiste, a affirmé que le pouvoir n'a donné aucune valeur au peuple, sacrifié par les mesures d'austérité de la loi de finances 2018. Pour lui, cette loi portera un coup fatal au pouvoir d'achat des citoyens. «On l'a refusée car elle ne sert pas les intérêts du pays», a-t-il expliqué, avant que le chef du groupe parlementaire du FFS, Chafaâ Bouaiche, ne dénonce «une loi qui affame le peuple». «La crise du pays n'est ni financière ni économique. C'est une crise politique», a-t-il soutenu. Aucune influence de l'extérieur Le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, loin d'être surpris par la forte contestation de l'opposition, a rappelé les objectifs de la loi de finances. Il s'agit de «la préservation des acquis sociaux», «la diversification de l'économie nationale» et de «la préservation des grands équilibres macroéconomiques». Lors d'un point de presse organisé à l'issue de l'adoption de la loi, il a été assailli par les questions des journalistes relatives à la suppression de l'impôt sur la fortune. «L'impôt existait déjà dans la loi sous l'appellation d'impôt sur le patrimoine. Le gouvernement a voulu une nouvelle formule mais l'Assemblée est souveraine. Elle a joué son rôle législatif en donnant un avis adopté par les députés», a-t-il répondu. «L'APN est souveraine dans ses décisions», a-t-il insisté, soulignant que trois pays seulement dans le monde appliquent un impôt sur la fortune. Le ministre a nié toute pression ou influence de l'extérieur de l'Assemblée dans la suppression de la mesure proposée par le gouvernement. Pour lui, il serait important à l'avenir de réduire la fraude fiscale. «L'administration fiscale utilisera tous ses moyens pour exercer un contrôle sur ces pratiques nuisibles à l'économie nationale», a-t-il assuré. Le représentant du gouvernement a fini par dire que «le contrôle fiscal est plus important que l'impôt sur la fortune».