L'Algérie célèbre aujourd'hui la Journée du moudjahid qui commémore deux dates phares de la guerre de Libération nationale, à savoir la tenue du Congrès de la Soummam et l'offensive du nord-constantinois. Deux repères historiques qui, plus d'un demi-siècle après l'Indépendance, rappellent la sauvagerie du colonialisme français et l'épopée héroïque du peuple algérien. Le Temps d'Algérie consacre à cette occasion un dossier sur les cimetières des chouhada et l'état peu reluisant de ces lieux, mémoire de tout un peuple, que les responsables gagneraient à valoriser car ces endroits sont ô combien symboliques. En ce sens, le ministère des Moudjahidine ainsi que l'Organisation nationale des moudjahidine sont interpellés à plus d'un titre pour faire de ces cimetières, notamment pour les jeunes générations, des repères historiques qui méritent plus d'attention et d'égard de la part de tous. Le valeureux chahid Didouche Mourad, chef de la Wilaya II historique, n'avait-il pas recommandé : «Si nous venions à mourir, défendez nos mémoires.» Balayés par les vents glaciaux des hivers et les siroccos des étés qui secouent leurs arbres à longueur d'année, les cimetières des martyrs sont ces endroits livrés à eux-mêmes et oubliés par tous. Ils ne sont sous les feux de la rampe qu'à l'occasion des fêtes nationales, notamment, celles de l'indépendance, le 5 Juillet et du déclenchement de la lutte de Libération nationale, le 1er Novembre. Ces lieux sortent de l'anonymat pour être revisités, le temps d'une Fatiha, par des officiels et des compagnons d'armes dont le nombre se réduit au fil des années. Généralement clôturées par un mur ni trop haut, ni trop bas, les tombes sont dépourvues d'indications sur ceux qui y sont enterrés dont les noms sont répertoriés sur un semblant de stèle à l'entrée de la maqbara. Ces commémorations sont aussi l'occasion de les rafraîchir à coups de peinture blanche ou de chaux, mais souvent mal faits. L'emblème national, hissé sur ces lieux, n'est également changé que rarement. La plupart du temps à la veille des visites de responsables, tout comme le coup de blancheur. Ce drapeau, très cher pour ceux qui sont inhumés «ici» et qui tenaient à lui comme à la prunelle de leurs yeux, est souvent dans un état lamentable. Sale, déchiré, personne ne s'inquiète. «Ceux qui connaissaient sa valeur sont partis. Ils ne sont plus de ce monde», pour reprendre l'un des leurs qui est lui aussi parti les rejoindre. Herbes sauvages, papiers, sacs de plastique, feuilles mortes, jonchent le sol rarement nettoyé. Mémoire collective de la nation, «ces antres» des valeureux hommes tombés au champ d'honneur et qui se sont sacrifiés pour que nous vivions libres, perdent de plus en plus de leur valeur symbolique. Ces cimetières, «vénérés» durant les premières années de l'Indépendance par une génération qui avait vécu l'enfer de la guerre, ne représentent rien pour les générations actuelles qui ne sont nullement responsables. La faute incombe à tous leurs aînés qui n'ont rien fait pour revaloriser ces lieux de «repos éternel» pour nos combattantes et combattants. Si l'école est là pour initier l'élève aux valeurs historiques du pays sans lesquelles il ne pourrait résister, les autorités locales gagneraient, quant à elles, à penser à la veille de chaque commémoration de profiter des moudjahidine encore vivants pour parler de leurs compagnons d'armes et éviter qu'ils ne se résument qu'à des noms gravés sur du marbre sans plus…