La mort violente de l'ex-président Ali Abdallah Saleh, après son appel du pied à l'Arabie saoudite, risque d'alimenter la «guerre par procuration» au Yémen entre Riyad et Téhéran, selon des analystes. Samedi, 48 heures avant d'être tué par ses anciens partenaires –les rebelles Houthis soutenus par l'Iran–, Saleh s'était dit prêt à «tourner la page» avec l'Arabie saoudite, une initiative aussitôt saluée par la coalition militaire commandée par Riyad et qui combattait l'alliance Houthis-Saleh depuis 2015. Alors que le conflit était dans une impasse totale trois ans après la conquête de la capitale Sanaa par les rebelles, «Saleh avait soulevé un grand espoir de mettre fin à la domination des Houthis», estime M. Almadhaji, ajoutant: «ce n'est pas que les gens l'aimaient, mais c'était une chance de mettre fin au règne d'une milice redoutable». Lorsque la vidéo du corps sans vie de Saleh a circulé, «les gens ont été bouleversés parce qu'ils ont eu le sentiment qu'une occasion importante avait été manquée», avance cet expert. Dans sa première réaction aux évènements, le gouvernement saoudien a déclaré espérer voir le Yémen débarrassé des miliciens Houthis «terroristes, soutenus par l'Iran». L'Arabie saoudite a lancé son intervention militaire pour ramener à Sanaa le président Abd Rabbo Mansour Hadi, réfugié à Riyad, mais celui-ci manque de charisme et il est contesté dans son propre camp. Dans ce contexte, les Saoudiens auront du mal à trouver un autre homme de la carrure de Saleh qui a gouverné le Yémen de 1978 à 2012. «Il n' y a pas de personnalités politiques yéménites comparables (…) en terme d'influence», a déclaré l'institut d'analyse Soufan Center. «Le résultat à court terme de la mort de Saleh pourrait être une augmentation des combats entre forces locales, ce qui pourrait entraîner une intensification des interventions étrangères», saoudienne et iranienne en tête, a ajouté ce centre. La coalition anti-rebelles, dominée par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, pourrait diverger sur le fait de savoir avec qui travailler en l'absence de Saleh: les Saoudiens favorisent le parti islamiste Al-Islah et les Emiratis préfèrent Ahmed Ali, le fils aîné de Saleh présent sur leur territoire, d'après le Soufan Center. De son côté, l'Iran, par la voix du président Hassan Rohani, a déclaré, après la mort de Saleh, que les Yéménites allaient faire regretter leurs actions aux «agresseurs» saoudiens. Et le commandant en chef des Gardiens de la Révolution, le général Mohammed Al Jafari, s'est réjoui de l'échec de la tentative de «coup d'Etat» contre les Houthis qui contrôlent désormais seuls la capitale yéménite. «Une chose est sûre, c'est que le Yémen s'achemine vers davantage de conflits où toutes les parties chercheront à changer la trajectoire en leur faveur», estime Mme Slim. A New York, le Conseil de sécurité a appelé mardi «toutes les parties» à «se réengager sans conditions dans le processus politique conduit par l'ONU pour un cessez-le-feu durable». Dans le même temps, les agences de l'ONU ont demandé une «trêve» humanitaire pour venir en aide à la population de Sanaa où les récents affrontements au sein du camp rebelle ont fait au moins 230 morts et 400 blessés, dont des civils. Pour l'Arabie saoudite, aucune négociation n'est possible avec les rebelles, selon Maged Almadhaji. Riyad accuse l'Iran de soutenir militairement cette rébellion Houthie, ce que la République islamique réfute. Lors d'un rassemblement à Sanaa mardi, les Houthis ont pour leur part cherché à jouer sur la corde patriotique, avec des drapeaux du Yémen et des slogans d'unité («Les Yéménites forment un seul peuple»), tout en promettant d'épargner les membres du parti de Saleh. M. Almadhaji estime encore que les frustrations des habitants de Sanaa et l'empressement de certains à mettre leurs espoirs en Saleh vont bien au-delà de leur colère contre le blocus imposé par les Saoudiens sur le Yémen. «La situation à Sanaa est catastrophique. Les Houthis imposent leur loi de milice. Le commerce a été décimé, le marché noir est florissant et la situation sécuritaire est terrible», dit-il. «Les gens veulent un pays. Ils veulent des lois. Ils sont prêts à ouvrir leurs bras à quiconque sera capable de mettre fin à leurs souffrances».