Invités par le Café Littéraire de Béjaïa, Mohamed Adjal et Djamal Ikhloufi, respectivement enseignant de tamazight et chargé de la formation des enseignants de tamazight dans la wilaya de Béjaïa ont animé samedi au TRB, une conférence sous le thème : «Tamazight, état des lieux et attentes», à travers laquelle ils ont battu en brèche les déclarations du premier ministre à propos de la promotion de tamazight. Cette rencontre qui intervient, pour rappel, dans un contexte caractérisé par des manifestations pour la promotion de cette langue, a cerné la problématique qui, selon les affirmations même des conférenciers, réside dans l'absence de prise en charge de l'enseignement de tamazight sur tout le territoire national. Pour Djamal Ikhloufi, l'enseignement de tamazight est éminemment politique. «Tout ce qui a été fait depuis l'introduction de tamazight à l'école algérienne et se proclame comme stratégie de promotion de cette langue n'est que détours pour retarder sa généralisation», soutient l'orateur. Des propos qui sonnent comme un cinglant démenti aux déclarations du premier ministre, Ahmed Ouyahia, à ce propos. En effet dans une déclaration à la presse, faite en marge de la tripartite, samedi, le premier ministre a affirmé que «la généralisation de tamazight n'est pas un slogan mais une réalité ; elle est enseignée dans 38 wilayas». Chiffres à l'appui, Mohamed Adjal, professeur de tamazight à Béjaïa et journaliste, assène ses vérités qui vont à l'opposé des affirmations du premier ministre. Depuis que la langue tamazight est introduite à l'école à la fin des années 1990, soit vingt ans, «il y a exactement 434 enseignants répartis sur 35 wilayas alors que les trois wilayas de Kabylie cumulent à elles seules 2323 enseignants». «Où est donc cette généralisation dont on parle ?» s'interroge le conférencier. Venant à l'appui de Mohamed Adjal, Djamal Ikhloufi affirme pour sa part que «le nombre d'enseignants de tamazight a atteint 2757 en 2017. Sachant que le nombre total d'enseignants est 495 000, cela fait un taux de 0,56% ; – Le nombre d'élèves qui étudient la langue amazighe a atteint 343 725 en 2017 au niveau de 38 wilayas du pays. Sachant que le nombre total d'élèves est 8 691 006, cela représente en taux 3,95%. Le nombre d'élèves qui étudient la langue amazighe dans le secondaire a atteint 68.436 en 2017 au niveau de 38 wilayas du pays. Sachant que le nombre total d'élèves dans le secondaire est de 1.261.198, cela représente un taux de 5,42%. L'orateur écorchera au passage la ministre de l'Education nationale à laquelle il reproche la mollesse dans la mise en pratique des textes pris en faveur de l'enseignement de tamazight. «Il y a des stratégies politiques inavouées, nos enfants entament l'enseignement d'une langue officielle, le tamazight, en 4e année primaire, après une année d'étude d'une langue «étrangère», le français, en 3e année. Quelle aberration ! Les aberrations de l'école algérienne ne manquent pas : le coefficient de la langue amazighe est de 2, alors que celui des langues étrangères est de 3 et parfois plus», soulignera Djamal Ikhloufi. Les solutions existent, mais l'Etat s'inscrit sur un registre de déni, soulignent les conférenciers. Ils énumèrent quelques décisions que le gouvernement doit prendre de toute urgence. «Il est nécessaire dans un premier temps que le département de l'Education propose dans les plus brefs délais la mise à jour de la loi d'orientation sur l'Education nationale. La mise à jour doit prendre en considération la généralisation pédagogique et géographique en ce sens que l'enseignement de tamazight soit effectif partout et pour tous à partir du préscolaire ; l'intégration de tamazight comme épreuve dans l'examen de 5e année primaire» est préconisée par les orateurs.