La guerre entre le secrétaire général du Mouvement Ennahda et ses opposants franchit un point de non- retour. Le parti islamiste que dirige Mohamed Douibi ne va pas sortir de la crise de sitôt, encore moins lui en personne. Sa tête est désormais mise à prix. Une cinquantaine de cadres de la direction nationale d'Ennahda vient de lancer des concertations avec les militants à travers toutes les wilayas du pays «pour débattre des choix qui s'imposent en vue de prendre les décisions idoines en toute responsabilité». Une opération qui vise le départ de Mohamed Douibi, secrétaire général du parti, tenu pour «responsable» de la crise que vit Ennahda, de son recul sur la scène politique et surtout d'avoir «saboté le projet d'union» avec le parti El Adala d'Abdallah Djaballah. Rejetant toutes les décisions issues de la session extraordinaire du Conseil consultatif du 4 mai dernier, 53 cadres dont l'ancien SG Fatah Rebai, l'ancien président du conseil Ali Hafdallah, l'actuel SG adjoint Youcef Khababa ainsi que Mohamed Hadibi, membre du bureau national, ont signé une déclaration dans laquelle ils estiment que «l'ensemble des décisions prises dernièrement, notamment la mise en place de la commission de préparation du congrès et la convocation de ce rendez-vous pour novembre prochain, sont illégales». Pour eux, le parti ne dispose plus d'organe exécutif légitime depuis «la démission des deux tiers des membres du bureau national» et qui remonte à 2015. «Ce qui rend les décisions prises durant toute cette période, nulles et non avenues, d'autant qu'il (Douibi, Ndlr) représente une institution qui n'a plus aucune existence». Le communiqué des opposants à Mohamed Douibi comporte toute une liste d'accusations contre ce dernier. Il s'agit entre autres de «la violation des prérogatives» du conseil consultatif avant de «noyer» par des personnes ayant déjà perdu leur qualité de membres, outre qu'il a fait appel à d'autres cadres ayant quitté le parti ou qui se sont présentés sur des listes électorales de tierces formations politiques. Les signataires de la déclaration chargent Douibi, le désignant comme seul responsable du blocage et qui a fait barrage au processus de réconciliation. «N'étaient les manœuvres de blocage en appelant à la scission et à division, le parti serait sorti de la crise», écrivent-ils. Et d'ajouter, en s'adressant aux militants que le secrétaire général a fait perdre au mouvement la chance de sceller une union entre les enfants du courant islamiste. En effet, après avoir entériné le projet d'union avec les partis El Adala et El Bina, et l'installation de la commission mixte, Mohamed Douibi a, selon ses opposants, «tout fait pour saboter l'initiative rien que par égoïsme de vouloir rester aux commandes au détriment du projet». Dans leur réquisitoire, les rédacteurs de la déclaration iront même jusqu'à désigner «certaines parties étrangères» au parti, sans les nommer, d'avoir joué «un rôle» pour avorter ce projet qui ne semble plus être d'actualité, surtout après la débâcle des résultats obtenus lors des élections législatives de mai 2017. Pour leur démarche, enfin, ils affirment qu'elle reste «ouverte» à l'ensemble des membres du conseil consultatif, des cadres et des militants au niveau de la base, afin de discuter des alternatives possibles et responsables. S'agit-il là d'un appel à renverser Mohamed Douibi ? Ça en a tout l'air ...