Très connu pour avoir fait la meilleure émission de toute l'histoire de la Télévision algérienne, à savoir «Télé-ciné club» diffusée de 1969 à 1982, le professeur en cinéma Ahmed Bedjaoui estime que le cinéma algérien a vécu son âge d'or durant la période post-Indépendance. Une période très florissante et durant laquelle on comptait pas moins de 400 salles de cinéma. Un chiffre impressionnant en comparaison avec le nombre réduit de salles de cinéma ouvertes actuellement. La production, qui était prolifique, est réduite aujourd'hui à un nombre de films qui se compte sur les doigts d'une main. Invité à la 44e session de formation de Nedjma, dispensée au profit des journalistes au siège de son institut de formation sis à Tixeraïne à Alger, le producteur et présentateur de programmes télévisés, radiophoniques et cinématographiques souligne qu'en cette période, la production culturelle et notamment cinématographique a suscité une «large critique culturelle». Cette critique exerçait auparavant une influence sur le public. Une influence qui, selon lui, n'est plus aussi importante en raison de «la dimension marketing et consommation qui domine la relation avec le produit culturel». En effet, Bedjaoui souligne l'apparition «d'un nouveau type de critique culturelle qui se contente de faire la promotion du produit culturel à l'aide de bandes-annonces et de fiches de lectures pré-rédigées». Cette promotion est renforcée par la Toile via «le buzz média sur internet et les réseaux sociaux», faisant de ces derniers des «outils de recommandation incontournables et ce, en plus des services développés par les opérateurs de téléphonie mobile pour la promotion du produit culturel». Cette nouvelle forme de critique culturelle nous amène, selon le professeur, à faire le parallèle avec celle d'une autre génération où la critique culturelle était l'apanage de «personnes reconnues, seules habilitées à donner des recommandations sur les tendances littéraires ou cinématographiques». Sur un autre volet, le Pr Bedjaoui a souligné la difficulté d'exercer le métier de critique de cinéma dans «une situation d'absence totale de salles de cinéma pour accueillir le public, un public qui s'est tourné vers le DVD et de plus en plus vers le Web». Cette difficulté se pose également pour le critique littéraire car ce dernier «n'est plus le garant du succès d'un ouvrage, même s'il reste un support important pour la crédibilité du jugement», souligne le formateur. Concluant son intervention, le professeur Ahmed Bedjaoui a évoqué l'éventuelle «mort de la critique culturelle traditionnelle, grande victime du buzz et de l'internet». Cette critique sera, regrette-t-il, «probablement remplacée par le journaliste culturel, «sous réserve que ce dernier fasse preuve d'humilité et qu'il fournisse le maximum d'informations au public tout en se gardant de s'ériger en faiseur d'opinion».