Existe-t-il réellement une critique cinématographique dans notre pays ? C'est à cette question lancinante et d'actualité qu'ont tenté de répondre, hier, Abdelhakim Meziani, Djamel Eddine Merdaci et Nabil Hadji, cinéastes et passionnés du 7e Art, lors du forum culturel hebdomadaire d'El Moudjahid. Les invités de ce rendez-vous culturel ont été unanimes à affirmer qu'en l'absence d'une production cinématographique régulière, on ne peut pas parler de critique. M. Merdaci a souligné, dans son analyse, l'absence de critique, en raison de l'effondrement depuis les années 1990 du cinéma, à cause du désengagement des pouvoirs publics. Le même orateur a estimé que le déclin de la critique cinématographique a coïncidé avec la disparition de la distribution et de l'exploitation des salles de cinéma. Pour remédier à cette situation, pour le moins dommageable, surtout pour les générations montantes, il a plaidé pour une politique culturelle claire, le respect des normes, mais aussi, et surtout, pour l'autonomie des ressources financières du cinéma. M. Abdelhakim Meziani a, pour sa part, restitué, comme il l'a souligné, « sa mémoire de cinéphile ». Il a aussi rappelé l'intense activité cinématographique au lendemain de l'Indépendance, particulièrement dans les années 1970. Il a indiqué que la critique cinématographique d'alors était liée intimement à la réalité de la société algérienne. Néanmoins, la critique, à cette époque-là, n'accordait pas une importance particulière à la création artistique et esthétique : « Toutes ces dimensions étaient sacrifiées sur l'autel d'un engagement politique. » M. Meziani, qui a présidé la Fédération nationale des cinéclubs, a soutenu qu'au jour d'aujourd'hui, notre pays ne dispose pas d'une industrie cinématographique, d'école de cinéma, en plus de la fermeture de plusieurs salles, qui furent des lieux de rayonnement culturel : « Pour une histoire de locaux, le cinéma algérien, qui était l'ambassadeur de l'Algérie combattante, a été sacrifié, laissant le champ libre à l'idéologie intégriste. » Le problème est systémique, a-t-il dit : « L'ouverture d'une école nationale cinématographique est indispensable pour qu'on ait des films qui fassent un cas d'école. » Nabil Hadji a, lui, mis surtout l'accent sur la difficulté d'écrire sur le cinéma en l'absence de production. Pendant la décennie noire, s'est-il souvenu, les journalistes spécialisés dans la critique cinématographique étaient contraints de couvrir des festivals organisés à l'étranger. Il a lui-même tenté une expérience de consacrer des espaces pour écrire sur le cinéma, mais sa tentative a échoué, à cause de l'absence de production filmique. Il y a des raisons d'espérer, toutefois : « A l'université d'Alger et d'Oran, des étudiants font un véritable travail de recherche. Certains ont soutenu des mémoires et même des thèses de doctorat sur le cinéma. » Les invités du forum ont, en outre, estimé obligatoire la restauration des salles de cinéma, et développer la culture cinématographique chez l'enfant avec la création de petits festivals.