Devantures brisées, arrêt de bus explosés, véhicules incendiés, boulevards et rues saccagés, les stigmates de samedi habillé de gilets jaunes n'en finissent pas de défiler sur nos écrans-télé. On se dit dans notre langage populaire : «au loin la misère». Car on n'arrive pas à croire que c'est parti d'une revendication citoyenne, d'un mouvement dit spontané devant la hausse des taxes sur le carburant. Sans unité, ce mouvement a généré un potentiel explosif d'incohérences revendicatives. Le désordre social et les inévitables récupérations politiciennes réclament même un référendum, la dissolution de l'Assemblée nationale, la démission de Macron et la disparition complète du Sénat. Des têtes vont sûrement tomber, mais qui sont ces «gens de la base», comme les nomment les premiers de la classe ? Des citoyens affligés. Devant leurs yeux, la politique de leur pays se déroule, chaotique au gré des intérêts financiers, des grands capitaux er des marchés d'armes. Mais, c sont eux qui sont montrés du doigt. Un petit monde de pollueurs, d'inconscients qui roulent trop vite, de chômeurs qui abusent des systèmes, de travailleurs qui se négligent en portant des gilets jaunes. Et maintenant qu'ils osent fouler l'avenue des Champs Elysées pour manifester leur désarroi social, la bien-pensante politique les assomme de théories en matière d'écologie, dont ils ont fort bien perçu la récupération. Des théories, certes, mais pas d'actes compréhensibles et logiques. En fait, les plus gros pollueurs et destructeurs de la planète, ne sont pas ces gilets jaunes qui mettent l'intelligentsia en émoi. Ce sont toutes ces grandes entreprises qui ne pensent qu'au profit généré par le marché mondial, l'augmentation de capital et l'exploitation sans fin des ressources humaines et terrestres. Tout le contraire de ce qu'attend le social par la redistribution des richesses, la solidarité, les salaires équitables et ce, partout dans le monde. Décidément, les gens modestes ne parlent pas la même langue que les premiers de cordée, chouchoutés par Macron. Ils font des parallèles et ils savent bien ce qu'il faudrait pour nettoyer la planète de ses prédateurs, aux formules pompeuses… Sur les télés, on se plaît à faire tourner en boucle les exactions, les dérapages verbaux, les propos insupportables, tandis que la plèbe, l'odieuse plèbe, exprime son mécontentent et sa colère désordonnée. Les bien-pensants, eux, se dé-solent, les corps constitués s'insurgent, les nantis s'exaspèrent, l'extrême-droite se frotte les mains et la gauche y perd son latin. Dans ce fouillis, l'accusation tombe à pic : ces pauvres types sont instrumentalisés. Il est vrai qu'à force de vouloir transformer les citoyens en modestes sujets, en simples valets, les puissants ne peuvent admettre que les sous-couches puissent penser et agir par elles-mêmes. Les réseaux sociaux ont fini par souffler sur les braises. C'est que mettre en panne l'ascenseur social, abrutir les masses à coups d'émissions-télé stupides contribue à créer des sous-individus, incapables de s'exprimer, d'élaborer une pensée cohérente. Et pour ça, quoi de mieux que les réseaux sociaux ? Quand les mots manquent, la violence, les poings prennent le relais de l'expression. Aussi, que certains succombent à la facilité n'a rien d'étonnant. Par contre, leurs pourfendeurs, incapables d'imaginer la vie avec un SMIC ou un minima social, attendent que ça se tasse pour festoyer à Noël…