L'évolution qu'a connue la situation politique ces derniers jours, avec le départ de Bouteflika et le maintien du gouvernement Bédoui, a contraint les manifestants à «actualiser» les slogans pour ce VIIe acte de la protesta. Dès les premières heures de la matinée, le décor était déjà planté. Les banderoles commençaient à être accrochées un peu partout, et les vendeurs de drapeaux avaient pris possession des trottoirs, comme s'ils s'attendaient à une déferlante humaine sur la ville. Et ceux qui pariaient sur l'essoufflement de la mobilisation en ont eu pour leur compte. Non seulement la multitude était là, mais elle était plus importante que tous les autres actes de la protesta. En effet, jamais peut-être depuis ce qu'on peut appeler la «Révolution», la ville de Tizi-Ouzou n'a vu défiler autant de monde. Combien étaient-ils ? Impossible de le dire. Des centaines de milliers, 600.000, 800.000, 1 million ? Chacun y allait de son propre décompte, pour quantifier cette marée humaine qui a déferlé sur la capitale du Djurdjura. A un certain moment, la foule était incapable d'avancer. Elle était tellement compacte qu'il était presque impossible de bouger sur un itinéraire de plusieurs kilomètres. Si les premiers marcheurs avaient déjà atteint la place de Bougie, comme on l'appelle, les derniers étaient encore non loin du campus Hasnaoua de l'Université Mouloud Mammeri, d'où la foule s'est ébranlée un peu après midi. Hommes, femmes, enfants, jeunes et moins jeunes, vieux et vieilles drapés du drapeau national et du drapeau amazigh, ils étaient tous là. Ils sont venus même des localités de la wilaya de Boumerdès, limitrophe de la wilaya de Tizi Ouzou, comme Laaziv n Zamoum, etc. Il y avait même une vieille femme âgée de 98 ans, qui avait pris part à la marche. Un autre est venu à cheval, tandis que cet autre portait sur son dos une sorte de havresac, sur lequel il avait écrit «Argent du peuple». Les secouristes bénévoles et du CRA étaient aussi présents en masse, et prêts à intervenir à tout moment, au même titre que des éléments de la Protection civile. C'est dire que jamais la mobilisation n'a été aussi forte. La marche d'hier restera sans doute dans l'histoire. Les slogans «actualisés» L'évolution qu'a connue la situation politique ces derniers jours, avec le départ de Bouteflika et le maintien du gouvernement Bédoui, a ainsi contraint les manifestants à «actualiser» les slogans pour ce VIIe acte de la protesta. Ainsi, et sur les milliers de pancartes et de banderoles déployées, étaient écrits autant de slogans défavorables au gouvernement Bédoui qu'au système en général. «Système dégage», «Algérie libre et démocratique», «Non aux 3 B» (référence faite à Bédoui, Bensalah et Belaiz), «Dégagez, l'Algérie appartient au peuple», «Non aux 3 B, Oui aux 7-8», ( articles 7 et 8 de la constitution), ou encore cette citation de Mammeri : «Personne ne peut arrêter un peuple sur le chemin de son destin», et d'autres pour exiger un changement radical sans les figures apparentées au régime, sont parmi les milliers de slogans, écrits et scandés par les manifestants. Signalons par ailleurs une forte présence de femmes, leur manière de fête et défier l'appel sur les réseaux sociaux à les attaquer avec de l'acide. Plusieurs slogans ont rendu hommage au courage des femmes d'exiger leur égalité avec les hommes. D'autres slogans contre la hogra, la corruption, l'injustice ou encore la fameux «Pourvoir assassin» et «Ulac smah ulac», ou encore «Ifuk el gaz à Macron, sehmu s triciti, naaya di el système, c trop nevgha la liberté» ont été scandés tout au long de l'itinéraire.