«Les solutions existent», pense Younes, et elles sont largement «suggérées dans les marches par une jeunesse consciente des enjeux, présents et futurs». Encore une personnalité nationale qui appelle au dialogue. L'ancien président démissionnaire de l'APN, Karim Younes, a plaidé hier, en faveur d'un dialogue comme seul moyen de sortir le pays de la crise qu'il traverse, et de l'impasse à laquelle il est confronté à cause des divergences de visions entre le Hirak et les tenants du pouvoir. Evitant de commenter les décisions qui sont prises ici et là, et dont les discussions autour de leur constitutionnalité «sont d'une stérilité évidente», Karim Younes estime que «l'enjeu, c'est d'assurer une politique de salut national, et d'éviter toute dérive menaçante pour la nation». D'où son appel au dialogue entre l'ensemble des acteurs. «Le pays ne saurait retrouver son cours normal de vie, la satisfaction des revendications majeures des générations d'aujourd'hui, ses espérances maintes fois contrariées, que par la rencontre des intelligences de tous dans un dialogue fécond, où chaque élément de la société aura trouvé sa place», écrit celui qui a quitté son poste de président de l'APN, en 2004, deux ans après son élection. Mais, qui mènera ce dialogue, au moment où le peuple refuse une quelconque transition sous Bensalah comme président de l'Etat et Bedoui comme Premier ministre ? Sur ce, Karim Younes se place au-delà des noms. La seule condition pour lui, est que ces hommes portent l'intérêt de l'Algérie dans le cœur. A partir de la, il est clair, a-t-il estimé, que «la mission historique de sauvegarde du pays en péril ne peut être menée au-delà des hommes, des tendances de pouvoir et des velléités de récupération politicienne, que par ceux qui ont à cœur les intérêts suprêmes du peuple algérien». Sinon, pour la formule à adopter, «les solutions existent», pense Younes, et elles sont largement «suggérées dans les marches par une jeunesse consciente des enjeux, présents et futurs». C'est pourquoi il met un trait sur l'ancienne génération, car «la parole est d'abord aux acteurs de ce formidable mouvement, issu d'une génération capable de suggérer les solutions qui entrent dans le cadre philosophique de sa démarche». En clair, «on ne doit plus se substituer aux hommes et femmes, qui ont pris la noble et courageuse décision de changer la trajectoire que doit prendre notre pays», tranche-t-il, appelant ceux de sa génération à se contenter «d'apporter l'appui nécessaire à la société». Entre le politique et le militaire Dans la vision de Karim Younes, l'institution militaire n'est pas exclue du processus de règlement de la crise. «On ne peut et on ne doit pas non plus exclure ou minimiser le rôle de l'armée dans la construction d'un Etat de droit», dit-il, ajoutant que la mission du soldat est la défense du territoire et de son intégrité «demeure toujours un discours». Certes, l'armée doit «laisser des espaces plus grands» aux partis, au mouvement associatif et ligues des droits de l'Hommes, etc., dont «le rôle consiste à être les relais de la société dans ses différentes expressions». Toutefois, «on ne peut en aucun cas, dénier à cette armée le droit et le devoir de veiller sur l'état de la Nation», appuie Karim Younes, pour qui le citoyen ne conçoit pas l'Etat sans son armée, de même pour toutes les armées du monde, y compris celles des superpuissances. À cette équation, il n'y a qu'un seul préalable, c'est que la Constitution dresse «des frontières» entre le politique et le militaire. Non pas l'un contre l'autre, prévient Younes, mais «l'un complétant l'autre dans l'intérêt de la République». En tous cas, la sortie de Karim Younes va dans le même sens que d'autres initiatives déjà proposées, mais qui n'ont trouvé aucun écho chez les tenants du pouvoir, notamment le chef de l'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, interpellé par le trio Taleb Ibrahimi, Ali Yahia Abdennour et Rachid Benyelles, pour ouvrir le dialogue avec les partis, la société civile et les acteurs du Hirak. En attendant que le statu quo soit débloqué, l'impasse que vit l'Algérie ne peut qu'être porteuse de dangers.