Il y a le baby-boom, comme il y a le senior-boom. En Algérie, la question des retraités et des pensions de retraite a surgi sans crier gare, il y a quelques années, dans les nouvelles préoccupations des médias et de la société civile. L'énormité des problèmes et leur complexité ont incité les pouvoirs publics à introduire cette question dans leurs agendas de travail. Désormais, avec les chiffres qu'on a, on mesure de plus en plus l'intérêt de cette large frange de la société et son importance dans le vécu du pays.Car il ne s'agit plus d'une question de vieillesse ou de santé, mais d'une force de travail expérimentée laissée en jachère, abandonnée et complètement délaissée. C'est connu de par le monde que cette catégorie sociale, qui a épuisé sa vie et sa carrière dans un ou plusieurs secteurs, est bouleversée par la rupture dramatique de ses liens sociaux et de ses habitudes professionnelles, complètement déstabilisée par les changements générés par les départs forcés à la retraite et qui se retrouve du jour au lendemain marginalisée, sans perspectives sociales, sans ambitions, sans discipline d'un emploi du temps réglé depuis plus de trente ans. De plus, les vieux se retrouvent désemparés par la diminution de leurs ressources financières, alors qu'en bons pères de famille, ils continuent toujours à subvenir à leurs progénitures, pas assez grandes pour trouver un bon emploi. C'est cette rupture qui angoisse nos seniors, qui fait peur à nos potentiels «retraitables». «C'est comme un bout du tunnel, car la retraite est perçue comme une sanction, comme un mépris, ça touche à votre dignité et tu as l'impression que la société n'a plus besoin de toi et que tu ne sers personne. C'est la première mort», nous confie un néoretraité. Cependant, au-delà de ces drames personnels, moraux et psychologiques, la question de la vieillesse s'impose depuis peu comme une préoccupation de politique nationale, car nos seniors expriment non seulement des besoins, mais ils posent à la collectivité nationale une crise de conscience.Car ils sont des milliers de retraités qui se lancent dans de nouvelles aventures professionnelles, généralement dans l'informel, pour continuer à payer des dettes contractées ou à joindre les deux bouts : des enseignants deviennent des chauffeurs de taxi clandestins, des agents de la Fonction publique se transforment en vendeurs à la sauvette, d'ex-cadres versent dans le gardiennage. Et c'est justement avec l'émergence annuelle de ces vagues de seniors que la question d'une prise en charge devient incontournable, d'autant que beaucoup de nos institutions et de nos entreprises, notamment des secteurs de pointe, souffrent d'un déficit énorme dans la qualité de leurs ressources humaines.Depuis plus de vingt ans, les pouvoirs publics ont érigé des politiques diverses destinées exclusivement à la masse des jeunes, avec une panoplie de mesures pour endiguer le chômage endémique d'alors, comme des aides à l'investissement, à l'octroi des crédits ou des avantages sociaux. Aujourd'hui, la masse des seniors impose à ces pouvoirs publics l'introduction de nouveaux mécanismes de prise en charge, loin des traditionnelles omra ou pèlerinage, un plan de valorisation de ses ressources humaines précieuses, fruits de plusieurs décades de formation et d'expériences, voire la création de structures ou d'organismes spécialisés. L'absence d'une politique destinée à cette frange de la société ne peut en aucun cas se justifier par des considérations économiques ou budgétaires. Ces millions de seniors ne méritent-ils pas au moins un secrétariat d'Etat ?