Elle voulait chanter et elle a chanté. Elle voulait être célèbre et elle a été célèbre. Elle voulait être la meilleure et elle a été la meilleure. Elle, c'est Fadhila Dziria. Son décès le 6 octobre 1970 a laissé un grand vide dans la chanson hawzi si ce n'est quelques chanteuses, comme Seloua qui avait déjà les capacités de suivre la voie de la grande dame. Bien qu'elle fût issue d'une famille conservatrice, Fadhila, de son vrai nom Madani, ne pouvait être que chanteuse. Ses parents, qui ne voyaient pas leur fille embrasser une carrière d'artiste, ne pouvaient tout de même pas l'empêcher d'écouter les disques 78 tours de Mâalma Yamna Bent El Mehdi qui tournaient régulièrement sur le plateau de la ghenaya (tourne-disque à manivelle) familiale. La petite Fadhila se voyait déjà parmi les remplaçantes de la grande chanteuse des années 1930. Son autre idole était Meriem Fekkai El Bessekria qui la connaîtra plus tard et fera même partie de son orchestre. La petite Fadhila avait tout pour plaire. Elle avait de très beaux yeux, un joli sourire et une belle voix. Dès son jeune âge, elle est découverte lors d' un passage à l'émission «Men Koul Fen Chway» qu'animait El- Hbib Hachlaf aux côtés du chef d'orchestre Haddad El Djilali. Au début des années 1930, elle avait chanté en arabe et en kabyle au café des Sports. Mustapha Kechkoul, mélomane connu et discothécaire de Radio Alger, lui conseilla de se spécialiser dans la chanson classique et lui procura des textes du patrimoine tels que Mel Hbibi Malou de Ben Msaib. Son mariage forcé à l'âge de 13 ans ayant fini par un divorce a poussé la jeune Fadhila alors qu'elle était en début de carrière à partir en France. Elle se retrouvera dans le milieu des artistes émigrés et chantera au cabaret El Djazaïr du moderne algérois et du hawzi. Convaincue par sa mère à rentrer au pays, elle continuera à chanter et animer les fêtes familiales. Elle retournera au café des Sports (près de la mosquée Ketchaoua), qui aurait appartenu à Hadj Omar puis à Hadj Mahfoudh, pour égayer les soirées de Ramadhan. Kechkoul lui conseillera une nouvelle fois de chanter le hawzi et l'introduira dans l'orchestre féminin de la radio qui était dirigé par Meriem Fekkai. Elle se retrouvera rapidement parmi l'élite de la chanson algérienne aux côtés de Tetma, Reinette Daoud (l'Oranaise), Alice Fitoussi qui a fini dans les années 1970 par devenir voyante à El Biar avant de partir définitivement en France. A l'époque où les spectacles de musique étaient généralement précédés d'une pièce théâtrale, l'occasion était donnée à Fadhila de jouer dans plusieurs pièces, notamment avec les Tournées Mahieddine. C'est ainsi qu'elle avait joué dans Dewlet Ensa et Mouni Radjel. Ces tournées lui ont permis de monter sur scène aux côtés de grands comédiens tels que Keltoum, Aouichette, Djelloul Bachdjerrah et du chahid Mohamed Touri. Au milieu des années 1950, Boudali Safir la programme sur la chaîne de télévision. Les rares films qui restent la montrent avec Meriem Fekkai et Latifa. Cette dernière partira après l'indépendance en France. Fadhila Dziria qui avait participé à la révolution et emprisonnée à Serkadji restera pour continuer une carrière très riche. Bien qu'elle fût analphabète, elle était toujours à l'aise pour chanter les chansons du patrimoine grâce à sa mémoire infaillible. Quelques mois avant son décès, on l'avait vu passer en direct à l'émission «Improvisation» qu'animait le grand Sid Ali Fernandel. Hadj Abderrahmane qui deviendra L' inspecteur Tahar était derrière la caméra en tant qu'opérateur. Durant la même émission, Hassan Hassani et Tayeb Abou El Hassan s'étaient donné la réplique dans un sketch éducatif Lewlad Edhayîne. Elle était habillée en bedroun en soie et portait un foulard de type mehermet leftoul. On garde cette image d'elle, 38 ans après son départ. Elle repose au cimetière d'El Kettar, non loin de grands artistes tels que El Anka et Rachid Ksentini.