Sur les cinq balances électroniques (pèse- personnes) utilisées, nous avons obtenu des résultats différents concernant le poids et la taille. «C'est un problème de réglage», indiquent les pharmaciens. Ces derniers sont incapables de dire qu'elle est la bonne mesure d'entre les cinq résultats obtenus. C'est devenu une pratique courante. Les pharmaciens font installer dans leurs officines des balances électroniques à usage public à raison de 10 DA la pesée. Une question se pose : les informations fournies par ces balances, dites de précision sur la taille et le poids, sont-elles fiables ? A première vue, oui. Il s'agit bel et bien d'une machine électronique et la technologie a tout l'air d'être performante du moins aux yeux des clients. Cependant, l'expérience prouve le contraire. Les résultats de la pesée diffèrent d'une balance à l'autre. Expérience. Une pharmacie, située à la rue Abane Ramdane à Alger-centre, dispose d'une de ces balances. De temps à autre, les clients sont mis devant le fait accompli. Une fois l'opération de pesage effectuée, la machine n'imprime pas le ticket sur lequel les indications sur la taille et le poids sont soigneusement notées. Après vérification, il s'avère que la balance est en panne de papier. Cette fois-ci, c'est notre journée de chance et l'opération a donné les précisions suivantes : poids 75,8 kg, taille 1,63 m. Ces indications sont suspectées d'être incorrectes à partir du moment où une opération précédente faite chez le même pharmacien a donné 1,75 m pour la taille. Pour nous assurer, nous avons refait la même expérience, mais dans une autre pharmacie. La seule à être ouverte à la rue Bab Azzoun, dans la commune de La Casbah. En plus d'un tensiomètre, l'apothicaire dispose de deux balances électroniques, dont une seule est opérationnelle. Pour s'attirer de la clientèle, une des balances a été placée sur le trottoir. La surprise est grande. En cinq minutes de marche, nous avons grossi de presque 2 kg et grandi de 11 cm ! Le ticket indique exactement 77,2 kg et 1,74 m. Pourquoi cette différence ? «Je n'en sais rien», dit le jeune pharmacien qui a vite fait de changer de place pour n'avoir plus à s'expliquer. Selon son collègue, la différence serait due à un problème de réglage de la machine. Quelles sont donc les bonnes mesures, celles obtenues à Abane Ramdane ou celles de Bab Azzoun ? «Je n'en sais rien», répond-il. Le problème ne se pose pas uniquement au niveau de ces deux pharmacies. La balance électronique installée dans les locaux d'une pharmacie, rue Larbi Ben M'hidi, donne, quant à elle, des résultats différents des deux précédentes pesées. Ainsi, le poids passe à 75,9 kg et la taille à 1,76 m. Interrogé sur le pourquoi des différents résultats obtenus à partir des trois balances, un des pharmaciens éclate de rire. «Je ne m'attendais pas à ça !», avoue-t-il. Après un trajet de 14 minutes, on se retrouve devant une pharmacie de la rue Didouche Mourad. Par rapport à l'opération précédente, les différences sont importantes. Le ticket fourni par cette machine indique un poids de 76,7 kg et une taille de 1,72 m. Dans la même pharmacie, les gens font la queue devant la balance. Une jeune dame se propose de passer en premier puis ses trois enfants. «C'est juste par curiosité», affirme-t-elle. La curiosité lui fait ainsi découvrir qu'elle pèse 42 kg. «J'ai un peu grossi», commente la cliente. Une fois mise au courant des différences qui existent entre les informations fournies par différentes balances, la dame commence à écarquiller les yeux, puis finit par dire : «Les différences ne sont pas importantes.» Un autre client s'étonne de cette découverte avant de pousser un rire moqueur. «Même les machines mentent !», ironise-t-il. Pour boucler la boucle, nous quittons la rue Didouche Mourad en direction de la rue Ahmed Chaïb (ex-rue Tanger). Dans cette pharmacie, la balance avance de nouvelles données : 76,8 kg et 1,71 m... Des «gadgets», selon l'ordre des pharmaciens Selon le président de l'ordre national des pharmaciens, les balances électroniques ainsi que les tensiomètres qui s'ajoutent au décor des pharmacies ne sont rien d'autre que «des gadgets». S'agissant de leur utilisation par les pharmaciens, Lotfi Benbahmed dit que «rien ne l'autorise et rien ne l'interdit également». A en croire notre interlocuteur, ces «gadgets» sont voués à la disparition devant la disponibilité des balances et tensiomètres à usage individuel. En ce qui concerne la différence de précision entre une balance et une autre, il explique que cela relève d'un problème d'homologation. Ainsi, ces outils de diagnostic échapperaient à tout contrôle. «Ce n'est pas la balance qui fait le pharmacien ou le médecin», a précisé toutefois M. Benbahmed.